Le gouvernement du Québec et les sociétés pharmaceutiques n’arrivent pas à s’entendre sur le prix des médicaments génériques. Les négociations stagnent depuis des mois, et l’Association canadienne du médicament générique (ACMG) demande au ministre de la Santé de revoir ses positions sur la baisse des prix.

En pleine inflation, au moment où les coûts de production explosent, baisser le prix des médicaments génériques est un non-sens, selon l’Association canadienne du médicament. Les prix sont gelés depuis le dernier accord, en 2017, alors que la réalité a changé en cinq ans.

« C’est étonnant que le gouvernement ne reconnaisse pas qu’on est dans une période de forte instabilité inflationniste », affirme en entrevue Christian Ouellet, vice-président aux affaires corporatives chez Sandoz. « Le gouvernement doit être cohérent. D’un côté, il propose une augmentation du prix du vin et de l’électricité tandis que de l’autre, il exige des baisses de prix des médicaments génériques. On vit pourtant les mêmes contraintes. »

Les ententes de confidentialité entre les parties empêchent de révéler le montant exact de cette baisse demandée par le gouvernement.

L’Association a discuté avec les fonctionnaires provinciaux des coûts de la main-d’œuvre, de l’énergie, du transport, des matières premières et de la perturbation dans la chaîne d’approvisionnement, mais rien n’y fait. Les négociations sont en cours depuis le printemps et elles ne progressent pas, explique le président de l’ACMG, Jim Keon.

Des réductions considérables ont déjà été mises en place depuis 10 ans, et les médicaments génériques permettent de faire des économies substantielles au gouvernement.

Jim Keon, président de l’ACMG

Le coût d’une ordonnance moyenne de médicaments génériques a baissé de 23 $ à 20 $ pendant que celle de médicaments d’origine a augmenté de 67 $ à 121 $, indique-t-il. Les médicaments génériques représentent 80 % de toutes les ordonnances au Canada et ne coûtent qu’un cinquième de la facture totale.

Le prix des médicaments génériques est aussi fixe, soulève l’Association, tandis que les détenteurs de médicaments brevetés peuvent faire une demande d’augmentation de prix qui suit l’inflation. Le Conseil d’examen du prix des médicaments brevetés, un organisme indépendant, s’assure que les demandes ne soient pas excessives. Les entreprises de médicaments génériques réclament le même type de système.

Une négociation pancanadienne

C’est l’Alliance pharmaceutique pancanadienne (APP), représentant les gouvernements de toutes les provinces, qui négocie un accord de cinq ans avec l’Association canadienne du médicament générique, soit les fabricants de médicaments. Le but est de fixer le prix des médicaments génériques et leur accès.

L’APP s’inspire des prix établis aux États-Unis, en Australie et en Europe.

D’un côté, les gouvernements veulent obtenir les meilleurs tarifs pour qu’il en coûte le moins cher possible aux contribuables. De l’autre, les sociétés pharmaceutiques affirment qu’une nouvelle baisse de prix comporte des risques comme la pénurie de certains produits et l’incapacité d’introduire de nouveaux produits sur le marché.

« Les baisses de prix n’encouragent pas la production locale », soulève Mike Dutton, vice-président et directeur général de Pharmascience Canada, qui possède deux sites de fabrications à Montréal et à Candiac. « Je ne dis pas qu’on va déplacer tous nos sites de fabrication, mais c’est plus cher de fabriquer au Québec qu’en Chine ou en Inde. »

« Avec la baisse de prix, on doit trouver d’autres moyens d’économiser de l’argent. On va devoir arrêter de produire les produits moins rentables », poursuit-il. Un cercle vicieux, car le consommateur doit se rabattre sur le médicament d’origine, qui coûte plus cher.

Les distributeurs ignorés

L’Association québécoise des distributeurs en pharmacie (AQDP), qui n’est pas à la table de négociation, ne comprend pas pourquoi elle n’a pas été consultée en amont. Car le modèle de rémunération de la distribution des médicaments au Québec est justement basé sur le prix du médicament. « Chercher à faire des économies sans en analyser les impacts, c’est préoccupant », soutient en entrevue Hugues Mousseau, directeur général de l’AQDP.

Hugues Mousseau explique que les distributeurs sont payés 6,5 % du prix du médicament jusqu’à un maximum de 49 $ même quand le médicament coûte 2000 $. « Si le médicament est 10 $, on a 0,65 $ pour le distribuer partout au Québec, que ce soit à Montréal, à Sherbrooke ou aux îles de la Madeleine. Parfois, on le fait à perte dans les régions éloignées, pour moins que le prix d’un timbre. »

L’AQDP déplore aussi que les fabricants des marques Prodoc (Jean Coutu), Sanis (Pharmaprix) et Sivem (McKesson Canada) ne fassent pas partie des travaux alors qu’ils sont des acteurs importants. « Ce sont souvent ces marques-là qui vont réussir à sauver la mise lors d’une pénurie, parce qu’elles ont des disponibilités de produits de 6 à 12 mois. Il n’est pas trop tard pour les consulter. »

L’entente actuelle vient à échéance le 31 mars 2023.