La comparaison, année après année, révèle les mêmes écarts majeurs de rémunération. De nos jours, cependant, le contexte est bien différent, puisque les employeurs se battent pour attirer des employés.

En moyenne, les employés du gouvernement du Québec gagnent 9,4 % de moins que leurs semblables ailleurs sur le marché du travail. Tout est pris en compte dans cette nouvelle analyse poussée de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) : le salaire, les heures travaillées, le régime de retraite et les vacances.

Pendant plusieurs années, on pouvait se dire que le gouvernement avait fait un travail de gestion sensé, étant donné les déficits budgétaires à répétition et l’abondance de main-d’œuvre sur le marché. Mais à l’heure de la rareté de main-d’œuvre, les conditions moins avantageuses du gouvernement du Québec commencent à avoir des conséquences fâcheuses.

On l’a vu dans les hôpitaux, dans les garderies, dans les écoles, où la pénurie appauvrit le service. Pour y remédier, le gouvernement caquiste, contrairement à tous les gouvernements précédents depuis 25 ans, a offert pour certains postes clés des hausses de salaire plus importantes, et c’est qu’il fallait faire. Les majorations finiront par avoir leurs effets.

Mais il y a aussi bien d’autres employés dans le secteur public québécois, où des écarts de rémunération importants subsistent. L’ISQ n’est pas en mesure de bien comparer les conditions des infirmières et des enseignants avec le marché, où les comparables sont rares ou inexistants. Mais elle l’a fait pour les 74 emplois repères de l’État qui existent aussi dans le privé, au municipal et au fédéral, entre autres.

Et c’est en comparant ces informaticiens, comptables, ingénieurs, secrétaires et autres postes que l’ISQ constate cet écart de 9,4 %, lorsque ramené par heure travaillée. Ces postes de comparaison viennent à 73 % du secteur privé et à 27 % du public.

La méthode de l’ISQ est la même depuis 2009. L’écart était alors de 3,7 % plutôt que 9,4 % et il s’est accru entre 2009 et 2013, demeurant à peu près stable par la suite. Et au bout du compte, les 74 emplois repères, qui concernent 77 000 employés du gouvernement, ont vu leur paye horaire globale progresser de 1,8 % par année, en moyenne, contre 2,3 % au privé et 2,8 % au municipal.

L’écart de rémunération globale pour un même emploi au gouvernement du Québec et dans les municipalités de 25 000 habitants et plus est abyssal : 40 % ! Cet écart recule à 21 % avec le fédéral et il est statistiquement non significatif avec le privé (1,6 %).

Des exemples ? Un informaticien de 2e niveau (sur 3 niveaux) touche un salaire de 75 120 $ au gouvernement du Québec (tous les chiffres sont avant les dernières négociations). En ajoutant le régime de retraite et les autres avantages sociaux, la paye comparable grimpe à quelque 91 500 $, soit 60,20 $ de l’heure.

Ailleurs ? Le même employé gagne 82,10 $ au municipal, 68 $ au fédéral et 61,70 $ dans le secteur privé. Grosse différence, quand même !

Autre exemple : le technicien en droit de niveau 1-2 (ou devrais-je dire technicienne, puisque ce poste est majoritairement occupé par des femmes). La rémunération globale est de 39,26 $ de l’heure travaillée au gouvernement du Québec, soit 32 % de moins qu’au privé et 42 % de moins qu’au municipal. (Consultez le tableau à la fin du texte pour une douzaine d’emplois courants.)

Les critiques de l’exercice constatent que l’ISQ ne tient pas compte des salaires des très nombreuses PME de moins de 200 employés, souvent bien plus bas. De fait, l’ISQ compare seulement les emplois des organisations de 200 employés et plus, comme des municipalités de 25 000 habitants et plus. L’ISQ justifie ce choix par le fait de vouloir comparer des pommes avec des pommes.

Autre commentaire courant : la permanence des employés de l’État. Que vaut cette permanence, que n’offre pas beaucoup le privé (bien que la pénurie rende cet avantage moins tranchant qu’avant) ?

Enfin, il y a aussi la pression souvent plus forte dans le privé, entend-on souvent. C’est probablement vrai, quoique la pression vécue par les infirmières, les enseignants et bien d’autres corps de métier du public en a fait réfléchir plus d’un sur cette différence de pression ces derniers temps.

De cet exercice, il ressort que la paye du secteur public québécois est plus faible que la moyenne. On pourrait surtout dire, encore une fois, qu’elle est vraiment trop forte dans le monde municipal. D’une génération à l’autre, les élus municipaux n’osent pas trop affronter leurs employés, se contentant de refiler la note aux contribuables, quitte à quémander de l’argent au gouvernement du Québec si les budgets sont défoncés.

Pour sécuriser les services publics, le gouvernement du Québec pourrait hausser la rémunération de certains postes. Il a d’ailleurs semblé le faire depuis un an dans certaines négociations.

On pourrait tout de même lui conseiller d’être judicieux dans ses rattrapages salariaux, parce que la pénurie est aussi atrocement vécue par les entreprises privées, dont le Québec a grand besoin pour créer de la richesse. Un ingénieur de plus dans le public est un ingénieur de moins dans le privé…

Consultez l’analyse de l’Institut de la statistique du Québec