Le système métrique a été adopté au Canada en 1971 et le système impérial n’est plus enseigné à l’école depuis des décennies. Pourtant, la bonne vieille livre (soit 0,453592 kg) continue de valoir son pesant d’or pour les épiciers, qui privilégient le prix par livre par rapport au prix par kilogramme, dans l’affichage et dans la publicité.

Il y a une raison simple à cela, selon une étude publiée jeudi qui a décortiqué comment le consommateur perçoit les prix : « Le consommateur retient le chiffre qui est affiché en gros caractères, pas l’unité de mesure qui est en petits caractères. Des fraises à 1,82 $/lb ont l’air meilleur marché qu’à 4 $/kg », a dit en entrevue le professeur de marketing Mrugank Thakor, de l’Université Concordia. « C’est pour ça que le prix en impérial est affiché en bien plus gros caractères que le prix en métrique. »

Bon à savoir en ces temps d’inflation

Cette stratégie de marketing n’est pas nouvelle ni particulièrement machiavélique, mais en ces temps d’inflation galopante où les gens font attention à leurs dépenses, ils doivent savoir que les prix affichés dans les épiceries ne sont pas aussi avantageux qu’ils le paraissent, dit M. Thakor, qui enseigne à l’École de gestion John-Molson.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Lorsque le prix était exprimé en livres, il était jugé moins cher par les participants à l’étude de Concordia.

Cette perception s’est vérifiée en demandant à des participants d’évaluer la cherté de divers produits en présentant les prix tantôt en livres, tantôt en kilogrammes. Le produit présenté en livres était perçu comme meilleur marché. Dans une autre expérience avec un autre groupe, on demandait aux participants de déterminer un budget fixe pour certains fruits et légumes. Là aussi, le prix exprimé en livres était jugé moins cher et les participants allouaient plus d’argent aux produits dont le prix était affiché en livres.

Une autre expérience tenait compte du fait que dans les épiceries, les prix à la livre sont indiqués en plus gros caractères que les prix au kilogramme. Les chercheurs ont mesuré l’effet d’une augmentation de la taille des caractères pour les prix au kilogramme : cela modifiait beaucoup la perception de la cherté des produits par les consommateurs.

Ce sont des économies imaginaires, parce qu’elles s’évaporent dès que vous payez. Sur le coupon de caisse, seuls les prix au kilogramme sont imprimés.

Mrugank Thakor, professeur de marketing à l’École de gestion John-Molson

Une chaîne d’épicerie qui déciderait de faire de la publicité seulement en métrique le regretterait : dans une autre expérience, on a demandé aux participants d’évaluer les prix de divers magasins vendant les mêmes produits aux mêmes prix, mais dans des circulaires présentant les prix soit en livres soit en kilogrammes. Les magasins annonçant en métrique étaient jugés plus chers.

Est-ce un hasard si les circulaires donnent souvent juste le prix en livres ? « Bien sûr que non », dit M. Thakor.

Alors, est-ce que 8,80 $/kg est plus cher que 3,99 $/lb ? Non, c’est la même chose. Mais dans l’œil du consommateur pressé qui fait son marché, on dirait que oui, parce que 8,80 $, c’est plus que 3,99 $.

Le professeur Thakor sait que lui et ses deux coauteurs, Yonglan Liu et Rui Chen, ne secoueront pas les colonnes du temple avec leur étude publiée dans le Canadian Journal of Administrative Sciences. Cette stratégie (tout à fait légale, souligne l’étude) « ne semble pas avoir d’effet bien grave sur le bien-être des consommateurs », dit-il.

« Il y a un intérêt académique certain, mais j’ai de la misère à me sentir outré de ça, ajoute-t-il. La réaction initiale est que les autorités devraient légiférer pour clarifier les choses, mais dans les faits, on ne peut pas dire que le consommateur est lésé. »

« Et si le prix indiqué en livres fait que les gens achètent plus de fruits et moins de barres de chocolat, ça ne fait pas nécessairement de tort… »