(Hiroshima) À mi-chemin de sa rencontre avec le président américain Joe Biden en Indonésie l’automne dernier, le dirigeant chinois Xi Jinping avait lancé un avertissement.

Durant les mois précédents, Joe Biden avait signé une série de lois renforçant la capacité industrielle des États-Unis et restreignant l’exportation de technologies vers la Chine. L’enjeu : dominer la course aux technologies vertes susceptibles d’appuyer la lutte contre les changements climatiques. Parallèlement, l’administration Biden s’était efforcée de convaincre les pays alliés d’imposer des restrictions semblables.

Ces efforts imitent la politique industrielle grâce à laquelle la Chine est devenue le chef de file mondial de l’industrie manufacturière. À Bali, Xi Jinping a exhorté Joe Biden à y renoncer.

Les protestations du président chinois n’ont fait que convaincre M. Biden que la nouvelle approche industrielle des États-Unis était la bonne, selon une source au fait de la teneur de l’échange.

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Le président chinois, Xi Jinping, et le président américain, Joe Biden, lors de leur rencontre à Bali, en Indonésie, en novembre 2022

Durant le Sommet du G7 du week-end dernier à Hiroshima, au Japon, des discussions de haut niveau ont porté sur la manière d’accélérer de vastes investissements publics coordonnés à l’échelle internationale. Les démocraties veulent réduire leur dépendance à l’égard de la production chinoise et aider leurs propres entreprises à être concurrentielles dans la nouvelle économie de l’énergie.

Politique industrielle américaine inédite

Le programme législatif de M. Biden en matière de soutien industriel – semi-conducteurs, infrastructures et énergies vertes – prévoit des investissements publics et privés de milliers de milliards de dollars dans la capacité industrielle américaine : véhicules électriques, batteries, parcs éoliens, centrales solaires, entre autres, seront admissibles à des subventions.

Cette politique industrielle – du jamais-vu aux États-Unis depuis des décennies – a galvanisé les alliés des États-Unis en Europe et en Asie, notamment les pays du G7. Le Canada, les pays européens, la Corée du Sud et le Japon font pression pour améliorer leur accès aux subventions américaines et lancent leurs propres programmes d’aide aux énergies vertes.

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Les dirigeants des pays du G7 et de l’Union européenne vendredi, lors du sommet de Hiroshima, au Japon

« Cette course aux écotechnologies est l’occasion d’aller plus vite et plus loin, ensemble », a dit Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, à l’issue d’un atelier économique au Sommet du G7 vendredi : « Nous sommes dans cette course ensemble, notre concurrence devrait ajouter des capacités de production » et ne pas se faire aux dépens des uns et à l’avantage des autres, a-t-elle ajouté.

Les pays du G7 ont deux objectifs ambitieux : doper la demande de technologies réduisant les émissions de CO2 et donner à leurs travailleurs un avantage sur les travailleurs chinois pour répondre à cette demande.

Ce projet a commencé à prendre forme après le Sommet du G7 de l’an dernier dans les Alpes allemandes.

Contrer la Chine

Les actions récentes du G7 contre la Chine – pour renforcer leurs chaînes d’approvisionnement, leurs industries des semi-conducteurs et d’autres secteurs – sont motivées par « la sécurité économique, la sécurité nationale et la sécurité énergétique », a déclaré Rahm Emanuel, ambassadeur des États-Unis à Tokyo, il y a quelques jours.

Ce virage annonce un G7 nouveau et plus pertinent.

Rahm Emanuel, ambassadeur des États-Unis à Tokyo

Selon M. Emanuel, les dirigeants du G7 réprouvent de plus en plus les mesures économiques utilisées par Pékin pour punir et dissuader les entreprises et gouvernements étrangers dont les actions déplaisent aux autorités chinoises.

Mais ce changement vient surtout de l’urgence de l’action climatique et de deux lois signées par M. Biden en 2022 : l’une subventionne l’industrie des semi-conducteurs à hauteur de dizaines de milliards de dollars ; l’autre, la Loi sur la réduction de l’inflation, comprend d’importantes mesures incitatives relatives au climat. Les entreprises se sont ruées sur ces occasions.

Réindustrialisation verte

Ces lois ont suscité une vague d’annonces aux États-Unis, sur la construction d’usines de batteries et de panneaux solaires, notamment. Elles ont également déclenché une course internationale aux subventions, car elles ont causé des frictions avec les pays alliés des États-Unis.

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Le président Joe Biden lors d’une visite dans une usine de semi-conducteurs à Durham, en Caroline du Nord, en mars dernier

Les généreuses aides américaines aux énergies vertes et aux semi-conducteurs – accompagnées d’exigences Buy American resserrées visant l’acier, les véhicules et les équipements – ont par exemple suscité des protestations chez les pays alliés, qui ont des secteurs en concurrence avec les entreprises américaines.

Ces préoccupations ont été apaisées en partie depuis. Les États-Unis ont signé en mars un accord avec le Japon : les composants de batteries faits dans ce pays seront admissibles aux aides offertes par la Loi sur la réduction de l’inflation. L’Union européenne négocie un accord similaire et prépare ses propres subventions – 270 milliards de dollars – aux industries vertes. Le Canada a adopté une loi inspirée des aides américaines. Le Royaume-Uni, l’Indonésie et d’autres pays planchent sur des projets de loi qui sécuriseraient leur approvisionnement en minéraux stratégiques.

Selon les responsables américains, les alliés, d’abord ameutés, reconnaissent désormais les avantages potentiels d’une stratégie industrielle concertée des démocraties.

Cet article a été publié originalement dans The New York Times.

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