Les annonces se multiplient dans la filière des batteries, mais certains acteurs québécois peinent à convaincre des investisseurs locaux de les épauler. Pour continuer d’avoir un mot à dire à la table des décisions, l’industrie estime qu’un coup de barre est nécessaire.

Bien que les défis soient nombreux pour les jeunes pousses du créneau de l’électrification, celui de l’accès au capital arrive en tête de liste. Et lorsque l’on réussit à trouver de l’argent, il provient souvent de l’extérieur des frontières canadiennes. La question a été soulevée plus tôt ce mois-ci dans le cadre du Sommet international des transports électriques et intelligents (TEI) qui se déroulait à Montréal.

Résultat : il est parfois difficile de maintenir une présence québécoise dans l’actionnariat d’une entreprise qui a besoin d’argent pour financer sa croissance, illustre le président et chef de la direction de Recyclage Lithion, Benoit Couture.

« On a encore un contrôle canadien, c’est une bonne nouvelle, dit-il. Mais après la prochaine ronde, ça va être difficile d’annoncer la même chose à la fin. Si on n’a pas de poids à la table, ça va devenir très difficile. Je peux être convaincant, mais à un moment donné, l’argent parle. »

L’entreprise québécoise fondée en 2018, qui se spécialise dans le recyclage de batteries lithium-ion pour véhicules électriques, estime qu’il lui faudra trouver jusqu’à 1 milliard pour réaliser ses ambitions en territoire québécois. Jusqu’à présent, elle a reçu 22,5 millions d’Investissement Québec (IQ), son troisième actionnaire en importance. Le bras financier de l’État québécois ne pourra tout faire seul.

PHOTO FRANÇOIS ROY, ARCHIVES LA PRESSE

Benoit Couture, président et chef de la direction de Recyclage Lithion

« Aux États-Unis, un concurrent [Ascend Elements] a obtenu 480 millions US en prêts, affirme M. Couture. On s’en va jouer sur le même terrain. Je ne dis pas que la partie est perdue d’avance. Je dis seulement qu’il faut se réveiller. On peut être fiers de ce qu’on réussit à faire avec peu d’argent au Québec. Mais des usines, ça ne se fait pas seulement avec du bon vouloir et du savoir-faire. Ça prend de l’argent. »

Aux balbutiements

Le dirigeant de Recyclage Lithion s’explique mal la timidité des firmes privées et de certains investisseurs institutionnels à monter à bord de la filière. L’écosystème québécois en est encore à ses balbutiements, souligne Hubert Bolduc, qui dirige l’antenne internationale d’IQ – qui a joué un rôle pour convaincre des géants comme General Motors (GM), Posco, BASF et Vale de déployer des projets au Québec.

On parle d’une industrie quand même naissante. Est-ce que les investisseurs institutionnels vont s’engager dès le début avec de gros montants ? Non. Mais au fur et à mesure que la technologie se confirme, je pense que l’on va être capables d’attirer des financiers qui ne répondaient pas avant.

Hubert Bolduc, président, Investissement Québec International

Le fondateur et président et chef de la direction de Nouveau Monde Graphite, Eric Desaulniers, a pu compter sur l’appui de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) et d’IQ dans le cadre de la phase d’exploration. Mais l’entreprise s’est aussi tournée vers Groupe Pallinghurst pour se financer. La firme londonienne est le premier actionnaire de la société québécoise, devant IQ et la CDPQ.

« Nous sommes dans les quelques entreprises minières d’une certaine taille capables de dire qu’on a encore notre siège social au Québec, dit M. Desaulniers. C’est la même chose pour la filière batterie. Le risque, c’est si notre actionnariat se dilue de plus en plus. Là, ça pourrait bouger. »

Nouveau Monde Graphite souhaite transformer le graphite extrait à sa mine de Saint-Michel-des-Saints – un projet qui divise la population locale – en un produit utilisé par les fabricants d’anodes, une des composantes de la batterie lithium-ion que l’on retrouve dans les véhicules électriques.

Virage attendu

La CDPQ figure parmi les investisseurs qui pourraient venir combler un besoin lorsqu’il est question d’accès au capital chez les acteurs québécois de la filière des batteries. Le bas de laine des Québécois confirme avoir mis sur pied un « groupe de travail » pour « suivre de près ce marché ».

« Nous sommes à l’affût d’occasions intéressantes dans ce secteur d’avenir et nous rencontrons régulièrement des acteurs du milieu […] que ce soit pour la fabrication des batteries et de leurs composantes, le recyclage et les mines », souligne la porte-parole de la Caisse, Kate Monfette.

Cette dernière n’a toutefois pas donné de détails sur le moment où des investissements pourraient être annoncés.

Bien que son actif net ne soit pas comparable à celui de la CDPQ, le Fonds de solidarité FTQ a commencé à s’impliquer dans des rondes de financement, notamment en épaulant le fabricant de batteries pour véhicules industriels UgoWork l’automne dernier.

En savoir plus
  • 402 milliards
    Taille de l’actif net de la CDPQ à la fin de 2022
    Source : CAISSE DE DÉPÔT ET PLACEMENT DU QUÉBEC
    17,8 milliards
    Actif net du Fonds de solidarité FTQ au 30 novembre dernier
    Source : Fonds de solidarité FTQ