(Québec) Exclues du congé fiscal pour grands projets d’investissements annoncés dans le budget Girard, les alumineries n’ont pas à s’en faire : l’État leur viendra en aide autrement, affirme le ministre de l’Économie et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, qui dit avoir un coffre à outils bien garni.

Jeudi, à la sortie de la période des questions au Salon bleu, le ministre a reconnu qu’il souhaitait que les alumineries touchent ce congé d’impôt destiné aux projets d’au moins 100 millions de dollars. Le ministre des Finances, Eric Girard, en a décidé autrement.

« Je veux rassurer les alumineries que nous sommes là pour les aider. Il y a différentes façons de les aider. M. Girard a décidé que pour le congé fiscal, [elles] étaient pour être exclues. Mais j’ai d’autres outils. […] On va aider les alumineries de toute façon. »

Pierre Fitzgibbon a dit du bout des lèvres que la décision de son collègue envoie « peut-être » un signal négatif à ce secteur économique important. Mais il a laissé entendre que la qualité de son contact avec l’industrie devrait permettre de corriger le tir. « Les alumineries au Québec – Alcoa, Rio Tinto et Alouette –, je les connais tous personnellement. Mon rapport avec eux est tel… », a-t-il dit.

« Je connais les CEO des trois entreprises […]. Il y a deux semaines, M. Jakob [Stausholm, PDG de Rio Tinto] était à Montréal. On a soupé avec lui, moi et le premier ministre », a-t-il indiqué. Le 8 mars, François Legault avait rendu public sur les réseaux sociaux uniquement une rencontre à son bureau avec ce PDG.

Pierre Fitzgibbon dit avoir des « outils suffisants » pour aider les alumineries. « La base budgétaire que j’ai » au Ministère, « c’est 2 milliards ». « Il y a toujours de l’argent disponible pour des projets intéressants au niveau économique », a-t-il ajouté.

Il a expliqué ainsi comment l’État donne un soutien financier aux entreprises : « Quand on aide une société, on a toujours un pourcentage d’aide. Et il y a différentes façons d’utiliser l’aide. Ce qu’on fait : tu prends le crédit d’impôt, tu prends le congé fiscal, tu prends d’autres sources, la main-d’œuvre, et quand il en manque, on fait un chèque pour la différence. »

En janvier, François Legault avait annoncé son intention de réviser les tarifs d’hydroélectricité pour les entreprises, dont le fameux tarif L réservé aux grands clients industriels, afin de les moduler en fonction notamment de leurs efforts pour décarboner le Québec. Tout ça dans le contexte où le Québec a besoin de 100 térawattheures additionnels d’énergie pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. C’est 50 % de la production actuelle d’Hydro-Québec.

Selon François Legault, il sera bientôt « très difficile pour une entreprise qui émet des GES [gaz à effet de serre] d’obtenir des rabais sur l’électricité ». Une telle entreprise devra payer plus cher son énergie.

Il avait rappelé que les gouvernements précédents avaient accordé des rabais aux alumineries en raison du faible prix mondial de l’aluminium à l’époque et des risques de fermeture. « À l’époque, et c’était vrai en 2018, il y avait des surplus d’électricité. Aujourd’hui, […] on manque d’électricité », avait-il soulevé.

Avec le développement de l’aluminium vert, il est permis de penser que ce produit plus écologique connaîtra une bonne demande et que son prix deviendra plus élevé que celui de l’aluminium gris au cours des prochaines années, avait dit le premier ministre, suggérant que les alumineries devraient alors payer davantage l’énergie. Il avait nuancé son propos par la suite : pour déterminer le nouveau tarif qui sera imposé aux alumineries, il faudra aussi tenir compte de leurs retombées, car « ce sont des jobs importantes en région ».

Depuis 2015, les alumineries ont payé un tarif moyen de 3,87 cents le kilowattheure, a récemment indiqué Hydro-Québec à La Presse. C’est inférieur au tarif L d’environ 5 cents. Le manque à gagner atteindrait 178 millions par année.

Selon les contrats entre le gouvernement et les alumineries, le tarif d’électricité est fixé en fonction du prix de l’aluminium sur le marché.

L’an dernier, le tarif payé par les alumineries a été supérieur au tarif L et Hydro-Québec n’a donc pas eu de manque à gagner, selon les explications de Pierre Fitzgibbon. « Il y a 200 millions de profit additionnel par rapport à l’an passé causé par le prix de l’électricité parce qu’il est indexé sur un prix marché. Si on croit qu’il va y avoir une prime verte à l’aluminium, qui devrait exister parce que Tesla peut-être veut faire des voitures vertes, peut-être qu’on va voir des profits » dans l’avenir, a-t-il affirmé.