Que c’est épuisant de se battre pour récupérer son dû ! Depuis le début de la pandémie, le remboursement des voyageurs est un processus qui tourne carré. Alors 18 mois plus tard, des Québécois ont perdu espoir de ravoir leur argent et s’indignent tant des délais qu’on leur impose que des processus entortillés qu’ils doivent subir.

Qu’il s’agisse des remboursements attendus des compagnies aériennes ou du Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages (FICAV), l’insatisfaction est la même, comme en témoignent les courriels que je continue de recevoir à ce sujet.

« La frustration vient du fait qu’on ne peut parler à personne pour être mis au parfum. C’est toujours des boîtes vocales et les courriels ne donnent rien. J’ai même pensé laisser faire. FICAV, Office de la protection du consommateur, PricewaterhouseCoopers… C’est une grosse machine et, comme consommateur, j’ai de la misère à m’y retrouver », me raconte Francis Gagnon, au bout du fil.

Le retraité, qui est revenu d’urgence du Mexique à cause de la COVID-19, espère un remboursement de 1500 $ du FICAV. S’il était très compréhensif la première année, il juge désormais les délais « excessifs » puisque les transporteurs n’acceptent plus les réclamations.

En juin dernier, le FICAV avait promis d’indemniser les voyageurs « à compter de septembre », dès après les compagnies aériennes.

La moitié du mois est maintenant passée. Et il n’y a toujours « pas de son, pas d’image », déplore M. Gagnon.

Un simple courriel pour donner signe de vie pourrait faire toute la différence. Car si des personnes travaillent d’arrache-pied pour que le FICAV remplisse sa mission d’indemnisation, ce serait judicieux de le communiquer.

Il est bien dommage, aussi, que le gestionnaire du processus, PricewaterhouseCoopers, ne soit pas autorisé à parler aux médias (pour une raison mystérieuse). Si l’on pouvait mettre un nom et un visage sur le responsable de l’émission des chèques, s’il donnait des entrevues dans lesquelles il expliquait la situation avec transparence, les consommateurs seraient sans doute plus rassurés et compatissants.

Tout le monde peut comprendre que retourner des millions de dollars à des milliers de personnes prend du temps. D’autant qu’il faut être minutieux pour éviter qu’une personne déjà remboursée (par sa carte de crédit, un transporteur aérien, une agence de voyage ou autre) ne le soit à nouveau. Mais encore faut-il avoir la certitude que tout ce travail est bel et bien en train de se faire !

L’Office de la protection du consommateur n’est malheureusement pas très bavard. Son message : « Dans les prochaines semaines, les communications vont se multiplier avec les réclamants, car plusieurs demandes ne sont malheureusement pas complètes. Pour que le tout procède avec célérité, les réclamants devront fournir les éléments manquants à leur dossier, s’ils sont contactés à cet effet », m’a écrit le porte-parole Charles Tanguay.

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Thierry Sour talonne Air Transat depuis le 29 avril, soit depuis le premier jour où les demandes de remboursement ont été possibles. Il avait acheté quatre billets pour Toulouse valant 3635 $. « À coup d’appels de deux ou trois heures », on lui promet constamment un crédit… qui n’arrive pas. Les informations qu’on lui transmet sont souvent contradictoires, voire erronées. En ligne, son numéro de réservation déclenche un message d’erreur.

Bref, le combat est épique.

« Il y a eu une demande d’action collective. On a été déboutés. On n’a pas de recours parce que le juge est parti du principe qu’on allait être remboursés, mais on ne l’est pas ! On se sent doublement trahis. On est les dindons de la farce », déplore M. Sour.

Il commence à se demander si Transat n’a pas « une tactique pour avoir le monde à l’usure », et le transporteur québécois est rayé de sa liste. « Plus jamais. Je préfère payer pour une autre compagnie. Est-ce qu’ils traitent toujours les gens comme ça ? Si je suis bloqué un jour à l’autre bout du monde… je n’ai aucune confiance. »

Client d’Air Canada, Yvan Gaumond attend environ 5000 $. Jusqu’ici, il n’en a obtenu que 10 %, sur de multiples eCoupons (dont un de 53 $). Le hic, c’est qu’il est impossible d’en utiliser plus de deux à la fois. Dix eCoupons le forceraient donc à faire cinq voyages. Ces remboursements fractionnés qui rentrent au compte-gouttes le frustrent.

« C’est ridicule en tant que consommateur et contribuable. Ce qui est choquant, c’est que le gouvernement les aide à pleine poche et eux ne bougent pas. Et pas moyen de les contacter. Par courriel, ce sont des réponses automatiques. »

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Selon Air Transat, 90 % des clients ont été remboursés. En entrevue, le vice-président aux ressources humaines, Christophe Hennebelle, juge que cette « grosse, grosse opération a été extrêmement efficace ». En règle générale, les clients reçoivent leur argent en moins de trois mois. Le dirigeant a bon espoir que le processus finira avant la mi-novembre.

Du côté d’Air Canada, on affirme que 98 % des demandes de remboursement ont été traitées. Mais certains dossiers (itinéraires complexes, devises étrangères, différents modes de paiement) devant être traités manuellement demandent plus de temps.

Certes, bon nombre de voyageurs ont été remboursés comme il se doit, mais cela est loin d’être une consolation pour tous les autres.