Comme tous les contribuables, je m’attends à ce que nos fonds publics soient bien gérés. Qu’ils fassent l’objet de vérifications comptables scrupuleuses.

Or, ce n’est pas ce qui se passe avec trois organismes importants du gouvernement du Québec dans le secteur de l’environnement, dont les budgets avoisinent 1,5 milliard de dollars. Dans leur cas, il est question de retards de 15 à 36 mois dans la vérification officielle de leurs états financiers par la vérificatrice générale (VG) du Québec.

Le plus connu des trois est le Fonds vert, récemment devenu le Fonds d’électrification et de changements climatiques (FECC). Dans son dernier rapport, la vérificatrice générale du Québec se plaint d’être incapable de procéder à la vérification de ses états financiers, vu le manque de préparation du ministère de l’Environnement.

Pire : les doléances de la VG ne portent pas sur l’année financière 2020-2021, terminée le 31 mars 2021, mais sur la précédente, terminée le 31 mars 2020 !

Et au rythme où vont les choses, les vérifications ne commenceront pas « avant quelques mois », m’indique-t-on au bureau de la VG. La reddition de comptes officielle validée par la VG ne sera donc vraisemblablement pas accessible avant 2022.

Dit autrement, il aura fallu près de deux ans aux contribuables pour avoir l’heure juste sur les finances du Fonds vert !

Il s’agit d’un retard d’environ 15 mois sur l’échéancier normal, ce qui est très long, sachant que les grandes entreprises en Bourse se voient, de leur côté, imposer un délai de trois mois par la loi.

La VG écrit que ces longs délais « réduisent de façon importante la pertinence de cette reddition de comptes, laquelle constitue pourtant un élément central du contrôle parlementaire. En effet, pour que l’information soit utile sur les plans décisionnel et redditionnel, il faut que l’utilisateur des états financiers puisse l’obtenir en temps opportun, c’est-à-dire au moment où elle est encore susceptible d’influencer ses décisions ».

Le Fonds vert, devenu FECC en novembre 2020, n’est pas une binerie. Au cours de la dernière année où les états financiers étaient disponibles (2018-2019), le Fonds vert avait des revenus de 1,04 milliard. Pas moins de 82 % des revenus venaient des droits versés sur le marché du carbone.

L’excédent du Fonds vert a atteint 315 millions pour l’année terminée le 31 mars 2019, après le versement de subventions pour divers projets verts et d’autres dépenses.

Et depuis cette période ? C’est un mystère, peut-on dire, puisque la VG n’a pu se mettre le nez dans les livres de l’organisme.

À quoi sert l’audit de la VG, au juste ? À s’assurer que les états financiers de chaque entité sous sa responsabilité « donnent une image fidèle de la situation financière […] qu’ils sont exempts d’anomalies significatives, que celles-ci résultent de fraudes ou d’erreurs ».

Quand la VG réussit à faire son audit, mais juge qu’il lui manque des éléments pour trancher certains aspects, elle émet une opinion sur les états financiers « avec réserve ». Justement, c’est ce qu’elle a fait dans les derniers états financiers du Fonds vert pour l’exercice clos le 31 mars 2019.

Pour cet exercice et le précédent, la VG affirme ne pas avoir obtenu d’éléments probants suffisants et appropriés concernant une part importante des frais de gestion, soit 29,7 millions. Cette part représente les deux tiers des frais de gestion et d’administration de l’organisme, qui constituent l’essentiel des dépenses, outre les subventions.

Ce n’est pas tout. La situation est pire chez Transition énergétique Québec (TEQ), qui distribue aussi des subventions vertes. Selon la VG, cet organisme ne sera pas en mesure de faire vérifier ses livres de 2019 et de 2020 avant septembre 2022, « notamment parce que les ressources de TEQ sont affectées prioritairement à la préparation des états financiers du Fonds vert », écrit la VG.

Dans un tel cas, il faudra parler d’un retard de plus de trois ans ! Le retard est étonnant, sachant que TEQ avait un conseil d’administration et même un comité de vérification à ce conseil.

TEQ produisait tout de même un volumineux rapport annuel de gestion (142 pages). Le dernier rapport, celui pour l’exercice clos le 31 mars 2020, comprend des états financiers non vérifiés avec des revenus de 386 millions, dont 80 % venaient du Fonds vert.

Ces fonds sont dépensés en totalité, notamment en subventions pour des projets verts, comme le programme pour les autos électriques (Roulez vert) ou celui pour le remplacement de chaudières au mazout (Chauffez vert). TEQ a été aboli par le gouvernement caquiste en novembre 2020.

Quant au troisième organisme en retard, il s’agit du Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État, dont les derniers états financiers remontent à ceux du 31 mars 2018. À l’époque, les revenus s’élevaient à 138 millions de dollars.

« Nous avons dû interrompre nos travaux en décembre 2020, écrit la VG dans son rapport, car la préparation de ces états financiers nécessitait des ajustements importants. Le Fonds de protection prévoit être en mesure de nous fournir les informations requises au début de l’automne 2021. »

Ces constats de la VG pour les trois organismes ne signifient pas nécessairement que leurs dirigeants ont fait des erreurs et encore moins des fraudes. Et ces trois organismes en retard ne représentent que 2,7 % des 110 organismes du gouvernement du Québec que vérifie la VG chaque année.

Tout de même, on doit s’attendre à une reddition de comptes adéquate et selon les échéanciers, d’autant que ces entités gèrent 1,5 milliard de dollars de fonds publics. En attendant, il persiste un doute.

Dois-je comprendre que parce que c’est l’environnement, la bonne gestion des fonds n’est pas importante ?