Le risque d’une « surenchère des subventions » entre les gouvernements pour attirer de gros investissements liés à l’industrie des batteries et à l’électrification des transports n’est pas près de s’estomper, selon les propos des participants à un panel sur la « filière des batteries » au Québec organisé mercredi par le Cercle canadien de Montréal.

« Ça prend des subventions dans les éléments critiques [de la filière des batteries]. Tout le monde a de l’argent à mettre sur la table. Mais au Québec, c’est aussi l’alignement stratégique [des intervenants de la filière des batteries] qui peut aussi faire la différence », a indiqué Sarah Houde, PDG sortante de Propulsion Québec, un regroupement d’une centaine d’intervenants d’affaires et gouvernementaux en électrification des transports.

« L’argent est une mesure défensive en ce qui concerne le gouvernement du Québec et le fédéral. Il s’agit d’en mettre suffisamment sur la table pour que la décision d’aller aux États-Unis [plutôt qu’au Québec] ne soit pas trop facile à cause de tous les autres avantages », a indiqué Guy LeBlanc, PDG de la société d’État Investissement Québec.

« En général, leur préférence [des industriels en batteries], c’est d’être ici. Mais si on n’est pas à un niveau suffisant [d’aide financière], on n’aura pas le dossier. Le projet va se réaliser ailleurs. »

« C’est un enjeu majeur ces temps-ci, a ajouté M. LeBlanc. On a quelques projets en attente que j’aurais aimé annoncer ces jours-ci, dans la foulée de ce qui a été annoncé lundi à Bécancour [usine de composants de batteries de 600 millions du tandem GM-POSCO, dont 300 millions en prêts à remboursement conditionnel de Québec et d’Ottawa]. Malheureusement, ça va attendre encore quelques semaines, lorsqu’on saura de quelle façon le fédéral va pouvoir compenser pour [les aides financières provenant de] l’Inflation Reduction Act (IRA) aux États-Unis. »

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Guy LeBlanc , PDG d'Investissement Québec

De l’avis d’Éric Desaulniers, président-fondateur et chef de la direction de l’entreprise Nouveau Monde Graphite, qui développe deux mines de graphite dans Lanaudière et le nord du Québec ainsi qu’une usine de traitement à Bécancour, « les gouvernements du Québec et du Canada sont très agiles pour comprendre et assister le financement des projets [liés à la filière des batteries]. Il y a encore un bon équilibre entre le rendement économique des projets et l’aide financière en crédits d’impôt pour les "capex" [coûts d’investissement en capital]. »

N’empêche, a souligné M. Desaulniers, « il ne faut pas se le cacher : les coûts de construction [d’usine] au Québec sont significativement plus élevés que ceux de nos compétiteurs en Chine, et dont les usines sont déjà construites et en service. »

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Éric Desaulniers, président-fondateur et chef de la direction de Nouveau Monde Graphite

« On sait qu’une usine qui coûte 100 millions à construire au Québec en coûterait entre 20 et 30 millions en Chine, et entre 50 à 60 millions en Corée », a ajouté Guy LeBlanc, d’Investissement Québec, devant un auditoire de plusieurs dizaines de gens d’affaires rassemblés par le Cercle canadien.

« Avec ce qui a été annoncé lundi [GM-POSCO], on est à peu près à 25 % [de fonds publics du Québec] dans la valeur du projet. En fait, le Québec est dans ces eaux-là avec les annonces faites jusqu’à maintenant [dans la filière des batteries]. On est en train d’établir une filière stratégique, et on est en compétition avec d’autres pays qui offrent des sommes énormes. »

Quant à la détermination des sommes offertes en aide financière, « ce n’est pas en fonction des attentes de nos interlocuteurs [investisseurs potentiels au Québec] ni en fonction du marché international, a indiqué M. LeBlanc. C’est surtout en fonction des retombées pour le Québec sur un horizon de quelques années. »