Malgré les ravages de la COVID-19 aux États-Unis, l’économie de ce pays s’est extirpée bien plus favorablement de la pandémie que celle du Canada, me semble-t-il. C’est bien connu : « ils l’ont l’affaire, les Américains », comme disait l’autre.

Mais suis-je le seul à avoir cette impression ? Et est-ce bien le cas ?

Le vendredi 10 septembre, Statistique Canada m’a fait douter de ce constat lors de sa mise à jour mensuelle du marché du travail pour le mois d’août. Dans sa longue analyse, Statistique Canada a notamment comparé la situation de l’emploi du Canada à celle des États-Unis. Et, ô surprise, les Canadiens sont passablement plus nombreux que les Américains à avoir repris le travail en cette période postpandémique.

De fait, 61 % des Canadiens de 16 ans et plus occupaient un emploi en août 2021, contre 58,5 % des Américains, indique Statistique Canada, qui m’a fourni les données pour faire les comparaisons à long terme des deux pays1. Parmi les quelque 40 % qui ne travaillent pas, rappelez-vous, il y a les chômeurs et les personnes âgées ou à la retraite.

En fouillant les données, j’ai été à même de constater que ce taux d’emploi des Canadiens est plus élevé que celui des Américains depuis plusieurs années, mais que l’écart s’est agrandi ces derniers mois, au terme des deuxième et troisième vagues. Plus précisément, le taux d’emploi des Canadiens a été d’environ 2,5 points de pourcentage plus élevé que celui des Américains depuis un an, alors que cet écart était de moins de 2 points de pourcentage entre 2016 et 2020.

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En somme, les Canadiens sont plus nombreux à travailler, voilà qui contredit mon impression sur l’économie, me suis-je dit.

Pas si vite, la réalité est bien plus nuancée, ai-je pu constater en analysant d’autres données, cette fois produites par le service de recherche de la Banque Nationale. On pourrait même conclure que les Américains battent les Canadiens… encore une fois.

D’abord, les économistes de la Banque Nationale constatent que depuis quelques mois, les dépenses de consommation aux États-Unis ont dépassé de 3 points de pourcentage celles d’avant la pandémie. Au Canada, la consommation est encore d’environ 4 points de pourcentage sous le niveau prépandémique.

Et pour l’ensemble de l’économie, exprimé par le produit intérieur brut (PIB), les États-Unis avaient maintenant complètement effacé les pertes liées à la COVID-19 au deuxième trimestre de 2021, alors qu’un écart de 2 points de pourcentage subsistait au Canada.

Le constat est étonnant quand on sait l’importance des fonds injectés par le gouvernement fédéral pour soutenir notre économie. Les économistes de la Banque Nationale l’ont d’ailleurs bien constaté : nos gouvernements ont accru bien davantage leurs dépenses que ceux des États-Unis.

Que faut-il en conclure ? Matthieu Arseneau, économiste en chef adjoint de la Banque Nationale, estime que les Américains ont profité de la pandémie pour accroître leur productivité, encore une fois. Autrement dit, ils produisent maintenant plus par emploi qu’avant l’arrivée de la COVID-19, alors que c’est l’inverse au Canada.

Signe de cette tendance, au deuxième trimestre de 2021, les investissements en machinerie et équipements des entreprises ont été de 0,7 % plus élevés qu’au quatrième trimestre de 2019 aux États-Unis, alors qu’au Canada, ils étaient inférieurs de 8,7 %.

En matière de santé publique, le Canada fait bien mieux que les Américains. Au cours de la dernière semaine, le Canada a recensé 115 cas quotidiens par million d’habitants, contre 458 aux États-Unis. Quant aux décès quotidiens, le Canada est à 0,7 par million d’habitants, contre 5,8 aux États-Unis. L’écart s’explique notamment par la plus forte vaccination au Canada (68,8 % de personnes pleinement vaccinées, contre 53,6 % aux États-Unis).

Mais il faut reconnaître que pour l’économie des derniers mois, « ils l’ont l’affaire, les Américains… »

1 – Pour faire la comparaison, Statistique Canada a dû ajuster les données canadiennes pour les rendre comparables aux données américaines. Entre autres, le Canada publie ses statistiques pour les Canadiens de 15 ans et plus, alors que c’est 16 ans et plus aux États-Unis. Les données canadiennes ont donc été estimées pour les 16 ans et plus.