Personne n’a oublié que le chou-fleur a déjà coûté 8 $. C’était en décembre 2015, il y a presque six ans. Cette anecdote nous rappelle que le temps passe vite, mais surtout que la volatilité des prix dans les supermarchés est particulièrement vive. En 2014, c’était le kilo de bœuf qui bondissait de 20 % d’un coup !

Ces derniers mois, aucun aliment n’a fait les manchettes parce que son prix avait explosé. Mais les consommateurs ne sont pas dupes, ils voient bien que leur facture d’épicerie grimpe petit à petit : 1 $ par-ci, 50 cents par-là…

En fait, 86 % des Canadiens observent que le prix des aliments est plus élevé qu’il y a six mois, selon une nouvelle enquête du Laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaire de l’Université Dalhousie publiée ce mercredi, à Halifax. Plus de 10 000 personnes d’un bout à l’autre du pays ont été interrogées.

Parmi elles, 74 % ont découvert des cas de « réduflation », cet art qui consiste à mettre moins de biscuits dans une boîte de façon à maintenir le prix de détail. Cette stratégie est surtout utilisée lorsque le prix des intrants (les ingrédients) bondit. C’est évidemment une forme d’inflation.

« Les gens haïssent ça ! Mais ce n’est pas malhonnête. Il n’y a pas de fraude. Toute l’information est sur l’emballage », dit le professeur Sylvain Charlebois, expert du panier d’épicerie à l’Université Dalhousie.

On s’entend, l’inflation n’est pas exactement le meilleur sujet de conversation pour rendre un souper entre amis mémorable ou intéresser une conquête potentielle. Mais c’est une réalité qui nous touche au quotidien, qui ébranle fortement le budget des familles aux finances précaires.

Et pour cause : l’alimentation est le troisième poste de dépenses en importance des ménages après le logement et le transport. Il pèse lourd dans le budget, comme le montre le graphique ci-dessous.

L’avantage avec l’alimentation, si on peut dire, c’est qu’il existe toutes sortes de moyens assez simples pour composer avec les poussées inflationnistes.

D’ailleurs, le rapport de l’Université Dalhousie nous apprend que 40 % des Canadiens ont changé leurs habitudes à cause des hausses de prix au supermarché. C’est énorme. Mais c’est cohérent avec le fait que l’inflation annuelle a atteint en août son niveau le plus élevé en 18 ans : 4,1 %.

Lisez la chronique « Le ménage, une arme contre l’inflation »

Snobés par certains, qualifiés d’anachronismes par d’autres, les cahiers publicitaires (les « circulaires ») ont connu un important gain de popularité. Pas moins de 42 % des Canadiens et 39 % des Québécois les consultent plus souvent qu’en 2020. L’étude ne précise pas si c’est en ligne ou sur papier.

Pour contrôler leur facture d’épicerie, 40 % des Canadiens ont augmenté leur utilisation de bons de réduction. La même proportion achète davantage d’aliments soldés en raison de leur date de péremption rapprochée. La notoriété croissante des applications antigaspillage, comme Flashfood et FoodHero, y est peut-être pour quelque chose.

Sauver des aliments d’une fin de vie au dépotoir est d’ailleurs un filon que de plus en plus d’entreprises exploitent. Marché SecondLife a annoncé il y a quelques jours le lancement d’un site web proposant des aliments trop imparfaits pour les supermarchés. On y promet des économies de 10 % à 25 %.

Ce n’est pas tout. La moitié des Canadiens affirment avoir réduit leurs achats de viande, catégorie particulièrement touchée par l’inflation. Statistique Canada l’évalue à 10 % depuis six mois. C’est au royaume du bœuf Angus, en Alberta, que cette stratégie fait le plus d’adeptes (57 %). Les Québécois et les Ontariens ont été moins nombreux à mettre la pédale douce sur les BBQ, mais la proportion est quand même de 46 %.

Ce qui facilite les choses, c’est que l’offre de protéines végétales n’a jamais été aussi abondante et variée. En plus, son coût diminue à mesure que la concurrence s’accroît.

Les consommateurs ont d’autres tours dans leur sac. Ils se tournent davantage vers les marques privées des détaillants et utilisent plus souvent leur téléphone dans les allées pour vérifier les prix du concurrent.

En décembre dernier, des chercheurs du secteur de l’agroalimentaire de quatre universités ont prédit une augmentation du prix du panier au Canada de 3 % à 5 % en 2021.

Membre du groupe, le professeur Sylvain Charlebois explique qu’il s’est fait accuser d’être alarmiste. Aujourd’hui, il a bon espoir que la hausse sera limitée à 5 %, « mais ça pourrait être plus ». Pour une famille avec deux adolescents, ces 5 % équivalent à 695 $. « Depuis 11 ans, chaque fois qu’on s’est trompé, c’est parce qu’on avait sous-estimé l’inflation. »

Le bon côté, c’est que l’augmentation du prix du panier d’épicerie pourrait nous inciter à moins jeter d’aliments. Chaque ménage du Canada en mettrait 175 livres par année dans la poubelle ou le bac à compost, selon un récent rapport de l’ONU.

Consultez le Rapport sur les prix alimentaires canadiens, édition 2021