Aucun groupe n’avait appuyé la proposition de Retraite Québec de reporter l’âge minimal de l’admissibilité à la rente de retraite du RRQ de 60 à 62 ans au terme de la première journée de consultations publiques. La présidente de la FTQ a même averti que les travailleurs étaient prêts à se mobiliser.

Reporter l’âge de l’admissibilité à la rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) de 60 à 62 ans ne passe pas, et le ministre des Finances Eric Girard en « a pris acte » à la fin de la première journée de consultations publiques. Même si cette mesure a pour but d’assurer une meilleure sécurité financière aux futurs retraités et que la santé financière du régime est bonne, a-t-il rappelé.

« Lorsqu’on choisit le statu quo et que le temps passe, il est possible qu’on recule. »

« Avec le 60-62 ans, déjà la grogne est prise », a prévenu la nouvelle présidente de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), Magali Picard.

Ce n’est pas une tempête en février qui va empêcher les travailleurs au Québec de se mobiliser.

Magali Picard, présidente de la FTQ

Les organismes qui représentent les travailleurs, les retraités et les jeunes ont fait valoir que plusieurs situations particulières, qu’elles soient familiales, économiques ou liées à l’état de santé, empêchent un travailleur d’occuper un emploi au-delà de 60 ans.

« Parce qu’on le sait, il y a des types d’emplois qui sont plus difficiles que d’autres et le corps le prend moins bien avec l’âge », a dit Paul-René Roy, président de l’Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic, insistant par ailleurs sur le besoin de campagnes de sensibilisation pour contrer l’âgisme, ce qui permettrait à des travailleurs d’expérience qui le désirent de rester en poste alors que les discriminations dont ils sont victimes les poussent à partir.

« Quand on parle de l’augmentation de l’espérance de vie, il faut être conscient qu’il y a l’espérance de vie et l’espérance de vie en santé », a indiqué de son côté Éliane Racine, vice-présidente au contenu de Force Jeunesse, toujours au sujet de la capacité à rester plus longtemps sur le marché du travail.

Non seulement certains emplois hypothèquent la santé physique, comme le travail des femmes de chambre et les métiers de la construction, a-t-on cité, mais les emplois de moins bonne qualité n’ont souvent pas de régimes complémentaires de retraite offerts par les employeurs. Même s’il est plus avantageux de commencer à retirer sa rente de retraite à 65 ans, les gagne-petit n’ont pas les moyens de le faire, ont souligné les présidentes de la FTQ et de la Confédération des syndicats nationaux (CSN).

Tu ne peux pas dire à quelqu’un : “Arrête de manger pendant deux ans parce que dans deux ans, ta rente de retraite va être plus grosse.”

Caroline Senneville, présidente de la CSN

Plutôt que de forcer les travailleurs à reporter le moment où ils pourront demander leur rente, le Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois a plaidé pour une meilleure communication, car la proportion des travailleurs qui demandent leur rente du Régime de rentes du Québec à 60 ans a diminué de façon importante. Elle est passée de 60 % en 2016 à environ 33 % en 2021.

Elle reflète la qualité des informations fournies par les conseillers financiers, affirme Bernard Morency, membre du comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois.

« Doit-on restreindre le droit de devancer le début du versement de la rente même avec un facteur de réduction sous prétexte qu’il s’agit d’un mauvais choix et qu’on doit protéger les travailleurs contre eux-mêmes ? », soulève-t-il.

Le Comité croit qu’il serait plus utile de continuer les mesures d’éducation et de promouvoir auprès des employeurs et des travailleurs l’idée d’une transition du travail à temps plein vers la retraite à temps plein entre les âges de 60 et 75 ans.

Luc Godbout, de son côté, suggère que la manière dont Retraite Québec communique avec les cotisants à l’approche de leur soixantième anniversaire soit révisée. Les travailleurs reçoivent une lettre qui s’intitule Cap sur la retraite indiquant qu’il est maintenant possible de recevoir la rente dès 60 ans, alors qu’il faudrait plutôt mettre l’accent sur le fait que la rente sera bonifiée si elle est reportée. « La manière de présenter des choix au cotisant crée des biais cognitifs qui vont nécessairement influencer leur décision », explique le titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, citant le Prix Nobel d’économie Richard Thaler.

Un régime à prestations cibles ?

Deux groupes se sont inquiétés de la possibilité de transformer la rente à prestations déterminées, qui permet de savoir quelle somme sera versée jusqu’au décès, en une rente à prestations cibles. « Ce serait une catastrophe », a lancé au ministre la présidente de la FTQ.

Chez nous, c’est inimaginable, jamais la FTQ ne pourra soutenir cette idée-là.

Magali Picard, présidente de la FTQ

Car depuis 2018, la loi permet de modifier à la hausse ou à la baisse les cotisations, les prestations ou les deux en cas de déséquilibre financier. Le mécanisme d’ajustement automatique n’a toutefois pas été défini. Le ministre des Finances a tenté de calmer les inquiétudes en disant à quelques reprises qu’il n’avait « aucune intention de transformer le régime [en régime] en prestations cibles ».

Arrêter de cotiser au RRQ à 65 ans ?

Pour ce qui est de l’idée de rendre facultative la cotisation au RRQ après 65 ans pour ceux qui ont commencé à retirer leur rente, les organisations l’ont toutes approuvée en y ajoutant des nuances. Selon Luc Godbout, cette option doit rester facultative, parce que si la mesure est appliquée à tout le monde, « vous allez forcer les gens à prendre leur rente pour arrêter de cotiser », soulève-t-il.

Laissons le choix. Pour certains, ça vaut la peine et pour d’autres, non.

Luc Godbout, titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke

La présidente de la CSN met en garde le gouvernement contre les pressions que pourraient subir certains employés de la part de leur employeur s’ils veulent continuer de cotiser au RRQ après 65 ans pour diverses raisons. Ces employés, peut-être non syndiqués, coûteraient plus cher à un employeur et deviendraient vulnérables.

Hausser la prestation de décès de 2500 $

Bien que cet enjeu ne fasse pas partie du document préparé par Retraite Québec, les organisations ont proposé de hausser la prestation de décès du Régime de rentes du Québec. Ce montant maximal de 2500 $ unique et imposable est versé aux héritiers, à la succession ou à une personne ayant payé les frais funéraires, si la personne décédée avait cotisé suffisamment.

« Instaurée en 1998, cette prestation n’a jamais été augmentée, ni ajustée, ni indexée. Le gouvernent du Québec doit minimalement doubler cette prestation et l’indexer annuellement en fonction de l’indice des prix à la consommation », a estimé la présidente de la FADOQ, Gisèle Tassé-Goodman.

La CNESST, par exemple, verse jusqu’à 6052 $ pour les frais funéraires, et selon les thanatologues du Québec, les coûts moyens s’élevaient à 7500 $ en 2023, a indiqué Paul-René Roy, président de l’Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic.

« La prestation au décès, en passant, c’est extrêmement dispendieux », a indiqué le ministre Eric Girard.

Les consultations publiques se poursuivent ce jeudi.