Bien que la Loi sur l’équité salariale du Québec ait été adoptée en 1996, des femmes continuent d’être injustement rémunérées et de mener de longues luttes pour obtenir justice. Trois de ces batailles viennent d’être gagnées. Plus de 70 000 personnes – surtout des femmes – travaillant dans les milieux de la santé et de l’éducation recevront ainsi une augmentation de salaire rétroactive pouvant atteindre 52 000 $.

Trois syndicats ont fini par s’entendre avec le Conseil du trésor et leurs membres obtiendront un ajustement salarial rétroactif à 2010, ou parfois 2016. Il s’agit d’orthophonistes, d’audiologistes, de diététistes-nutritionnistes, de préposées aux bénéficiaires, de préposées à l’entretien ménager, d’hygiénistes dentaires et de techniciennes en administration, entre autres.

Pour ces emplois à forte prédominance féminine, la loi prévoit que l’équité salariale doit sans cesse être maintenue. Pour corriger les iniquités de la dernière décennie, une rétroaction sera versée et les échelons salariaux seront ajustés pour faire cesser le problème. Les hommes qui occupent ces emplois auront aussi droit à leur part du gâteau.

« Pour nous, c’est une grande victoire qui montre, malheureusement, que les femmes doivent toujours être à l’affût pour obtenir l’égalité et l’équité. Ce n’est pas facile », m’a dit la vice-présidente de la FSSS-CSN, Josée Marcotte. Elle déplore, avec raison, que le gouvernement ne donne pas le meilleur des exemples.

Les sommes à verser varient beaucoup d’une personne à l’autre en fonction des types d’emplois, des salaires et des heures travaillées. Les hygiénistes dentaires obtiendront 16 000 $ au maximum et les diététistes-nutritionnistes, 35 500 $. Les orthophonistes et les audiologistes au sommet de l’échelle auront droit au chèque le plus imposant, soit 52 000 $.

« C’est beaucoup d’argent. Avant impôts, bien sûr. Justement, comment se passe le calcul du montant final de manière concrète ? me demande l’orthophoniste Anouk Montpetit. Il y aura sûrement des répercussions sur plusieurs plans : allocations familiales, REER… »

Effectivement, une telle somme qui s’ajoute d’un coup à son revenu annuel (salaire rétroactif ou boni) provoque un certain nombre d’impacts. Et de questions. En plus de faire rêver, soyons honnêtes.

Avant de dresser la liste de ses désirs, il importe de se rappeler que la somme sera amputée de toutes les cotisations habituelles, puisqu’il s’agit d’un salaire : impôts provincial et fédéral, assurance-emploi, syndicat, Régime québécois d’assurance parentale (RQAP), Régime de rentes du Québec (RRQ) et, s’il y a lieu, le régime de retraite (RREGOP). Les orthophonistes ne pourront donc pas se payer une piscine creusée ou un véhicule de 52 000 $ au complet avec leur rétroaction.

En ce qui concerne l’impôt, il ne faudrait pas croire que tous les revenus de l’année seront davantage imposés. Mathieu Huot, fiscaliste et planificateur financier chez IG Gestion privée de patrimoine, rappelle que le système canadien est progressif (par paliers). « Plus on gagne un revenu élevé, plus les derniers dollars sont imposés. »

Le salaire versé rétroactivement risque ainsi d’être plus fortement imposé que le salaire de base. « Malheureusement, il aurait été plus avantageux d’avoir gagné 5000 $ de plus pendant 10 ans que d’obtenir 50 000 $ d’un coup », note M. Huot. Avouez que c’est frustrant.

Mais il y a un moyen de récupérer (en partie, sinon entièrement) cette retenue à la source : le REER. Chaque dollar investi dans son portefeuille enregistré diminue d’autant le revenu imposable.

Celles et ceux qui ont toujours cotisé au RREGOP n’ont cependant pas beaucoup d’espace REER. Ça vaut le coup de jeter un coup d’œil à son avis de cotisation du fédéral pour en avoir le cœur net et planifier ses investissements, surtout si on a eu d’autres employeurs.

Il existe d’autres options d’investissement comme le CELI et le REEE, mais celles-ci ne réduiront pas la facture d’impôt.

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Une hausse subite de son revenu annuel fait par ailleurs diminuer l’allocation canadienne pour enfants (ACE), le crédit pour la TPS et le crédit d’impôt pour solidarité, si on y avait droit. « L’impact va durer un an », explique le fiscaliste et président d’Impôts ici !, Nicolas Godbout. Miser sur son REER peut amoindrir le choc sur l’ACE, ajoute-t-il, puisque le montant dépend du revenu net du ménage.

Dans bien des cas, il pourrait être fort judicieux de profiter de cette entrée de fonds inattendue pour rembourser ses dettes les plus coûteuses, suggère M. Huot. « Souvent, la carte de crédit arrive numéro un, suivie des marges de crédit et des prêts personnels. » Cela peut se faire immédiatement ou au printemps, avec le remboursement d’impôt obtenu grâce aux sommes placées dans le REER.

Des retraitées vont aussi toucher la rétroaction. Dans leur cas, il se pourrait qu’elles doivent rembourser une partie de leur pension de la Sécurité de la vieillesse (SV). Ce sera le cas si leur revenu excède 79 054 $. À Québec, ce sera l’inverse : le revenu additionnel viendra bonifier la rente du RRQ qui dépend des cotisations versées au régime. L’ajustement se fera le 1er janvier de l’année suivante. Compte tenu des délais de traitement de l’information, l’augmentation risque d’être versée « sous forme de paiement rétroactif » plus tard dans l’année, précise le RRQ.

Des héritiers vont aussi recevoir une somme, car les ex-employés (vivants ou non) ont aussi droit à l’ajustement salarial. Voilà des sommes imprévues qui devraient faire plaisir !

Vu de l’extérieur, ça peut ressembler à Noël avant le temps pour les 70 000 personnes qui recevront une somme à l’automne. Mais cet ajustement salarial n’est surtout pas un cadeau. C’est de l’argent qui leur est dû depuis trop longtemps.