La conférence des Nations unies sur les changements climatiques est peut-être marquée par un certain « blabla » environnemental, pour reprendre les mots de la militante Greta Thunberg, mais elle est aussi le lieu où sont révélées des initiatives concrètes et fort prometteuses qui permettent d’espérer une diminution réelle et substantielle des émissions de gaz à effet de serre à court terme.

J’ai été intrigué mercredi par l’annonce du groupe mondial de sidérurgie ArcelorMittal, qui s’est engagé à investir 205 millions dans son usine de bouletage de minerai de fer de Port-Cartier pour y modifier le procédé de fabrication et ainsi réduire de 200 000 tonnes par année ses émissions de CO2 à partir de 2025.

Pour en savoir plus, j’ai donc joint Mapi Mobwano, PDG d’ArcelorMittal Canada, à Glasgow, en Écosse, où il participe à la COP26.

« C’est incroyable, ce qui se passe ici. On sent que les choses changent vraiment, qu’il y a une urgence d’agir. Nous, on s’est engagés à réduire de 25 % nos émissions de CO2 d’ici 2030 et à devenir carboneutres d’ici 2050 », m’a-t-il dit d’entrée de jeu.

Petit rappel, ArcelorMittal Canada extrait annuellement 25 millions de tonnes de minerai de fer à son gisement de Mont-Wright, à proximité de Fermont, sur la Côte-Nord.

L’entreprise exploite également une usine de bouletage de minerai de fer à Port-Cartier qui transforme 10 millions de tonnes de minerai en boulettes servant à la fabrication de l’acier. Les 15 autres millions de tonnes sont exportées vers des aciéries du groupe en Europe et chez des clients en Asie.

Pour fabriquer les fameuses boulettes de fer, il faut d’abord traiter le minerai pour augmenter sa teneur en fer et réduire celle de la silice. Chaque année, ArcelorMittal consomme 210 000 tonnes de charbon de procédé importé d’Europe et des quantités importantes de mazout lourd pour faire chauffer ses fours.

« On va implanter un procédé de flottation qui va réduire la teneur de silice pour produire des boulettes à plus haute teneur en fer. On va le faire tout en délaissant le charbon de procédé importé pour le remplacer par du biocharbon produit au Québec.

« On va remplacer aussi le mazout lourd par de l’huile pyrolytique, une bioénergie produite avec de la biomasse forestière résiduelle que l’entreprise Bioénergie, de Port-Cartier, va fabriquer à partir des copeaux de bois », me précise Mapi Mobwano.

Ce nouveau système de flottation et l’utilisation de sources d’énergie de rechange permettront de réduire les émissions de l’usine de Port-Cartier de 200 000 tonnes de CO2 par année, soit l’équivalent de l’élimination de 57 600 voitures sur les routes.

De la forêt à l’acier

L’effet environnemental de cette transformation de procédé industriel débordera toutefois largement la Côte-Nord puisque les boulettes de fer produites à Port-Cartier pourront être transformées en acier par les aciéries d’ArcelorMittal de Contrecœur et d’Hamilton (Dofasco) de façon beaucoup moins polluante.

Avec un minerai de fer à faible teneur en silice, les usines d’ArcelorMittal et d’autres aciéries pourront utiliser des fours à arcs électriques beaucoup moins énergivores que les fours actuels.

« Nos boulettes à réduction directe vont pouvoir être transformées en acier avec des fours à arcs électriques, ce qui va entraîner une réduction des émissions de CO2 de 2,7 millions de tonnes par année, à partir de 2030, ce qui représente 778 000 voitures qui vont être retirées des routes », expose Mapi Mobwano.

À Contrecœur, on utilise déjà des fours à arcs électriques puisque l’usine de boulettes de Port-Cartier produit 2,5 millions de tonnes de boulettes avec une faible teneur en silice. À partir de 2025, les 10 millions de tonnes de boulettes seront toutes à réduction directe.

En utilisant l’huile pyrolytique en remplacement du mazout lourd, ArcelorMittal assure également un débouché aux producteurs forestiers qui n’en trouvent plus pour leurs copeaux depuis la fermeture de la papetière de Baie-Comeau.

« On participe à l’économie circulaire et on veut aller plus loin avec la production de biocharbon fait à partir de biomasse forestière. On va réduire nos importations de charbon de procédé qui était importé d’Europe ; là aussi, on va réduire l’empreinte carbone », souligne le PDG.

ArcelorMittal n’est pas la seule entreprise implantée au Québec à s’être illustrée à Glasgow. Élysis, coentreprise de Rio Tinto et d’Alcoa, qui a conçu une nouvelle technologie d’électrolyse de l’aluminium à carbone zéro, a annoncé jeudi qu’elle avait amorcé la production d’aluminium vert sur une base industrielle à son centre de recherche de Saguenay, en vue d’une commercialisation possible à partir de 2024.

Si toutes les alumineries du Québec adoptaient la technologie Élysis, ce sont 20 % de toutes les émissions industrielles de CO2 du Québec qui seraient éliminées. Il y a du blabla à Glasgow, mais il y a aussi un horizon qui semble enfin vouloir se dégager.