Après avoir été fortement secouée par deux années de vaches maigres en 2018-2019 et une restructuration organisationnelle dans le but de réduire sa dette et de recentrer ses activités dans le domaine de la transformation laitière, la coopérative agricole Agropur a retrouvé au cours de sa dernière année financière le chemin de la rentabilité et renoué avec le versement de ristournes à ses membres, pratique qu’elle avait suspendue au cours des deux dernières années.

Agropur dévoile ce vendredi les résultats de son dernier exercice financier qui témoignent d’un redressement certain par rapport à la situation d’il y a deux ans, lorsque la dette du groupe a atteint un sommet à 2,4 milliards, en avril 2020.

« On s’était donné trois objectifs il y a deux ans, soit de réduire notre dette, d’augmenter notre rentabilité et d’avoir un plan de croissance pour l’avenir », résume Émile Cordeau, PDG d’Agropur, en poste depuis octobre 2019, lorsqu’il a remplacé Robert Coallier qui avait entrepris une vaste, mais coûteuse campagne d’expansion aux États-Unis.

Pour financer ses acquisitions américaines et compléter son réseau d’usines canadiennes, Agropur avait notamment dû émettre en 2016 pour 770 millions d’actions privilégiées auprès de gros investisseurs institutionnels comme la Caisse de dépôt, le Fonds de solidarité, le Mouvement Desjardins et la Banque Nationale.

L’an dernier, à court de liquidités, Agropur a été contrainte de suspendre le paiement de dividendes à ses actionnaires privilégiés tout comme celui, pour la deuxième année de suite, de ristournes en argent à ses 3000 membres producteurs agricoles.

« On a réduit considérablement notre dette en remboursant totalement les 770 millions à nos détenteurs de parts privilégiées et en leur versant les arrérages de dividendes qui s’élevaient à 100 millions. Au total, on a ramené notre dette totale à 1,3 milliard », précise le PDG.

En plus d’avoir remboursé 1,1 milliard de dettes depuis un an et demi, Agropur a aussi été en mesure de renégocier ses créances restantes à des conditions plus avantageuses,

Agropur a utilisé les résultats de la disposition de certaines activités jugées non stratégiques, comme sa division de yogourts Aliments Ultima à Lactalis, son usine de Grand Rapids au Michigan et ses activités de transport de lait au Québec, pour réduire la taille de sa dette.

Ces dispositions d’actifs ont permis de rembourser 500 millions alors qu’une autre tranche de 500 millions a été générée par une plus grande rentabilité, une meilleure gestion des investissements et le non-versement des ristournes à ses membres qui ont ainsi contribué à l’assainissement du bilan de leur coopérative.

Agropur déclare cette année une ristourne de 30 millions pour ses membres ainsi qu’un rachat de parts qui totalisera 25 millions. « C’est une reprise graduelle qui marque le retour à la stabilité », souligne Émile Cordeau.

Revenu en baisse

Au printemps dernier, les membres d’Agropur se sont prononcés en faveur d’une meilleure utilisation des flux de trésorerie pour assurer la pérennité de la coopérative tout en ramenant la dette à un niveau entre 2 et 3 fois le BAIIA. Le ratio a été ramené à 3,3 dans la foulée des derniers remboursements.

Agropur a terminé son année financière avec des revenus de 7,3 milliards, en baisse par rapport aux 7,7 milliards de l’année précédente. Une situation attribuable en partie à la fin de certaines activités, notamment dans le yogourt, mais qui témoigne aussi de la faiblesse des prix du fromage aux États-Unis.

« En 2020, on avait enregistré des prix records à 3 $ US la livre, cette année les prix tournaient plus autour de 1,50 $ et 1,75 $ la livre. Il y a eu aussi un resserrement du taux de change », observe le PDG.

Agropur a terminé l’année avec un excédent avant ristournes et impôts de 338 millions, ce qui représente une augmentation de 269 millions par rapport à 2020.

« On est maintenant en position de réinvestir dans notre croissance, notamment au Canada où on doit être plus efficaces. On va investir en automatisation dans plusieurs de nos usines.

« On a investi 150 millions cette année aux États-Unis dans une nouvelle usine de bâtonnets de fromage dans le Wisconsin. On va continuer de développer dans les marques privées, les services alimentaires et les ventes industrielles, c’est là où on est forts et où il y a de la croissance et cela représente les trois quarts de nos ventes totales », précise Émile Cordeau.

Au Canada, les activités d’Agropur dans la fabrication et la vente de lait blanc sont encore importantes, mais elles sont en décroissance et c’est la raison pour laquelle le groupe veut davantage développer les produits sans lactose ou biologiques.

Émile Cordeau estime qu’une bonne partie du travail de réorganisation vient d’être accompli, mais qu’il en reste beaucoup à faire. « Il faudra toujours revoir notre portefeuille de produits. Je suis extrêmement satisfait de ce qui a été fait et redevable à nos employés et nos membres qui nous ont soutenus dans les moments difficiles. »

D’autres crises vont survenir, mais avec un bilan amélioré, allégé, la coopérative laitière pourra mieux y faire face, constate le PDG.