Plutôt que de songer à repousser l’âge minimal pour être admissible à la rente du RRQ, Québec devrait offrir plus de souplesse afin d’éviter de pénaliser qui que ce soit à l’approche de la retraite.

C’est le message qu’ont lancé tant le Conseil du statut de la femme que le Conseil du patronat du Québec devant la commission parlementaire sur l’avenir du Régime de rentes du Québec (RRQ). La commission portant sur la proposition de reporter l’âge minimal d’admissibilité de 60 à 62 ans en était à sa deuxième journée consécutive, jeudi à Québec.

Selon le Conseil du statut de la femme (CSF), un tel report de l’âge d’admissibilité au RRQ risque de « pénaliser indûment les femmes qui souhaitent se retirer partiellement ou complètement avant 65 ans en raison d’un travail devenu pénible, et pour qui le montant de la rente représente un revenu immédiat dont elles ne peuvent se priver ».

Le CSF a fait aussi référence aux femmes au début de la soixantaine qui doivent agir de plus en plus comme proches aidantes auprès d’un parent vieillissant, ou encore comme gardienne de leurs petits-enfants.

De l’avis de la présidente du CSF, Louise Cordeau, certaines femmes se retrouvent ainsi dans une « situation financière qui justifie qu’elles aient la latitude de demander leur rente du RRQ dès l’âge de 60 ans ».

Dans la foulée, le Conseil du statut de la femme se dit en désaccord avec la proposition d’augmenter les « facteurs d’ajustement [c’est-à-dire une réduction du montant de rente] pour une rente de retraite demandée avant 65 ans ».

Nouvelle réalité conjugale

Par ailleurs, le CSF a souligné deux éléments qui, même absents du document de consultation, devraient « mériter l’attention » des élus et des administrateurs du RRQ : la rente de conjoint survivant et le montant de la prestation de décès.

De l’avis du CSF, dans ses paramètres actuels, la rente de conjoint survivant ne correspond plus à l’évolution de la réalité conjugale, avec la « multiplication des ruptures dans les couples et la formation de nouvelles unions ».

Louise Cordeau a cité à titre d’exemple le cas où « la bénéficiaire de la rente de conjoint survivant n’est pas forcément la mère des enfants du défunt ni celle avec qui l’union a été la plus longue ».

Quant à la prestation de décès versée par le RRQ, Mme Cordeau a fait état d’un « montant de 2500 $ qui, en plus d’être imposable, n’a pas été indexé depuis 1998, ce qui fragilise la situation financière de plusieurs personnes endeuillées, dont un bon nombre de femmes ».

Plus de souplesse et des incitatifs fiscaux

De son côté, le Conseil du patronat du Québec (CPQ), qui regroupe les plus grands employeurs des secteurs privé et parapublic, doute de la pertinence de hausser l’âge minimal d’admissibilité à la rente de retraite de 60 à 62 ans.

De l’avis du CPQ, plutôt que de pénaliser les travailleurs qui souhaitent prendre leur retraite et demander leur rente à partir de 60 ans, le gouvernement devrait privilégier des mesures incitatives sur les plans financier et fiscal, comme une bonification du crédit d’impôt pour prolongation de carrière, afin qu’il « soit toujours payant et intéressant pour les travailleurs d’expérience de rester ou de retourner sur le marché du travail ».

« Le CPQ croit que le choix de l’âge de la retraite revient au citoyen, et que chaque situation est différente. C’est pourquoi la décision de la prise de la retraite doit demeurer flexible », a fait valoir Karl Blackburn, président et chef de la direction du CPQ, lors de sa présentation par vidéoconférence devant la commission parlementaire.

L’approche que nous voulons privilégier, c’est d’utiliser d’autres leviers à la disposition du gouvernement pour encourager la prise de la rente après 60 ans.

Karl Blackburn, président et chef de la direction du Conseil du patronat du Québec

Quant à l’impact d’un report de l’âge d’admissibilité au RRQ sur la pénurie de main-d’œuvre, le Conseil du patronat estime qu’un tel report « ne contribuerait que de façon marginale » à cet enjeu important pour l’économie québécoise.

Entre autres, selon le CPQ, le taux d’activité au travail des citoyens de 55 à 59 ans a déjà augmenté ces dernières années, et de moins en moins de personnes demandent leur rente à 60 ans.

« L’âge effectif de la retraite a augmenté depuis 20 ans. Il y a fort à parier que cette tendance se poursuivra notamment grâce à la hausse du niveau d’éducation et à la participation plus active des travailleurs de 60 ans et plus au marché du travail », selon Norma Kozhaya, économiste en chef et vice-présidente à la recherche au CPQ, qui participait à la présentation du regroupement patronal avec M. Blackburn.

Par ailleurs, le CPQ se dit d’accord avec la proposition de reporter progressivement de 70 à 75 ans la limite d’âge pour commencer à recevoir sa rente. Le regroupement patronal appuie aussi la proposition de rendre facultatives les cotisations au RRQ pour les personnes de 65 ans et plus.