On prépare le terrain pour l’arrivée de Ford dans la filière québécoise des batteries dans un projet d’usine de matériaux de cathode
– composante névralgique de la batterie au lithium-ion – à Bécancour. Les pourparlers entre le géant américain de l’automobile et le gouvernement Legault vont bon train.

Le plus récent signal : la filiale canadienne de la multinationale à l’ovale bleu vient de mettre à jour son inscription au Registre des lobbyistes pour effectuer des démarches auprès du ministère de l’Économie et de l’Innovation ainsi que d’Investissement Québec (IQ), le bras financier de l’État québécois.

« Obtenir un soutien financier concurrentiel supportant un projet d’investissement potentiel au Québec dans la filière des véhicules zéro émission dont le montant exact et le type de financement demeurent à être déterminés », peut-on lire dans cette inscription.

Il ne s’agit pas de construction de véhicules, selon nos informations. On parle plutôt du complexe d’usines de cathodes – une composante qui représente environ 40 % du coût d’une cellule de batterie –, un projet qui avait circulé en septembre dernier.

Ce projet verrait le jour dans le parc industriel et portuaire de Bécancour, l’endroit privilégié par la stratégie gouvernementale pour développer la filière des batteries. L’endroit accueillera les usines de la coentreprise formée par General Motors et POSCO ainsi que du géant allemand BASF. Ces deux projets bénéficieront du soutien financier de Québec, mais l’ampleur de l’aide n’a toujours pas été chiffrée. La production doit débuter vers 2025 dans ces deux usines.

Le complexe envisagé par Ford se réaliserait en collaboration avec le fabricant sud-coréen de cellules SK On et EcoPro Global, spécialisée dans les composantes de batteries.

« Ça avance et c’est un dossier sérieux », a indiqué à La Presse une source gouvernementale qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement, sans toutefois s’avancer sur un échéancier.

Déjà des signaux

Mercredi, Ford Canada n’a pas voulu donner de détails sur la nature de ses pourparlers avec Québec. Par courriel, une porte-parole, Rose Pao, a évoqué des raisons « concurrentielles » pour justifier ce refus. Les démarches de lobbyisme de Ford doivent s’effectuer en personne, par écrit et par l’entremise de discussions téléphoniques, selon l’inscription. EcoPro est déjà inscrite au Registre des lobbyistes.

D’après les informations publiques, cette entreprise vise un terrain situé à l’intersection de l’avenue des Cendres et de la route de la Centrale Nucléaire, dans le parc industriel de Bécancour. Les trois entreprises discutent également avec le gouvernement Trudeau.

En entrevue avec La Presse en décembre dernier, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, Pierre Fitzgibbon, avait mis la table à l’arrivée d’un troisième fabricant de cathodes dans la province. Sans nommer Ford, il avait fait allusion à l’entreprise établie à Dearborn, dans le Michigan.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie

Je pense que l’on va possiblement voir un autre cathodier s’en venir. Il y en a un dont le nom est dans les journaux, puis il y en a un autre. Je ne veux pas en parler parce que techniquement ce n’est pas fait, mais je suis très confiant que l’on va être un leader dans ce segment-là.

Pierre Fitzgibbon, ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l'Énergie, en décembre dernier

Le contexte a cependant changé depuis que Québec a jeté les bases de la filière des batteries. Au sud de la frontière, l’administration Biden a appuyé sur l’accélérateur avec l’Inflation Reduction Act (IRA). Cette loi prévoit 370 milliards US afin de financer, notamment, des projets de fabrication de batteries.

La réponse du gouvernement Trudeau est attendue dans le prochain budget fédéral. Toutefois, un rapport produit par le Bureau du Conseil privé – qui offre des conseils non partisans au premier ministre Justin Trudeau et au cabinet – et obtenu par La Presse prévenait que les subventions américaines pourraient court-circuiter des projets en territoire canadien.

Malgré les signaux positifs concernant Ford, un des neuf créneaux de la chaîne des batteries est toujours vacant. Il s’agit de la fabrication de cellules – la dernière étape avant l’assemblage des batteries. Les projets de Britishvolt et de StromVolt sont chose du passé. La première entreprise a déposé son bilan après avoir perdu le contrôle de ses finances, tandis que la deuxième n’a plus de partenaire pour lui offrir les droits sur une technologie.

Lisez l’article « Les États-Unis pourraient dérober des projets au Canada »
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    De l’exploration au recyclage, c’est le nombre d’étapes dans la chaîne des batteries.
    Source : gouvernement du Québec