Si l’on voulait délibérément frustrer les Québécois qui attendent un chèque du FICAV parce que la pandémie les a empêchés de voyager, on ne s’y prendrait pas autrement.

L’Office de la protection du consommateur (OPC), dont relève le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV), a diffusé jeudi un communiqué de presse contenant deux annonces… Mais passant totalement sous silence les informations les plus importantes, dans les circonstances.

Que veulent avant tout savoir les 35 800 personnes qui ont déposé une réclamation ? À quel moment elles recevront leur argent, évidemment. Elles l’attendent depuis plus d’un an et demi, dans bien des cas. On parle souvent de plusieurs milliers de dollars versés pour des croisières ou des voyages organisés à l’autre bout du monde.

L’impatience est justifiée, d’autant plus qu’en juin, le ministre Simon Jolin-Barrette et la présidente de l’OPC Marie-Claude Champoux avaient promis d’indemniser les voyageurs « à partir de septembre ». Soit dès après les remboursements émis par les compagnies aériennes. Nous sommes à la mi-octobre et les voyageurs sont toujours sans nouvelles. Et on ne leur explique pas pourquoi.

Le communiqué de l’OPC ne dit pas un mot sur le processus d’indemnisation ni sur le retard et ses causes. Il évite le sujet, comme si une mise à jour n’était pas attendue ou pertinente.

Des actions ont-elles été prises pour accélérer les choses ? Y a-t-il quelque chose qui accroche et complique l’affaire ? A-t-on demandé au gestionnaire des réclamations, PricewaterhouseCoopers (PwC), d’entrer en contact avec les personnes concernées avant une certaine date ? S’est-on fixé un objectif en termes de délais afin que le dossier finisse par se clore ? Les consommateurs peuvent-ils avoir espoir de ravoir leur argent avant 2022 ?

Comme je l’écrivais il y a un mois, l’impatience et l’indignation se font de plus en plus sentir. De simples courriels faisant état de l’avancement du processus – qu’on devine fastidieux – feraient toute la différence pour ces personnes sans nouvelles qui ne peuvent même pas parler à un humain responsable du dossier.

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Le communiqué de l’OPC est d’autant plus maladroit qu’il annonce aux Québécois qu’ils devront recommencer à garnir les coffres du FICAV dans les prochains jours. Autrement dit, on exigera des voyageurs qu’ils contribuent à un fonds qui les fait poireauter depuis plus d’un an.

Dès le 1er novembre, les agents de voyage seront en effet tenus d’ajouter 3,50 $ pour chaque tranche de 1000 $ de services touristiques vendus (soit 0,35 %) afin « d’assurer la recapitalisation du Fonds ». Depuis janvier 2019, la contribution des consommateurs était nulle puisque le fonds était suffisamment garni.

Les plus récents états financiers du FICAV précisent qu’il contient 154 millions de dollars.

« On n’est pas contre le principe de réintroduire la contribution, il va y avoir un besoin de renflouer le coffre. Le problème qu’on a, c’est qu’on met la charrue devant les bœufs. On fait payer la contribution avant même que le fonds ait indemnisé les clients. C’est ordinaire », commente le président de l’Association des Agents de Voyages du Québec (AAVQ), Moscou Côté.

Une contribution de 0,35 % n’empêchera personne de voyager. Mais les agents de voyage s’attendent à se faire regarder de travers en ajoutant le montant sur les factures de leurs clients. En plus, bien du monde attend de ravoir son chèque pour réserver un autre voyage.

L’OPC a par ailleurs annoncé que les règles du FICAV avaient été modifiées pour augmenter la somme affectée à un seul évènement. Le plafond passe de 60 % à 75 % de l’argent disponible dans le Fonds à la fin de l’exercice précédent l’évènement en question. Au 31 mars 2019, le FICAV disposait de 141,8 millions. La somme qui pourra être répartie dans le dossier de la COVID-19 bondit ainsi de 85 à 106 millions.

C’est une bonne nouvelle pour les consommateurs. Le communiqué ne donnait malheureusement aucun indice sur le coût estimé des indemnisations. Mais on peut présumer qu’on a haussé le maximum parce que c’était nécessaire. En plus, on sait déjà, d’expérience, qu’une contribution de 0,35 % permet de renflouer les coffres rapidement.

Le communiqué a seulement rappelé que « plus de 35 000 » demandes ont été déposées. Le nombre de dossiers admissibles doit toutefois être bien moindre, puisque Air Canada, Air Transat et Sunwing ont remboursé plusieurs clients.

L’OPC n’a pas dit, non plus, un seul mot sur le travail de PwC.

L’AAVQ, qui représente 12 000 agents de voyages, ne comprend pas pourquoi le cabinet comptable n’a pas déjà transmis une lettre à tous les consommateurs leur demandant s’ils ont déjà été remboursés par une compagnie aérienne. Cela permettrait d’éliminer un paquet de demandes. On se posait la question en juin.

Quatre mois plus tard, le point d’interrogation n’est que plus gros.

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