Les ambitions de croissance de l’aéroport de Saint-Hubert se précisent avec l’arrivée de Porter Airlines, qui a l’intention de construire un terminal dans le cadre d’un chantier d’envergure. Reste à voir l’accueil qui sera réservé à ce projet par les résidants du secteur.

D’après les détails obtenus par La Presse auprès de plusieurs sources, ce bâtiment sera situé à l’angle du boulevard Clairevue et de la route de l’Aéroport. La facture pourrait s’élever jusqu’à 200 millions. On prévoit également la construction d’un hôtel d’une centaine de chambres à un jet de pierre.

« On parle de quelque chose de majeur, a indiqué une personne au fait du dossier, mais qui n’est pas autorisée à s’exprimer publiquement. Porter est une compagnie qui a les moyens de ses ambitions. »

Les détails seront présentés à l’occasion d’une conférence de presse, lundi prochain, à laquelle participeront le directeur général de l’aéroport de Saint-Hubert, Yanic Roy, la ministre des Transports du Québec, Geneviève Guilbault, ainsi que la mairesse de Longueuil, Catherine Fournier. Vendredi, l’aéroport de Saint-Hubert, la Ville de Longueuil et Porter n’avaient pas répondu aux questions de La Presse.

Une présentation a déjà eu lieu pour les représentants des compagnies et autres organisations établies sur les terrains de l’aéroport. Si tout se déroule comme prévu, la première pelletée de terre devrait avoir lieu au printemps. Selon nos informations, la superficie du terminal serait d’environ 20 000 mètres carrés (quelque 215 000 pieds carrés) et comprendrait jusqu’à neuf portes d’embarquement. Porter y exploitera entre autres ses Embraer E195-E2 – un concurrent direct de l’A220 d’Airbus.

PHOTO FOURNIE PAR PORTER

Porter a récemment ajouté des appareils E195-E2 d’Embraer à sa flotte.

Cet avion, l’un des plus silencieux sur le marché, est au cœur de la stratégie de l’entreprise torontoise connue pour ses avions à hélices qui se posent à l’aéroport Billy-Bishop, au centre-ville de Toronto. Depuis le début du mois de février, le transporteur offre une liaison entre Montréal-Trudeau et Pearson (Toronto) avec ses nouveaux appareils. En janvier dernier, l’entreprise disait vouloir offrir davantage de liaisons directes depuis la région métropolitaine.

Son arrivée à Saint-Hubert devrait lui permettre d’atteindre cet objectif, tandis que l’aéroport peut enfin se targuer d’avoir convaincu un transporteur national de venir s’établir chez lui.

C’est une grosse nouvelle. On peut penser que Porter anticipe beaucoup de trafic aérien et qu’elle souhaite se déplacer. La compagnie a probablement négocié avec Saint-Hubert pour obtenir de bons prix sur les redevances aéroportuaires [décollage et atterrissage].

John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill

Il risque cependant d’y avoir du travail à faire pour offrir une cure de rajeunissement à l’« infrastructure de soutien », comme les routes et les services de transport en commun, si l’on veut attirer les voyageurs en banlieue sud de la métropole, ajoute John Gradek. Dans une première phase, il y aurait quotidiennement 12 vols de plus après l’arrivée de Porter. En moyenne, on en recense actuellement environ 200 à Saint-Hubert. La plupart sont effectués par les écoles de pilotage.

Des limites

Il y aura également des contraintes pour Porter sur la Rive-Sud. La compagnie aérienne devra se contenter, du moins pour l’instant, d’offrir des vols intérieurs. En vertu de son bail avec Transports Canada, Aéroports de Montréal (ADM) – l’exploitant de Montréal-Trudeau et de Mirabel – bénéficie toujours d’une clause d’exclusivité pour les vols internationaux. Par exemple, un avion qui décolle de Saint-Hubert ne peut donc pas transporter des passagers vers les États-Unis ou les destinations soleil.

De plus, les ambitions d’expansion de l’aéroport pourraient se buter à de la résistance. Les décollages de nuit effectués par Chrono Aviation avec un Boeing 737-200 âgé de 45 ans et qui est très bruyant suscitent de nombreuses plaintes de résidants du secteur. Les vols commerciaux de nuit seront interdits à compter d’avril 2024. Une augmentation du trafic aérien pourrait déplaire aux résidants des quartiers qui jouxtent l’aéroport. Le bruit des appareils exploités par les écoles de pilotage du secteur fait aussi l’objet de critiques.

« Je suis certaine que les citoyens ne seront pas surpris de l’annonce [de lundi], affirme Marie-Pierre Brunelle, porte-parole du Comité antipollution des avions – Longueuil (CAPA-L). On est en zone urbaine, on ne consulte pas la population et on veut augmenter le trafic aérien. Il y a un manque de transparence, à mon avis. »

Des consultations publiques qui se sont déroulées dans la dernière année au sujet du développement de l’aéroport ont montré que les résidants n’étaient pas opposés à l’augmentation du nombre de vols, mais qu’ils tenaient à leur qualité de vie. En novembre dernier, au moment de la diffusion des conclusions, l’administration de Mme Fournier avait déclaré être « fortement défavorable à tout projet de développement de vols internationaux », ajoutant que l’aéroport devait miser sur les « vols québécois régionaux et canadiens ».

En savoir plus
  • 100
    Nombre d’appareils Embraer E195-E2 qui pourraient être livrés à Porter, si on inclut les options (50) de la commande
    Source : Porter Airlines
    29
    Nombre d’avions à hélices Dash 8-400 actuellement exploités par Porter
    Source : Porter Airlines