L’inflation a atteint son plafond, selon l’investisseur réputé et gestionnaire de portefeuille montréalais Nadim Rizk, fondateur et chef des placements de la firme Gestion d’actifs PineStone.

Pour que l’inflation s’emballe de nouveau, il croit qu’il faudra un nouveau choc dans le système comme une autre guerre, la Chine qui envahit Taiwan par exemple.

Cet entrepreneur financier responsable de 60 milliards en actifs sous gestion s’exprimait jeudi à l’occasion de la Soirée des prévisions, un évènement annuel très couru dans le secteur de la finance, et chapeauté par l’organisme CFA Montréal.

Nadim Rizk était l’un des deux invités de marque à ce souper organisé au Palais des congrès de Montréal qui a attiré plus de 800 personnes, pour l’essentiel des professionnels de l’investissement.

« Les entreprises dont nous sommes actionnaires nous disent en grande majorité qu’augmenter les prix cette année est beaucoup plus difficile qu’en 2022. Il y a beaucoup plus de résistance et les entreprises ne ressentent pas la même pression inflationniste », précise Nadim Rizk au représentant de La Presse en marge de l’évènement, auquel il participait.

« Ça ne veut pas dire que les entreprises n’augmenteront pas les prix un peu cette année, mais beaucoup moins qu’en 2022 », ajoute-t-il.

Que l’inflation ait atteint son plafond ne veut pas dire pour autant que les taux d’intérêt vont baisser bientôt, prévient-il cependant.

Il faut, selon lui, prévoir une longue période pour nettoyer le système. « Les taux vont peut-être encore augmenter un peu et vont rester élevés pour un bout. On ne reverra peut-être plus jamais des taux au plancher à 0 % comme on a vu », dit-il.

Nadim Rizk souligne que les banques centrales vont attendre d’observer une tendance à la baisse dans les statistiques avant de réduire les taux. « C’est plein de bon sens parce qu’une banque centrale devrait beaucoup plus se concentrer sur l’inflation que sur l’économie. Une récession n’est pas une bonne chose, mais ce qui est plus mauvais encore est une inflation galopante. C’est très difficile à contrôler, car ça devient très psychologique aussi. Ça cause une crise économique et sociale, ce qui est extrêmement dangereux pour une société. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Lisa Shalett, cheffe des investissements en gestion de patrimoine chez Morgan Stanley, et Nadim Rizk, de PineStone

Ce maître investisseur ayant forgé sa réputation de « stockpicker » depuis plus de 20 ans – plus récemment chez Fiera Capital, avant de lancer sa propre firme de gestion d’actifs il y a deux ans – continue d’être pleinement investi dans le marché boursier.

S’il admet que les prochains mois risquent d’être difficiles pour l’économie américaine, il aime beaucoup les perspectives à plus long terme. « L’économie américaine est la plus dynamique, la plus flexible et innovatrice au monde. »

Invitée elle aussi à participer à la Soirée des prévisions aux côtés de Nadim Rizk, la cheffe des investissements en gestion de patrimoine chez Morgan Stanley, Lisa Shalett, s’est pour sa part montrée plutôt pessimiste.

« Des montagnes russes qui ne mèneront nulle part »

Le marché boursier se trouve essentiellement, selon elle, « sur des montagnes russes qui ne mèneront nulle part ».

« Dans un an, l’indice S&P 500 sera exactement au même niveau qu’aujourd’hui, c’est-à-dire à 4200 points. »

Elle estime notamment que la surperformance d’une poignée de titres du même secteur donne une fausse impression de santé au marché boursier.

Un marché haussier, ajoute-t-elle, est propulsé par des surprises positives. Lisa Shalett se demande d’où pourront provenir ces surprises alors que d’éventuelles baisses de taux, un atterrissage en douceur de l’économie américaine, une inflation qui se rapproche de la cible de 2 % de la Réserve fédérale ainsi qu’une expansion des multiples d’évaluation accordés aux entreprises (multiples par ailleurs déjà trop élevés de 15 % selon elle) sont tous des éléments déjà escomptés.

Elle se dit aussi loin d’être convaincue que les profits des entreprises puissent surprendre positivement dans le contexte où une récession demeure une forte possibilité.

« L’environnement actuel est un des plus difficiles que j’ai vécus jusqu’ici en 30 ans de carrière », dit-elle.

Qui est Nadim Rizk ?

Nadim Rizk est chef de la direction, chef des placements et gestionnaire de portefeuille principal chez Gestion d’actifs PineStone, une firme montréalaise spécialisée dans les actions mondiales qu'il a fondée il y a deux ans.

L’actif sous gestion de PineSone s’élève à 60 milliards de dollars pour une clientèle essentiellement institutionnelle.

Natif de Beyrouth, au Liban, il a notamment étudié à l’Université McGill. Il travaille dans les services financiers depuis 26 ans et était gestionnaire de portefeuille chez Fiera Capital jusqu’en 2021.