La Régie du bâtiment du Québec (RBQ) doit entreprendre des chantiers majeurs pour améliorer la protection des consommateurs et mieux remplir sa mission. Mais ses plans sont trop peu détaillés et les travaux n’avancent pas assez vite au goût de la ministre de l’Habitation, Andrée Laforest.

Pour accentuer la pression sur le président de la RBQ, Michel Beaudoin, la ministre lui a transmis une liste de demandes précises. Dans sa lettre, que j’ai obtenue, elle le somme d’agir « dans les plus brefs délais ».

Andrée Laforest réclame notamment un « scénario » prévoyant des « inspections à des étapes charnières de la construction », comme cela se fait partout ailleurs au pays. Il s’agit d’une des meilleures façons d’assurer la qualité des constructions neuves.

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Andrée Laforest, ministre de l’Habitation

La ministre veut aussi que la RBQ dépose un règlement rendant obligatoire l’inspection préachat « au plus tard le 1er mars 2022 ». On sait que, dans la folie immobilière de la dernière année, bien des acheteurs de maisons ont sauté cette étape importante pour se donner des chances additionnelles de remporter la mise lors de surenchères. C’est un pari risqué.

Les troupes de Michel Beaudoin devront aussi « prévoir le recours à des attestations de conformité réalisées par des professionnels mandatés pour la surveillance des travaux », « analyser l’opportunité d’exiger de la formation initiale pour l’obtention de la licence » et revoir le règlement sur le plan de garantie des bâtiments résidentiels neufs d’ici le printemps 2022.

Il est aussi question d’instaurer des « examens informatiques », ce qui en permettrait une mise à jour plus fréquente. C’est la moindre des choses puisque les questions à choix multiples soumises aux candidats à une licence sont les mêmes depuis 2008 (dans 9 des 15 examens). Et les réponses sont vendues en ligne pour aussi peu que 60 $.

Ce n’est pas pour rien que la vérificatrice générale du Québec (VQG), Guylaine Leclerc, a écrit en juin que la « gestion des examens présente des lacunes ». Ce qui n’est pas anodin. Le manque de compétences d’un entrepreneur peut avoir de conséquences dramatiques lorsqu’il est question de l’achat le plus coûteux d’une vie.

La liste d’épicerie de la ministre continue, comme ça, sur deux pages.

Andrée Laforest n’a pas souhaité m’accorder d’entrevue au sujet de sa lettre qui fait référence aux conclusions inquiétantes de la VGQ et aux reportages dans les médias.

Selon une source proche du dossier, la ministre est déterminée à donner « le coup de barre qui s’impose dans un délai plus que raisonnable ». D’où cet « ultimatum » inhabituel dans la sphère politique. D’ailleurs, son impatience est habilement évoquée. « Depuis mon élection, j’ai demandé qu’un nombre important de changements soient entrepris par la RBQ », écrit celle qui a été nommée aux Affaires municipales et à l’Habitation le 18 octobre 2018.

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Michel Beaudoin, PDG de la RBQ, en novembre 2019

Michel Beaudoin, arrivé lui aussi en 2018, n’a plus le choix. Il doit montrer qu’il est capable de faire les changements qui s’imposent.

Sent-il la soupe chaude ? Au téléphone, le dirigeant m’a assuré qu’il accueillait cette liste de demandes « positivement ». « Si vous saviez comment ça me motive ! » À son avis, il est important que la ministre lui spécifie « concrètement ce qu’elle a comme objectifs ».

À la mi-septembre, on avait vu Michel Beaudoin à l’émission La facture, à Radio-Canada. Il assurait avoir déjà commencé à améliorer la RBQ. Son discours n’était toutefois pas très convaincant. Ce qui explique peut-être pourquoi la ministre Laforest a décidé de prendre son clavier et de lui écrire.

À peu près au même moment, la RBQ promettait de changer en rendant publique sa nouvelle « Déclaration de services aux citoyens ». Il s’agit d’une liste d’engagements envers les consommateurs – qu’elle a le mandat de protéger – et envers les entrepreneurs en construction.

L’exercice est honorable. Mais les promesses sont souvent génériques. « Mettre notre expertise à votre portée en vous offrant un service efficace et en simplifiant vos démarches », « mettre les besoins des clients au centre de nos actions ».

Lisez la chronique « La RBQ promet de changer »

Il faut aller beaucoup plus loin pour rétablir la crédibilité effritée de la RBQ et améliorer la qualité de la construction au Québec. Un changement de culture et de nouvelles façons de fonctionner s’imposent, comme l’a conclu la vérificatrice générale.

Un premier pas a été fait. La RBQ a annoncé en août que les entrepreneurs généraux devront suivre 16 heures de formation continue tous les deux ans à compter de 2022. Une volonté inscrite dans le projet de loi 35… en 2012.

Espérons que les éléments de la to-do list d’Andrée Laforest seront rayés plus rapidement, car elle est assez longue.