La pandémie de coronavirus sévit maintenant depuis plus de 20 mois et si on est tous devenus les otages de ses différentes mutations, l’amplitude avec laquelle frappe la dernière déferlante Omicron commence à sérieusement inquiéter les entreprises du secteur manufacturier qui ne sont pas à l’abri des confinements forcés en raison de potentielles éclosions collectives en usine.

Les quelque 13 000 usines du Québec où le télétravail n’est évidemment pas une option et où les travailleurs sur le plancher doivent cohabiter dans le respect de la distanciation physique ont resserré les règles sanitaires pour éviter la propagation du nouveau variant Omicron, mais appréhendent tout de même le retour des Fêtes.

Dans quel état de santé les troupes vont-elles revenir après les festivités, même considérablement réduites, de Noël et du jour de l’An ? Est-ce qu’elles vont ramener à l’usine le virus avec leur boîte à lunch ?

Guy Bonneville, président de Lepage Millwork, un fabricant de portes et fenêtres qui emploie 450 personnes à ses usines de Rivière-du-Loup, n’a pas pris de risques. Les employés qui ont quitté l’usine mercredi pour deux semaines de vacances vont devoir revenir avec un test de dépistage négatif le 5 janvier.

« On a resserré toutes nos règles sanitaires : port du masque, désinfection fréquente des outils et des établis, distanciation physique, fermeture de la cafétéria.

« Toutes des mesures qu’on avait prises lors de la première vague de mars 2020, mais qu’on avait un peu relâchées durant l’été, comme tout le monde, je pense. Mais là, le nouveau variant, il se propage comme la peste, et on ne veut prendre aucune chance », m’explique l’entrepreneur, qui ne souhaite pas revivre un confinement généralisé comme ç’a été le cas lors du déclenchement de la pandémie, au printemps 2020.

Rappelez-vous le 23 mars 2020 : le premier ministre François Legault, au côté de son ministre de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, avait décrété en conférence de presse la fermeture de toutes les entreprises et des commerces non essentiels pour une période de trois semaines. Un confinement qui a été prolongé d’une autre période de trois semaines.

Le Québec a été le seul État en Amérique du Nord à décréter la fermeture complète des entreprises manufacturières dont les activités étaient jugées non essentielles. Une mesure que François Legault ne voulait surtout pas répéter cette année.

« On a été forcés de fermer un mois en 2020, et ça nous a pris beaucoup de temps pour rattraper la production en retard. On a pris les mesures sanitaires nécessaires et on n’a eu aucun cas de contamination à l’usine et on ne veut pas en avoir non plus au retour des vacances en janvier », affirme Guy Bonneville.

Pas de relâchement possible

L’explosion fulgurante des nouveaux cas de COVID-19 préoccupe donc au plus haut point les entreprises du secteur manufacturier qui sont contraintes de faire preuve d’une discipline extrême et, surtout, de ne tolérer aucun relâchement.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec, constate que de nombreuses entreprises avaient quelque peu réduit leur vigilance à l’endroit des règles mises en place au début de la pandémie, mais le variant Omicron a puissamment sonné l’alarme.

La situation est très préoccupante pour tout le monde. Les entreprises ont réintroduit la distanciation stricte des deux mètres et les mesures sanitaires de base. On recommence à décaler les changements de quarts de travail pour éviter les croisements d’équipes et on a remis en place les petites cellules de travail.

Véronique Proulx, PDG de Manufacturiers et Exportateurs du Québec

Heureusement, constate-t-elle, l’explosion des cas de contagion du virus Omicron coïncide dans beaucoup d’entreprises avec la période d’arrêt de production durant les Fêtes durant laquelle on procède à la maintenance des équipements.

Cela devrait réduire le potentiel de propagation dans les entreprises, mais il faudra rester en état d’alerte au début de la nouvelle année, alors que Véronique Proulx prévoit organiser des rencontres avec ses entreprises membres pour bien planifier la résistance au variant Omicron.

Même son de cloche chez les entreprises du secteur de la transformation alimentaire, particulièrement les abattoirs, qui ont enregistré les plus forts et dévastateurs épisodes de contamination depuis la première vague du printemps 2020.

Ce qui est le cas chez Olymel, notamment, où l’abattoir de Yamachiche a dû fermer ses portes en mars 2020 alors que plus de 120 cas de COVID-19 avaient été recensés, puis à ceux de Vallée-Jonction et de Princeville avec plus d’une centaine de cas en octobre 2020, et enfin à celui de Red Deer, en Alberta, où plus de 500 cas de COVID-19 avaient été recensés en février 2021.

« Depuis la première éclosion à Yamachiche au tout début de la pandémie, quand on ne savait pas grand-chose sur la pandémie, on a travaillé avec les autorités de la Santé publique et des experts médicaux pour mettre en place des protocoles stricts.

« On n’a jamais cessé d’observer ces règles depuis ce temps-là. Dans les usines de transformation où les travailleurs ne peuvent respecter la distanciation de deux mètres, on a installé des séparateurs. On a agrandi les écarts de temps entre les changements de quarts », explique Richard Vigneault, porte-parole d’Olymel.

Chaque jour, l’entreprise produit un rapport d’incident COVID-19 et, en date du 22 décembre, Olymel ne recensait aucune nouvelle éclosion parmi ses 14 000 employés, même dans ses installations à haut volume de main-d’œuvre comme à Vallée-Jonction ou à Red Deer.

Il reste maintenant à savoir si les mesures de défense des entreprises – aussi vigoureuses soient-elles – contre l’invasion et la propagation du variant Omicron arriveront à freiner la progression de cette nouvelle et, souhaitons-le, ultime vague de la pandémie.

Une édition précédente de ce texte rapportait qu’aucun nouveau cas de COVID n’avait été recensé chez les employés d’Olymel en date du 22 décembre.