La chauve-souris qui serait à l’origine de la pandémie de COVID-19 devait être loin de se douter que son coronavirus provoquerait, 18 mois plus tard, une pénurie de Ford F-150 à l’autre bout de la Terre. Pourtant, c’est exactement ce qui se produit.

On a la chance de vivre dans un pays d’abondance. De tout pouvoir se procurer rapidement. Tellement que si l’objet de notre désir est introuvable à proximité, on le commande en ligne. Quoi ? Trois jours d’attente ? Au supermarché, les belles asperges fraîches en plein mois de janvier n’étonnent plus personne.

Et puisque la disponibilité est devenue la norme, on n’a pas trop de patience, paraît-il, devant les tablettes vides. Parlez-en aux employés des quincailleries qui subissent les foudres de clients frustrés. L’un d’eux m’a raconté au printemps qu’il s’était fait crier après parce qu’il n’y avait plus d’arrosoirs en magasin. « Le gars a jeté par terre le sécateur et la petite pelle qu’il avait déjà choisis. Il y en a une couple qui ont fait de p’tites montées de lait en pensant m’impressionner… »

On a beau avoir développé des systèmes d’approvisionnement perfectionnés, force est de constater qu’ils ne sont pas infaillibles. Bien des évènements peuvent avoir un impact : un porte-conteneurs coincé dans le canal de Suez, une attaque informatique, une explosion inattendue de la demande, deux semaines de gel dans une région chaude, une grève dans un abattoir, des incendies de forêt près de terres agricoles, une pandémie.

Tout cela est survenu… dans la dernière année et demie seulement. Et j’en oublie certainement. Essence, colle, électroménagers, poulet, légumes, semi-conducteurs, farine, bicyclettes et tutti quanti sont subitement devenus plus rares.

Voilà maintenant qu’il manque de voitures, de camionnettes et de VUS. Avez-vous lu les reportages de ma collègue Lila Dussault à ce sujet mardi ? On y apprenait que des Ford F-150 qui ont roulé pendant deux ans valent le même prix que des neufs tellement ce modèle est recherché. Du jamais-vu.

Les vastes stationnements des concessionnaires, d’ordinaire remplis, sont vides. Ça aussi, c’est inédit. Les temps d’attente pour certains modèles populaires, comme le Toyota RAV4, atteignent 12 mois. À côté, le Model 3 de Tesla est une option rapide avec son délai de livraison de « seulement » 8 à 14 semaines !

Lisez « Votre pick-up vaut de l’or »

Le hic, dans le secteur automobile, c’est qu’on ne peut pas toujours attendre un an. Si notre contrat de location arrive à échéance, si notre bagnole d’un certain âge rend l’âme, si un nouveau travail ou un déménagement nous force à acheter un véhicule, il faut trouver une solution pour se déplacer.

Comment composer avec cette pénurie ?

* * *

J’en ai discuté avec George Iny, qui dirige l’Association pour la protection des automobilistes (APA) et prodigue des conseils depuis trois décennies pour l’achat de véhicules neufs et d’occasion.

PHOTO FOURNIE PAR L’APA

George Iny, président de l’Association pour la protection des automobilistes (APA)

La bonne nouvelle, me dit-il, c’est qu’il n’y a pas de surenchère chez les concessionnaires comme c’est le cas pour les maisons. Sur le coup, j’ai trouvé ça curieux. Mais on sait désormais que l’invraisemblable peut rapidement devenir normal. Auriez-vous cru il y a 2 ans que des maisons affichées à 500 000 $ se vendraient 600 000 $ sans inspection et après une seule petite visite de 15 minutes ?

Autre raison de se réjouir, les constructeurs n’ont pas augmenté les prix de détail suggérés (PDSF). « On n’a pas vu des cas d’abus », affirme M. Iny en se basant sur une tournée incognito de 20 concessionnaires du Québec et de l’Ontario. Au milieu des années 1980, lors de restrictions sur les importations de véhicules japonais qui avaient provoqué une rareté importante, les PDSF avaient bondi, rappelle-t-il.

Sauf exception, il faut cependant mettre une croix sur les rabais.

Les conseils, maintenant.

  • Si vous devez rapporter votre véhicule loué dans quelques mois, commencez immédiatement votre magasinage.
  • Votre contrat de location échoit bientôt ? Demandez sa prolongation jusqu’à la livraison de votre prochain modèle. L’accord du locateur (le constructeur) n’est pas automatique, mais plusieurs acceptent. « Ils sont plus enclins à dire oui si vous avez acheté un autre véhicule à la même place », rapporte M. Iny.
  • « Pendant longtemps, on a fait miroiter aux consommateurs qu’en louant un véhicule, ils avaient le potentiel de faire un profit à la fin », raconte M. Iny. Mais dans les faits, les valeurs résiduelles étaient plus élevées que la valeur du véhicule. Aujourd’hui, le potentiel de profit existe enfin grâce à la forte demande pour les modèles d’occasion. Vous pourriez acheter votre véhicule et le revendre, auquel cas vous paierez les taxes. Une option plus avantageuse est de trouver un acheteur et de demander au concessionnaire de procéder à une substitution (vente à une tierce personne). L’acheteur paiera le résiduel et les taxes et vous versera une somme (votre profit). Mais les commerçants « veulent faire le profit eux-mêmes ! », prévient M. Iny. Alors ce n’est pas automatique, vous devrez peut-être négocier.
  • Si vos parents âgés ou vous-même possédez un véhicule qui ne roule plus, c’est le bon moment pour le vendre. « Je n’ai jamais vu des véhicules d’occasion vendus le même prix que des neufs », affirme M. Iny, qui suit le secteur depuis les années 1980. Même si vous vendez votre tacot à la ferraille, cela peut être avantageux, car le prix des métaux est élevé.
  • Si vous le pouvez, reportez votre achat peu avant Noël ou juste après. Historiquement, les prix baissent lors de cette période en raison d’une demande plus faible. En outre, l’APA a bon espoir que la carence se stabilisera l’hiver prochain, ce qui pourrait faire diminuer le prix des véhicules d’occasion.
  • Gare au taux d’intérêt lors de l’achat d’un véhicule d’occasion. Généralement, les concessionnaires demandent entre 5 et 7 % aux clients ayant une très bonne cote de crédit. « C’était bon, 7 %, il y a 15 ans, indique M. Iny. Mais plus maintenant. Il y a de l’exagération. » Tentez de négocier en faisant valoir que le taux de votre marge hypothécaire est bien plus bas, et vérifiez vos options auprès de votre banque. « Dans le neuf, l’industrie a été intègre et n’a pas augmenté les taux. C’est facile de financer une auto à moins de 3 % d’intérêt. »