Le Québec recense quelque 28 000 fermes de tailles et de productions diverses. Si on assiste à l’émergence de nombreuses petites exploitations agricoles bios ou de proximité, la réalité économique est que ce sont moins de 30 % des fermes québécoises qui produisent près de 80 % des denrées que l’on retrouve en épicerie. On vous propose de découvrir quelques-unes de ces grandes entreprises agricoles intégrées et diversifiées du Québec.

Trois frères de la famille Van Winden ont quitté la Hollande au début des années 1950 pour venir s’implanter en Montérégie et y exploiter le potentiel des terres végétales (terres noires) avec la culture de laitues, d’oignons et de carottes. Arie Van Winden a poussé l’expérience un peu plus loin en se lançant, à la fin des années 1990, dans la production d’échalotes françaises et de radis chinois à la ferme Delfland de Napierville, aujourd’hui le plus important producteur de ces légumes de niche au Canada.

C’est à coup de dizaines que les échalotes françaises s’entassent dans des petits paniers de carton pour être emballées sous la marque de commerce Attitude fraîche, avant d’être expédiées dans les chaînes d’épiceries aux quatre coins du pays.

L’usine d’emballage est installée tout juste à côté de deux immenses entrepôts de 80 000 pieds carrés où s’entassent les récoltes de carottes, d’oignons et, bien sûr, d’échalotes françaises.

« On a investi l’an dernier 6 millions pour tout refaire et moderniser notre usine d’emballage d’échalotes. Elle fonctionne 12 mois par année, ce qui nous permet d’alimenter sans arrêt le marché », m’explique Stéphane Van Winden, copropriétaire de la ferme Delfland de Napierville, baptisée du nom de la région de la Hollande d’où sont originaires ses parents.

Son père Arie a immigré au Québec avec leur mère en 1954 pour suivre ses deux frères qui étaient venus s’établir à Sherrington, en Montérégie, deux ans plus tôt, pour y faire de la culture maraîchère.

Très tôt, les frères Van Winden ont vu le potentiel des terres végétales de la région.

Les terres noires sont riches et se nourrissent de végétaux que l’on y cultive entre deux récoltes de légumes, précise le producteur maraîcher.

« Il n’y avait pas beaucoup de cultivateurs qui produisaient des légumes sur ces terres. Ils préféraient les terres minérales pour faire la culture du maïs. Mon père et mes oncles ont décidé de faire pousser de la laitue, des oignons, des carottes et des choux.

« Puis en 1997, on a eu l’occasion d’acheter une terre à Napierville et c’est là qu’on a commencé la production d’échalotes françaises et, quelques années plus tard, de radis chinois », raconte Stéphane Van Winden.

Une production à grande échelle

C’est à bord d’une camionnette qu’il faut faire le tour du propriétaire de la ferme Delfland. D’une superficie de neuf kilomètres carrés, ce sont des champs remplis de laitues et de touffes de carottes qui défilent à perte de vue.

Chaque année, on produit sur la ferme Delfland 10 millions de pommes de laitue, 3800 tonnes de carottes, 3600 tonnes d’oignons. Et depuis une vingtaine d’années, on a ajouté 2800 tonnes d’échalotes françaises et 3000 tonnes de radis chinois, de gros radis blancs et de forme allongée qui ont un goût plus raffiné que le petit radis rouge.

Au total, la terre produit donc plus de 20 000 tonnes de légumes qui vont prendre la route des épiceries ou des entreprises de transformation qui desservent les grandes chaînes de restauration, comme McDonald’s.

Plus de 160 travailleurs, dont 120 travailleurs étrangers, s’activent sur la ferme Delfland du mois d’avril jusqu’au mois de novembre. L’usine d’emballage d’échalotes françaises emploie cinq personnes à l’année.

  • Stéphane Van Winden dans un champ de laitues Iceberg à perte de vue

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Stéphane Van Winden dans un champ de laitues Iceberg à perte de vue

  • Les travailleurs s’activent à la récolte de laitues qui seront emballées sur place.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Les travailleurs s’activent à la récolte de laitues qui seront emballées sur place.

  • Un radis chinois tout juste sorti de terre

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Un radis chinois tout juste sorti de terre

  • Stéphane Van Winden dans la serre où sont produits les semis de laitue qui seront plantés prochainement.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Stéphane Van Winden dans la serre où sont produits les semis de laitue qui seront plantés prochainement.

  • L’usine d’emballage d’échalotes françaises

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    L’usine d’emballage d’échalotes françaises

  • Les contenants d’échalotes françaises prêts à être livrés à l’épicerie

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Les contenants d’échalotes françaises prêts à être livrés à l’épicerie

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« On vend 60 % de notre production aux grands groupes comme Metro, Loblaw, Sobeys ou Costco et 40 % à des grossistes ou des transformateurs. Pour les radis chinois, on vend plus de la moitié de notre production aux États-Unis, dont près de 75 % à un seul distributeur du quartier chinois de New York », précise Stéphane Van Winden.

La ferme Delfland a décidé de se démarquer en faisant de la culture de niche, mais à gros volume avec sa production d’échalotes françaises et de radis chinois.

« On est les seuls au Québec à le faire et on est les plus gros au Canada pour ces deux cultures. C’est une production à valeur ajoutée », souligne-t-il.

Une histoire de famille

Toute la commercialisation des cultures de la ferme Delfland est assurée par l’entreprise Vegpro, de Sherrington, dont la famille est actionnaire.

« Mon père et ses deux frères ont mis sur pied cette entité à l’époque avec un autre producteur de la région. Aujourd’hui, c’est mon cousin Gerry Van Winden qui est l’actionnaire majoritaire de Vegpro qui a aussi développé des activités en Floride et en Colombie-Britannique. »

« On envoie toute notre production à l’usine d’emballage de Sherrington et c’est à partir de là que se fait toute la commercialisation. Nous, on ne fait que l’emballage des échalotes françaises parce que cela prend un équipement spécialisé », explique le producteur maraîcher.

La ferme Delfland compte aujourd’hui six actionnaires. Les trois frères : Martin, Éric et Stéphane Van Winden, Gabriel et Vanessa, les enfants d’un autre frère, Yvon Van Winden, qui a pris sa retraite il y a deux ans, et enfin Guillaume, le neveu des trois frères Van Winden.

« On a chacun un rôle bien défini. Moi, je m’occupe des ventes, de la finance et de l’administration, mon frère Martin est responsable de l’irrigation des sols, du garage (33 tracteurs…) et de la culture des carottes.

« Éric s’occupe de la main-d’œuvre, Gabriel s’occupe des plantations et supervise la culture des laitues, Guillaume est agronome et fait le suivi des sols. Enfin, Vanessa s’occupe aussi de l’administration, de la main-d’œuvre et du suivi de la salubrité », résume Stéphane Van Winden.

Et la suite des choses ?

« On poursuit le développement des échalotes françaises. C’est vraiment un légume qui gagne en popularité, mais on ne veut pas inonder le marché. On étudie aussi le comportement de la laitue. Avec les grandes chaleurs qui se répètent de plus en plus, la culture des laitues devient difficile.

« On prévoit aussi se lancer dans la culture de la patate douce qui, contrairement à la pomme de terre, pousse très bien dans la terre noire. On fait des tests pour une production à grande échelle. »