Je suis très pro-vaccin, vous le savez. Et pro-passeport. N’empêche, je m’interroge : jusqu’où faut-il augmenter le taux de vaccination ?

Dans un monde idéal, il faudrait que tous – ou presque – aient reçu rapidement leurs deux doses. D’autant plus qu’avec un variant plus contagieux, l’immunité collective s’atteint avec un taux de vaccination plus élevé.

Tout de même, jusqu’où faut-il aller maintenant que nous avons dépassé l’objectif de 75 % de vaccination chez les 12 ans et plus(1) ?

Quand donc serons-nous vraiment satisfaits ? Quand pourrons-nous permettre aux jeunes d’assister à leurs cours sans porter de masque ? Aux employés de travailler physiquement en équipe sans se faire taper sur les doigts ? Aux clients d’entrer dans les dépanneurs même s’ils oublient leur masque ?

Horacio Arruda a avancé un nouveau taux de 95 % pour les 12 ans et plus, soit. Mais est-ce réaliste ?

Les récalcitrants sont de plus en plus difficiles à convaincre et il faudra passablement de temps pour peut-être y arriver. Et pendant ce temps, les personnes dociles doivent reporter le très attendu retour à la normale.

La stratégie des autorités face à la COVID-19 est avant tout de s’assurer que le système de santé soit capable de répondre aux besoins. Que le réseau ait suffisamment de personnel, de lits et d’appareils de ventilation pour soigner les malades de la COVID-19 sans nuire aux patients atteints d’autres maladies.

Or, cet objectif est atteint. Ces derniers jours, les hôpitaux soignent une centaine de patients atteints de la COVID-19 au Québec, soit 15 fois moins qu’en janvier 2021 ou en mai 2020. Grâce au vaccin, la proportion des cas qui sont hospitalisés est au plus bas depuis que des chiffres fiables sont disponibles(2).

Que faites-vous du variant Delta, me direz-vous ? Ne faut-il pas craindre que ce variant, qui a moins touché le Québec qu’ailleurs, vienne faire exploser les hospitalisations ?

Pour le savoir, j’ai fait l’analyse de certains des pays déjà frappés fortement par la quatrième vague et le variant Delta, et qui ont des taux de vaccination élevés (plus de 60 % de leur population ont reçu deux doses).

Conclusion : au Royaume-Uni, en Espagne, au Portugal et au Danemark, la multiplication récente du nombre de cas de COVID-19 ne s’est pas traduite par une hausse comparable des hospitalisations. Au contraire, les deux courbes ne se suivent pas pour la première fois depuis le début de la pandémie. Les quatre graphiques, que j’ai réalisés avec les données de Our World in Data, sont fort éloquents.

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On peut donc espérer qu’il en sera de même au Québec et au Canada, qui sont au début d’une quatrième vague.

Bien sûr, des inquiétudes demeurent. Mardi, une étude américaine constatait que l’efficacité des vaccins de Pfizer et de Moderna passe de 91 % à 66 % contre le variant Delta aux États-Unis. Il n’est pas encore clair si cette perte d’efficacité s’expliquait par le variant lui-même ou par l’érosion de l’efficacité des vaccins avec le temps.

D’ailleurs, en Israël, l’un des premiers pays à avoir atteint un fort taux de vaccination, les cas sont repartis en forte hausse et les hospitalisations continuent de suivre la courbe des cas, ce qui est fort étonnant.

Est-ce l’érosion de l’efficacité du vaccin ou plutôt l’insouciance des non-vaccinés ? Les récalcitrants sont demeurés quand même nombreux en Israël, puisque le taux de pleine vaccination plafonne à 55-60 % depuis mai dernier.

Je suis pro-vaccin, je le répète. Et pro-passeport, même pour les enseignants du primaire-secondaire et du cégep, et même pour tous les universitaires, étudiants compris.

Mais cibler 95 % de vaccination ou plus m’apparaît irréaliste, du moins dans un horizon raisonnable.

Les contraintes liées à cette cible pèseront de plus en plus lourd avec le temps, avec ses conséquences sur le bon fonctionnement de la société. Chaque point de pourcentage additionnel de vaccination sera plus coûteux.

Si l’on stagne à 92 %, par exemple, vaccinera-t-on les gens de force ? Je suis d’avis qu’il faudrait alors laisser les 8 % de non-vaccinés s’immuniser en attrapant le virus. De toute façon, rendu à ce point, il coûtera moins cher à l’État et à la société de les soigner que de forcer la vaccination.

1-Le taux de pleinement vaccinés dépasse les 78 % chez les 12 ans et plus et on est à plus de 86 % pour les primo-vaccinés.

2-Le ratio des cas sur les hospitalisations est difficile à interpréter, puisque les cas recensés sont quotidiens, tandis que les hospitalisations à une date donnée sont un cumul des lits occupés depuis quelques jours. Il reste que sa tendance à la baisse est représentative.