Caroline Paquet, PDG de Cogeco Média, propriétaire notamment des stations de radio Rythme FM, 98,5 à Montréal et FM93 à Québec, mise sur la valorisation du contenu audio de ses 21 stations au Québec grâce à ses plateformes numériques pour générer de nouveaux revenus et retrouver le volume d’affaires que le groupe affichait avant la pandémie. « Il y a moyen de monétiser davantage ce que l’on produit sur l’ensemble du réseau », estime la PDG.

L’industrie de la radiodiffusion a été particulièrement affectée par la pandémie de COVID-19, alors que les revenus publicitaires du secteur du commerce au détail, de la restauration et de l’automobile, notamment, ont été en forte baisse.

Ce qui représente une belle occasion de repenser le modèle d’affaires de cette industrie plus que centenaire qui doit lutter à armes inégales avec les géants du web.

« On faisait nos émissions de radio comme il y a 15 ans. On produit du contenu original et le lendemain, on recommence. On a décidé de mieux valoriser nos contenus. On est le leader au Québec dans l’hertzien, mais là, on doit trouver des nouveaux modèles de revenus et c’est ce que l’audio numérique nous permet de faire », explique Caroline Paquet, en poste depuis juillet 2021 comme PDG de Cogeco Média.

Après avoir œuvré durant 15 ans dans le giron du groupe Québecor, dont les 11 dernières années chez Vidéotron, où, à titre de vice-présidente, commercialisation et contenu, elle a participé au lancement de la télé sur demande avec le Club illico, Caroline Paquet était mûre pour un nouveau défi.

Je me suis jointe à un fleuron québécois. On est le plus petit des grands joueurs intégrés, mais on peut pérenniser l’industrie de la radiodiffusion en la transformant.

Caroline Paquet

Cogeco Média est présent dans 10 grands marchés au Québec à travers son réseau de 21 stations radiophoniques, soit 7 stations parlées et 14 musicales.

Déjà, l’an dernier, Cogeco Média a procédé à la numérisation de toutes ses stations en région qui opèrent maintenant en temps réel. Le réseau a aussi implanté l’insertion publicitaire dynamique qui permet de vendre de la publicité à un client pour un marché spécifique.

« Admettons qu’on a 30 000 auditeurs de CKOI dans un marché régional comme Sherbrooke qui écoutent la station en numérique. On peut insérer des publicités locales dans la programmation régulière, on valorise nos contenus et on cible des clientèles pour nos annonceurs », explique Caroline Paquet.

Cette nouvelle plateforme publicitaire est opérationnelle depuis septembre dernier dans toutes les stations du groupe Cogeco Média.

« On investit beaucoup dans les nouvelles technologies et on n’a pas fini de le faire. On est maintenant capable de produire des commerciaux dans nos stations régionales. On va maintenant intégrer de l’intelligence artificielle pour distribuer plus rapidement sur nos plateformes du contenu et pour pouvoir retrouver des segments d’entrevues », indique la PDG.

Le potentiel numérique

Caroline Paquet ajoute que l’audio numérique permet à Cogeco Média d’ouvrir ses portes à un nouvel auditoire et, évidemment, à de nouveaux clients annonceurs.

« Le 98,5 est la station la plus écoutée au Canada. On est le leader au Québec. Depuis 10 ans, on accapare plus de 62 % de l’auditoire francophone dans le marché du Grand Montréal. Même notre station anglophone The Beat arrive en tête du classement d’écoute à Montréal pour un 26sondage consécutif. »

On cumule 6 millions d’auditeurs uniques chaque mois via la radio traditionnelle. Avec le numérique, on ajoute 1 million d’auditeurs uniques additionnels. On peut monétiser ces contenus.

Caroline Paquet

De la même façon, les baladodiffusions mises en onde par Cogeco Média cumulent plus de 6 millions d’écoutes annuelles alors que deux balados – La poche bleue et Sortie de zone – arrivent à générer à eux seuls plus de 1 million d’écoutes par année. (NDLR, Sortie de zone est une coproduction de La Presse)

Même si le groupe de radiodiffusion est toujours resté rentable durant le plus fort de la pandémie, ses revenus totaux n’ont pas encore retrouvé leur niveau de 2019.

Ce sont principalement les stations régionales qui n’arrivent pas à reprendre leur allant d’avant la pandémie. Plusieurs annonceurs nationaux ignorent les stations locales dans leur placement média, et les annonceurs régionaux restent prudents.

« On va y arriver. Avec le hertzien, tu vends tes cotes d’écoute du passé. Avec le numérique, tu vends le présent. On a des entrevues exclusives de Paul Arcand qui ont été entendues par plus de 2 millions d’auditeurs via le numérique. On peut générer de nouveaux revenus avec le numérique », renchérit Caroline Paquet.

Si Cogeco Média a réussi à atteindre ses cibles de rentabilité au cours de la dernière année, une menace plane toutefois sur les résultats à venir en raison des modifications que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) souhaite apporter aux contributions des radiodiffuseurs au Fonds des médias du Canada.

« Le CRTC veut augmenter les cotisations des stations de radio régionales, ce qui n’a pas de sens. On est dans des marchés difficiles, et cela deviendrait une embûche sérieuse.

« La radio en région, c’est souvent le seul média qui reste. Au cours des deux dernières années, il y a eu une soixantaine de fermetures de médias locaux. La radio reste le moyen le plus direct et, en ces temps de fake news sur les réseaux sociaux, le plus crédible pour informer la population sur les enjeux locaux », plaide la PDG de Cogeco Média.