(Montréal) Un comité parlementaire recommande des changements majeurs au cadre régissant les droits des passagers aériens du Canada, en mettant l’accent sur des règles d’application et d’indemnisation plus strictes en cas de retards de vol.

Le rapport du Comité permanent des transports, de l’infrastructure et des collectivités a été déposé mardi après de récentes saisons de voyage plutôt chaotiques, pendant les vacances d’été et des Fêtes l’an dernier. Ces périodes de turbulences dans les aéroports ont été causées par une demande croissante des passagers après la pandémie, par des pénuries de main-d’œuvre et par le mauvais temps à Noël.

Parmi 21 recommandations, le comité des Communes suggère des pénalités financières plus importantes, un traitement plus fluide des demandes d’indemnisation, ainsi que des offres de paiement automatique après des annulations, des retards importants ou un refus d’embarquement.

Le comité recommande en outre de mettre le fardeau de la preuve sur les compagnies aériennes, qui devra démontrer pourquoi une indemnisation ne devrait pas être accordée aux voyageurs. On suggère aussi de faire peser sur les épaules des transporteurs le coût de la résolution des réclamations auprès de l’Office des transports du Canada (OTC).

Si l’OTC déterminait que les droits d’un client ont été violés, tous les passagers d’un même vol devraient en être informés et se voir offrir le remboursement ou la compensation, recommande aussi le comité.

Le rapport suggère également que le gouvernement fédéral envisage d’harmoniser ses règles d’indemnisation avec la réglementation européenne, même lorsque les retards sont annoncés comme « nécessaires à des fins de sécurité » – une exemption de paiement que l’Union européenne n’autorise pas, mais sur laquelle s’appuient souvent les transporteurs canadiens, selon les défenseurs des voyageurs.

Un an et demi pour une plainte

L’arriéré de plaintes des passagers à l’Office des transports du Canada se situait juste en dessous de 45 000 mardi, soit plus du triple d’il y a un an.

Le nouvel arriéré signifie qu’il faut maintenant plus d’un an et demi pour traiter un dossier, ce qui a incité le comité des Communes à recommander un examen du rôle de l’Office des transports dans le modèle actuel d’application du Règlement sur la protection des passagers aériens. Le comité évoque des modèles potentiels d’agence de traitement des plaintes comme ceux des télécommunications et de la télévision, ou des banques.

Nadine Ramadan, porte-parole du ministre fédéral des Transports, Omar Alghabra, a déclaré mardi que le gouvernement examinerait les recommandations du comité dans les semaines à venir.

« Beaucoup des recommandations fournies par le comité s’alignent étroitement sur le travail que notre gouvernement a fait pour apporter les changements nécessaires à notre régime de droits des passagers », a-t-elle soutenu dans un courriel.

Le ministre Alghabra s’était engagé à renforcer le Règlement sur la protection des passagers aériens, vieux de quatre ans, dans un projet de loi qui serait déposé ce printemps.

Il déclarait aux journalistes le mois dernier qu’il comblerait l’échappatoire qui permet aux compagnies aériennes de refuser aux clients une indemnisation pour les vols annulés. Il promettait aussi 75,9 millions supplémentaires sur trois ans pour réduire l’arriéré de plaintes.

Gabor Lukacs, président de l’organisme « Droits des voyageurs », a qualifié mardi de « très solide » le rapport du comité des Communes. « Beaucoup de réflexion y a été consacrée », a-t-il estimé.

M. Lukacs souligne certaines recommandations clés du rapport, surtout l’élimination de l’échappatoire permettant aux transporteurs de rejeter les demandes d’indemnisation en invoquant des « raisons liées à la sécurité » – comme le prévoit l’actuel Règlement sur la protection des passagers aériens.

Partager la facture

Le PDG de WestJet, Alexis von Hoensbroech, déclarait la semaine dernière que sa compagnie demandait au gouvernement fédéral d’autoriser les transporteurs à récupérer les coûts d’indemnisation des passagers auprès d’autres partenaires de l’industrie aéronautique, s’il estime que ces partenaires ont joué un rôle dans les retards ou les perturbations de vols.

« Il y a les aéroports, la navigation, la sécurité, le contrôle des frontières, il y a les manutentionnaires au sol », plaidait M. von Hoensbroech devant les journalistes, ajoutant qu’aucune de ces parties n’est soumise aux règles de protection des passagers existantes comme le sont les compagnies aériennes.

« Quoi qu’il arrive, c’est toujours la compagnie aérienne — et la compagnie aérienne devient essentiellement la compagnie d’assurance de toute l’industrie. »

Au cabinet du ministre des Transports, on rejette cet argument. « Lorsqu’un passager achète un billet pour un voyage en avion, il s’agit d’une transaction entre un passager et la compagnie aérienne, et il est de la responsabilité de la compagnie aérienne de s’assurer qu’elle respecte ses obligations envers les passagers », a déclaré la porte-parole Nadine Ramadan.

Dans le budget déposé le mois dernier, le gouvernement libéral a présenté des plans pour accélérer les contrôles de sécurité dans les aéroports et réduire les retards de vols. Après une année de chaos, le budget promettait 1,8 milliard sur cinq ans à l’Administration canadienne de la sûreté du transport aérien.

Le gouvernement proposait aussi une nouvelle règle qui obligerait les compagnies aériennes et les aéroports à partager et à communiquer des données, afin de réduire les retards et de renforcer la coordination au sein de l’industrie.

Le budget permet en outre au ministre des Transports d’imposer une redevance aux transporteurs pour aider à couvrir les coûts de résolution des plaintes des passagers. En théorie, la mesure inciterait les transporteurs à améliorer leur service et réduirait ainsi les plaintes.

Ces deux mesures figuraient d’ailleurs mardi parmi les 21 recommandations du comité des Communes.

Sylvie De Bellefeuille, avocate au sein de l’organisme québécois Option consommateurs, s’est dite « très contente » du rapport, qui reconnaît les problèmes auxquels sont confrontés les passagers.

« Leurs recommandations visent à modifier la réglementation afin que les passagers soient mieux protégés », a-t-elle déclaré lors d’un entretien téléphonique.

M. Lukacs se demande par ailleurs si les modèles de traitement des plaintes du Conseil des plaintes relatives aux services de télécommunication et de télévision ou de l’Ombudsman des services bancaires et d’investissement, comme le suggère le comité, seraient vraiment appropriés pour l’industrie aéronautique.

Une rareté d’amendes témoigne de l’incapacité de l’Office des transports — ou de son mépris — à faire appliquer la loi, affirment des défenseurs des voyageurs, le comité soulignant qu’elle n’employait que six agents de conformité à la mi-janvier.

Le total des amendes infligées aux compagnies aériennes et aux aéroports a atteint 725 380 $ en 2022-2023, contre 253 975 $ en 2021-2022 et 54 500 $ en 2020-2021, selon le site internet du régulateur. Cependant, le chiffre le plus récent représente une fraction des ventes annuelles des compagnies aériennes — moins de 0,04 % des revenus de 16,56 milliards d’Air Canada l’an dernier, par exemple.