Il ne veut pas le reconnaître, mais il a un gros problème d’alcool. Qui nuit à sa santé et à toute la famille. Qui nous couvre de honte.

On a bien essayé de le raisonner, rien à faire : il nie sa dépendance, nous envoie promener et nous menace. Il justifie même l’utilité de sa consommation d’alcool et en minimise les conséquences lorsqu’il prend le volant. « C’est prouvé, l’alcool a des effets thérapeutiques, dit-il. Il aide à relaxer, à chasser le stress. Un petit verre, ça ne fait jamais de mal. »

Il faut dire que les producteurs d’alcool le confortent dans son aveuglement. Leurs publicités et leurs études bidon prétendent que l’alcoolisme est une nécessité, rien de moins !

Le problème de Jason a été abondamment discuté lors de conseils de famille. Pourquoi se soucier de lui ? Par fraternité, un peu, mais surtout parce que son comportement nuit à l’environnement familial, provoque des accidents et que la situation empire. Et aussi, il faut le reconnaître, parce que son dynamisme et son engagement sont cruciaux pour les prochaines années.

Pour sa santé et la nôtre, donc, il faut absolument venir en aide à l’alcoolique de la famille. La première étape est peut-être la plus difficile, comme le savent les AA : Jason doit admettre son alcoolisme et vouloir y mettre fin.

De toute évidence, le Canada ne pourra pas gagner l’ultime bataille discutée à la COP26 si l’Alberta ne met pas sérieusement la main à la pâte. Si cette province ne met pas fin à son utilisation du charbon comme source d’énergie et ne réduit pas sa production de pétrole bitumineux.

L’Alberta est responsable de 38 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada, c’est plus de trois fois son poids dans la population canadienne. Depuis 2005, ses émissions de GES ont augmenté de 17 %, malgré les alertes mondiales, alors qu’elles ont reculé de 10 % dans le reste du Canada1. Et la province persiste à miser sur le pétrole.

La réticence de l’Alberta est compréhensible. Mettez-vous à sa place : non seulement le pétrole est sa principale source de richesse (plus de 20 % du PIB à lui seul), mais encore l’énergie qui sert à extraire le pétrole, comme à se chauffer et à s’éclairer, est tirée à 91 % des combustibles fossiles, provenant à parts presque égales du charbon et du gaz naturel2.

Or, l’élimination de son parc charbonnier – le plus grand au Canada – serait fort coûteuse. Selon une récente étude publiée par l’Institut Fraser – qui est pro-pétrole –, se priver du charbon en Alberta comme source d’énergie et réduire ainsi les émissions de GES de près de 40 % grâce au solaire et à l’éolien, essentiellement, coûterait 1,4 milliard de dollars par année aux Albertains.

À l’échelle canadienne, le chiffre atteindrait 17 à 34 milliards par année, soit l’équivalent de 1 à 2 % du PIB canadien, estime l’étude.

Consultez l’étude de l’Institut Fraser (en anglais)

L’auteur, l’économiste Cornelis van Kooten, de l’Université de Victoria, juge même qu’en raison de ce coût prohibitif et des délais déraisonnables pour l’atteinte des cibles, il est préférable d’investir l’argent, entre autres, dans des mesures d’adaptation aux changements climatiques. Eh bien !

L’une des principales raisons de ces forts coûts est l’inconstance des énergies éolienne et solaire. La force des vents et du soleil étant variable, et parfois nulle, il faut d’immenses batteries pour compenser les passages à vide.

Au Québec, cette intermittence ne pose pas de problème, puisqu’elle peut être gérée par notre hydro-électricité. Un surcroît de production d’énergie éolienne vient augmenter le niveau d’eau des barrages, et une baisse déclenche l’utilisation de plus d’hydro-électricité et une réduction du niveau des barrages.

L’Alberta ne dispose pas d’une telle batterie naturelle. Et comme la plupart des provinces, ses liens avec les réseaux des provinces voisines sont plutôt faibles, si bien qu’elle ne peut pas beaucoup profiter des grands réservoirs hydro-électriques de la Colombie-Britannique comme batterie naturelle.

Selon bien des experts, justement, il faut cesser de gérer l’énergie sur une base purement locale et doper l’interconnexion entre les territoires si l’on veut atteindre nos cibles de réduction de GES3.

« L’interdépendance énergétique plus grande des provinces canadiennes et des États américains du nord pour décarboner notre économie est essentielle. Plusieurs interconnexions ne se font pas pour des raisons politiques, et non pour des questions de rentabilité », fait valoir Pierre-Olivier Pineau, de HEC Montréal.

Mais il faudra bien plus, à mon avis. Il faudra que les producteurs cessent de vouloir extraire encore davantage de pétrole de nos sols, comme le clame l’Agence internationale de l’énergie. Et planifier une réduction de la production, en commençant par le pétrole le plus polluant, le bitumineux.

Il va sans dire que les coûts de transition pour l’Alberta seraient énormes. Et que la province aura donc besoin d’aide, de beaucoup d’aide. François Legault l’a d’ailleurs reconnu à son retour de la COP26, à Glasgow. Le premier ministre du Québec donnerait son appui à un plan financier fédéral de transition post-pétrole qui aiderait l’Alberta.

Bref, pour espérer réduire les GES canadiens, il faudra que l’Alberta passe en 2e vitesse, et avec notre argent, en partie. Malheureusement, la première étape, difficile, n’est pas encore franchie : l’Alberta doit d’abord reconnaître son alcoolisme et ses incidences.

CONSULTEZ la déclaration du Canada à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques

1. En ajoutant la Saskatchewan, la part passe à 48 % du total canadien.

2. Environ 43 % du total de l’énergie produite en Alberta vient du charbon et 49 %, du gaz naturel.

3. Le Québec, la Colombie-Britannique, les Maritimes, le Manitoba et l’Ontario disposent d’importantes installations hydro-électriques qui pourraient être mieux utilisées pour intégrer le portefeuille d’énergie verte intermittente, notamment. Certains évoquent aussi la construction de centrales nucléaires.