Tous ceux qui rêvent de s’acheter une maison neuve ne s’en doutent pas, mais les prochains mois seront cruciaux pour leur protection. La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) est en train de revoir le règlement qui chapeaute le plan de garantie. Le travail doit être bouclé le printemps prochain.

Comme le commun des mortels l’a découvert l’été dernier avec la faillite dramatique de Bel-Habitat, le système censé protéger les acheteurs de maisons neuves comporte un certain nombre de failles. Une mise à jour est donc plus que nécessaire pour éviter que des familles perdent à nouveau des sommes astronomiques. Mais aussi pour améliorer la qualité de la construction et faciliter les processus d’indemnisation.

Au moins, Daniel Laplante, président de la Garantie de construction résidentielle (GCR) – organisme sans but lucratif qui administre la garantie –, convient que des changements s’imposent. Il l’a dit et répété quand je l’ai rencontré avec mon collègue Hugo Joncas. Pendant plus de deux heures, il a reconnu que le règlement devait être amélioré.

Chaque fois que nous lui avons évoqué un problème potentiel ou apparent, il se disait d’accord avec nous et affirmait qu’il avait justement proposé un changement en ce sens à la RBQ. C’est habile.

Le hic, c’est que les failles ne datent évidemment pas d’hier. Le règlement est entré en vigueur lors de la naissance de la GCR, en janvier 2015.

Tout ce temps, avait-il conscience des problèmes ? A-t-il alerté qui que ce soit au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation ou à la RBQ ? A-t-il tenté de corriger certaines choses dans les limites de son mandat ?

Ce n’est pas simple pour le commun des mortels de cerner et de dénoncer les faiblesses du plan de garantie. Mais il en va autrement pour ceux qui ont les deux mains dedans chaque jour. D’ailleurs, qu’a fait la RBQ ces dernières années pour renforcer la protection des consommateurs au juste ?

Prenez le contrat préliminaire type de la GCR, celui que les entrepreneurs font signer à leurs acheteurs. D’abord, il n’est pas obligatoire, c’est-à-dire que n’importe quel autre contrat peut être utilisé. Ensuite, le document ne mentionne pas que les acomptes sont garantis jusqu’à concurrence de 50 000 $.

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Henri Tang est l’une des victimes de Bel-Habitat qui ont perdu des centaines de milliers de dollars dans la faillite de l’entreprise.

C’est l’une des raisons pour lesquelles bon nombre des 118 clients lésés par la faillite de Bel-Habitat ont versé beaucoup plus que 50 000 $, jusqu’à 700 000 $ dans un cas. Comment auraient-ils pu, dans le bureau du vendeur, connaître cette limite si elle n’est écrite nulle part sur les papiers qu’on leur présente avec un gros logo de la GCR qui inspire confiance ? Dans un contexte, de surcroît, où le vendeur n’a surtout pas intérêt à ce que ça se sache ?

Comme me l’a dit l’une des victimes, Henri Tang, la GCR a été l’« arme du crime ». « Ils n’ont pas commis le crime, mais qui a le goût d’être l’arme d’un tel crime ? » Le simple ajout sur le contrat de quelques mots et d’un chiffre pourrait donc énormément changer la donne.

La limite de 50 000 $ est inscrite à la troisième page du contrat de garantie, c’est vrai. Mais ce document n’est pas toujours signé en même temps que le contrat préliminaire. Pourquoi ne pas agrafer les deux documents ou, mieux, les fusionner et rendre le tout obligatoire ?

En soi, la limite de 50 000 $ est à revoir compte tenu de la hausse du prix des maisons. La ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, le reconnaît, et son équipe m’a confirmé qu’une hausse du plafond était à l’étude. L’élue qui « a demandé à bonifier le règlement pour que davantage de Québécois puissent être protégés adéquatement » n’a pu m’accorder d’entrevue « pour éviter de commettre un outrage au Parlement ».

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Dans l’histoire de Bel-Habitat, les contrats de garantie ont été signés et transmis à la GCR jusqu’à quatre ans après la signature du contrat préliminaire. Autrement dit, la GCR n’avait aucune idée que l’entrepreneur Luc Perrier s’apprêtait à construire une centaine de maisons à Laval. Les acheteurs auraient tout de même été protégés sans cet enregistrement, car l’entrepreneur était lui-même accrédité, me jure-t-on. Tant mieux.

Toutefois, le fait que des entrepreneurs puissent commencer des projets sans prévenir la GCR est problématique, et symptomatique d’un manque de communication. Il importe que tout projet soit connu si on veut, notamment, qu’il soit inspecté. Si la Ville qui délivre un permis en envoyait systématiquement une copie à la GCR, les projets fantômes auraient plus de chances d’être démasqués.

Autre conséquence : comment la GCR peut-elle analyser adéquatement les états financiers d’un entrepreneur s’il cache des projets pour lesquels il a recueilli des acomptes ? L’analyse rigoureuse de ces états financiers n’est pas accessoire, elle sert à donner une cote de qualité aux entrepreneurs et à déterminer la quantité d’inspections qui leur sera imposée.

Ce qui est troublant, c’est que ce n’était pas la première fois avec Bel-Habitat que la GCR constatait des enregistrements tardifs. Quel mécanisme a-t-on mis en place au fil des ans pour empêcher le scénario de se répéter ?

« On est faibles au niveau de la fraude. On ne peut rien faire contre un mensonge », reconnaît Daniel Laplante.

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Daniel Laplante, président de la Garantie de construction résidentielle (GCR)

Le grand patron de la GCR convient que la protection des consommateurs doit être bonifiée. Il promet d’ailleurs de faire des recommandations en ce sens à la RBQ, à son conseil d’administration, à son actuaire et à sa responsable des finances.

Pour le moment, le dirigeant se sent « pogné avec un règlement [qu’il n’a] pas le droit de changer ».

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Depuis son entrée en fonction, en 2016, Daniel Laplante pouvait tout même agir pour améliorer certaines choses. Ce n’est que la veille de notre rencontre que son conseil d’administration a voté pour que la proportion de chantiers inspectés passe de 60 % actuellement à 80 % en 2022 et à 100 % en 2023. Pourquoi avoir attendu cet automne ?

La question de la notoriété de la GCR est également préoccupante. Bien des Québécois croient encore que c’est l’Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec (APCHQ) qui garantit la qualité des travaux. « Elle avait un branding fort, reconnaît Daniel Laplante. Ça m’inquiète, ça, c’est sûr ! » Il promet une hausse du budget marketing et une série d’initiatives pour mieux informer les consommateurs.

Il faut toutefois reconnaître que depuis l’entrée en fonction de la GCR (2015), les Québécois insatisfaits de leur maison neuve sont bien moins nombreux. L’Association des consommateurs pour la qualité dans la construction constate que c’est « le jour et la nuit » tant le nombre d’appels reçus a chuté de façon draconienne. La GCR prépare des documents pour aider les entrepreneurs à mieux travailler, et les inspections sont rigoureuses.

Puisque c’est la Régie du bâtiment du Québec qui rénove le plan de garantie, on espère que ses troupes sur le chantier sont efficaces et motivées. Et qu’elles veulent éviter un autre rapport accablant de la vérificatrice générale. « Votre intérêt pour le consommateur, je l’ai aussi », m’a assuré le président de la RBQ, Michel Beaudoin.

Au moins, il y a unanimité sur le fait que le statu quo n’est plus souhaitable. Ça donne espoir.

Consultez le texte « Une licence de la RBQ n’est pas gage de qualité »

Avec la collaboration d’Hugo Joncas, La Presse