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Nous approchons à grands pas de la mi-année et pour plusieurs superviseurs et salariés, il s’agit de la période des évaluations semi-annuelles. Cette période est souvent le moment clé pour que l’entreprise prenne le pouls des ambitions professionnelles de chaque employé et de son plan de développement professionnel.

Le processus n’est pas nouveau pour plusieurs qui, armés du livre FYI de Lominger ou d’un ouvrage plus récent, tentent d’avoir une discussion ouverte, franche et avec un minimum de biais avec leur employé. En préparation pour ces rencontres, on pose aujourd’hui un regard plus grave sur la question de la formation et du développement comme outil de fidélisation : comment retenir ses meilleurs employés en continuant de leur offrir de l’avancement et des occasions de s’épanouir ?

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Pascal Leduc, président, Leduc Stratégie et conseil en gestion commerciale

Même si le marché du travail les favorise aujourd’hui, la plupart des salariés constatent l’existence d’une évidence qui refuse de céder le pas : le développement professionnel de chacun ne peut avoir comme objectif une ascension en ligne droite jusqu’au sommet d’une pyramide organisationnelle souvent en cure d’amincissement. Le salarié devra plutôt miser sur une combinaison de mouvements latéraux et verticaux qui maximiseront l’acquisition de compétences nécessaires à un éventuel échelon supérieur ou à une position latérale. Certains diront légitimement que c’est plus facile en grande entreprise. Néanmoins, on peut observer plusieurs PME innover avec des programmes d’intéressement liés à de nouvelles responsabilités (horizontales ou verticales), quelque chose d’assez unique, souvent lié au désir du propriétaire d’assurer la continuité ou le transfert en douceur de son entreprise.

Malgré tout, beaucoup d’employés et de superviseurs ne sont pas nécessairement préparés à investir les efforts qui y sont nécessaires. Le développement de talents est un processus continu, avec des hauts et des bas, et son succès ne peut se résumer à une séance de formation de quelques heures dans une salle de classe. Des superviseurs submergés de tâches opérationnelles peuvent être peu habiles devant le nécessaire accompagnement de l’employé dans la conception et la mise en place de son plan de développement.

Beaucoup de discussions franches et ouvertes n’ont pas lieu, même dans des entreprises où chaque employé est rencontré dans le cadre de son évaluation annuelle de rendement.

Parfois, le gestionnaire et l’employé sont incertains de leur rôle dans ce processus ; ils se renvoient ainsi la responsabilité, subtilement ou pas. Dans ces cas, les désillusions gagnent progressivement le salarié et l’impression de faire peu ou pas de différence mène à la démotivation, jusqu’à une démission silencieuse ou réelle.

L’engagement envers le développement des talents doit débuter au niveau de la direction et transcender vers tous les services clés. Chez les moyennes et grandes entreprises en particulier, il est impératif que les bottines suivent les babines dans les moments clés, même pendant les crises. Prenons l’exemple des étranges restructurations où les postes sacrifiés sont ceux des travailleurs au front alors que les cadres des paliers hiérarchiques surplombant l’action demeurent peu ou pas touchés. On peut imaginer l’effet sur le moral des troupes.

Évidemment, l’intelligence artificielle devient déjà rapidement une solution pour concentrer les talents humains dans les secteurs névralgiques et essentiels de l’entreprise où d’anciennes compétences feront place à de nouvelles. Avec la formation et le développement, ces deux solutions à la pénurie de talents sont bien réelles pour les entreprises malgré leur vilain défaut de nécessiter des investissements en temps, argent et énergie. Au sein du monde des affaires, d’autres raisons mènent parfois à aborder ces solutions d’un regard oblique. Il arrive que ce défi soit lié au transfert générationnel de l’entreprise ou à d’autres considérations stratégiques. Par ailleurs, d’autres misent sur de profondes transformations macro-économiques pour un inversement des rapports de force du marché du travail à terme. Pensons aux doux rêveurs d’un Canada à 100 millions d’habitants et d’un afflux gigantesque d’une main-d’œuvre aussi abordable qu’inépuisable, ignorant les problématiques sociales et environnementales qui en découleront.

Néanmoins, pour la grande majorité des entrepreneurs, la formation et le développement restent un enjeu fondamental de l’heure pour la rétention de talents. On a tous entendu la vieille formule de l’entrepreneur craignant que ses employés compétents soient recrutés par la concurrence, alors que le pire scénario est qu’ils soient dépassés et qu’ils restent !

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