Il y aura du nouveau dans le paysage alimentaire du Québec. Loblaw amènera sa chaîne de supermarchés asiatiques, appelée T&T, dans la région de Montréal.

On ne sait pas à quel endroit ni à quel moment exactement, mais ces informations ne sauraient tarder. Car le recrutement des 300 employés et des fournisseurs est déjà commencé.

L’enseigne T&T Supermarchés est en quelque sorte l’équivalent asiatique d’Adonis, cette enseigne moyen-orientale détenue par Metro. On y vend beaucoup de fruits et légumes frais, des poissons et des coupes de viandes qu’on ne trouverait pas chez Provigo. Mais aussi du prêt-à-manger, des faux cils, de la teinture à cheveux et toutes sortes de choses vendues dans les pharmacies du Quartier chinois.

PHOTO FOURNIE PAR LOBLAW

Chez T&T, on vend beaucoup de fruits et légumes frais, des poissons et des coupes de viandes qu’on ne trouverait pas chez Provigo.

Inconnue ici, T&T est néanmoins la plus importante chaîne d’épiceries asiatiques au pays, avec 13 succursales en Colombie-Britannique, 6 en Alberta et 10 en Ontario. Loblaw a mis la main dessus en 2009. À l’époque, elle regroupait 17 magasins dans ces trois mêmes provinces. C’est donc la première fois que Loblaw amène cette enseigne dans un tout nouveau marché. Et il est déjà prévu d’en ouvrir plusieurs », m’a écrit Richard Dufresne, chef de la direction financière de Loblaw.

Pour la petite histoire, T&T a été fondée en Colombie-Britannique en 1993 par Cindy Lee, une immigrante chinoise. Le nom qu’elle a choisi fait notamment référence à ses deux filles, Tina et Tiffany. La famille est encore aux commandes, Tina lui ayant succédé en 2014.

On pourrait même dire que la troisième génération est impliquée dans l’expansion au Québec. Puisque la fille de Tina, Kira, qui n’a que 9 ans, a enregistré une sympathique vidéo – dans un excellent français – pour présenter aux Québécois les magasins créés par sa grand-mère. On y voit des clients qui tentent d’attraper des crustacés vivants dans de gros bacs remplis d’eau.

Regardez la vidéo

Petite anecdote au sujet de ces aquariums : ils contiennent autant d’eau que la piscine dans votre cour. Ce qui illustre bien l’importance des poissons et des fruits de mer dans l’offre de produits.

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Tina Lee, cheffe de la direction de T&T

Jointe par vidéoconférence, Tina Lee m’a raconté que c’était le Québécois Robert Sawyer qui lui avait donné « le courage et la bravoure » et même « la poussée dans le dos » pour s’attaquer au marché québécois. Chef de l’exploitation de Loblaw depuis le printemps dernier, M. Sawyer a travaillé pour Metro et c’est lui qui dirigeait Rona lors de son acquisition par le géant américain Lowe’s.

« On a visité un magasin T&T et il y a adoré le concept. Il m’a dit “Tina, tu dois venir au Québec.” J’ai toujours eu des hésitations. Mais l’été dernier, il m’a fait visiter Montréal pendant toute une journée et m’a dit que mon concept n’allait pas seulement intéresser les Chinois parce que c’est une ville où les habitants aiment toutes sortes d’aliments. »

Au cours de cette tournée, Tina Lee a découvert quelques endroits dans l’île de Montréal, notamment l’arrondissement de Saint-Laurent et le Quartier chinois, ainsi que Brossard, sur la Rive-Sud. Cela donne peut-être des indices sur le futur emplacement…

Évidemment, la communauté asiatique est bien moins importante à Montréal qu’à Toronto ou à Vancouver. Mais la dirigeante de T&T ne semble pas trop s’en inquiéter. Le concept ratisse plus large. À Ottawa, par exemple, environ 75 % des clients sont issus des minorités visibles et cette proportion diminue au fil du temps.

Le magasin attire par ailleurs son lot de voitures immatriculées au Québec et d’adeptes montréalais. « Ils viennent en autobus tous les samedis de l’été faire des provisions, une glacière entre les jambes ! »

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Supermarché T&T. Il est possible de manger sur place les mets et les pâtisseries cuisinés par le personnel.

Le magasin de Montréal ne sera donc pas plus petit que les autres de la chaîne (40 000 pi⁠2 en moyenne). Il doit ouvrir « dans 12 à 24 mois », compte tenu du temps requis pour le recrutement et de la formation. C’est quelque chose auquel on ne pense pas, mais les gestionnaires devront passer « au moins 12 mois » à Ottawa ou à Toronto pour tout apprendre. Les magasins T&T « sont assez compliqués à administrer », notamment à cause des produits de la mer, mais aussi de toute la nourriture qui est préparée sur place.

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Dans un marché saturé comme celui du Québec, l’idée de Loblaw de miser sur un concept de supermarché spécialisé est intéressante. Cependant, un bon nombre d’épiceries asiatiques indépendantes se disputent déjà les clients.

« C’est une approche intrigante », juge Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la Faculté de gestion et d’agriculture de l’Université Dalhousie, en Nouvelle-Écosse. Je ne sais pas si ça va marcher. »

Jusqu’ici, on ne peut pas dire que Loblaw a particulièrement brillé à comprendre le consommateur québécois. L’entreprise a échoué à faire d’un succès la chaîne Loblaws. Dès 2009, des conversions en Maxi s’étaient imposées. En 2013, les Loblaws qui restaient ont commencé à être transformés en Provigo Le Marché, avec de spectaculaires planchers orange et l’ambition de présenter la nourriture de façon théâtrale.

Mais le changement de nom et de look ne semble pas avoir suffi. L’an dernier, Loblaw a mis ses 22 Provigo à vendre pour les transformer en franchises. Un propriétaire impliqué dans sa communauté réussit mieux, avait-on justifié. Vantée par Martin Matte, la marque Maxi brille davantage.

Difficile de prédire si T&T aura le succès escompté au Québec. Mais Loblaw dispose d’un atout de taille : l’expertise d’une cheffe de la direction qui connaît parfaitement la clientèle asiatique.