On promettait de redresser la barre en matière de conformité avec l’arrivée d’investisseurs comme la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) chez Celsius Network à l’automne 2021. Rien de tout cela ne s’est produit, selon une plainte civile visant Alex Mashinsky, le fondateur de la cryptobanque insolvable controversée.

La démarche annoncée par la procureure générale de l’État de New York Letitia James jeudi était attendue par de nombreux déposants dont les cryptoactifs sont gelés depuis juin dernier. On reproche à l’entrepreneur d’avoir multiplié les fausses déclarations en plus de tromper ses clients pendant que Celsius Network perdait des centaines de millions de dollars, en 2022, avant sa débâcle.

« Alex Mashinsky faisait la promotion de Celsius comme la solution de rechange aux banques tout en dissimulant qu’elle était engagée dans des stratégies d’investissements risquées, est-il écrit. Il promettait un rendement élevé, un risque minimal et que les cryptoactifs seraient protégés comme de l’argent dans une banque. Ces promesses étaient trompeuses. »

La plainte vise l’homme d’affaires puisqu’il était le « visage » de l’entreprise fondée en 2017 et qu’il a multiplié les apparitions pour promouvoir la cryptobanque – qui a fait perdre 200 millions au bas de laine des Québécois. Elle multiplie les exemples de décisions d’affaires risquées et de déclarations trompeuses.

Prêt à Alameda Research

Un exemple : entre 2020 et 2022, Celsius Network a effectué une série de prêts non garantis pour environ un milliard de dollars à Alameda Research, société de courtage de cryptomonnaies cofondée par Sam Bankman-Fried. Cette ancienne étoile montante des monnaies virtuelles a été inculpée, notamment pour fraude, dans la foulée de la débâcle de la plateforme d’échange de cryptomonnaies FTX et de sa société sœur Alameda. La valeur des prêts consentis à Alameda est désormais pratiquement nulle, allègue la plainte.

La démarche de la procureure générale de New York vise entre autres à empêcher M. Mashinsky de brasser des affaires dans l’État et à lui faire payer des dommages et intérêts.

Le montant réclamé n’est pas précisé. Les allégations n’ont pas encore subi l’épreuve des tribunaux.

Celsius Network mettait en commun des dépôts de cryptomonnaies, comme le bitcoin. Elle offrait des prêts et intérêts, qui pouvaient parfois atteindre 17 %, aux déposants. La dégringolade du cours des cryptomonnaies l’a plongée dans une crise des liquidités, ce qui a ouvert la voie au dépôt du bilan. Néanmoins, dans les deux semaines précédant le gel des retraits pour les déposants, M. Mashinsky exhortait les clients de la cryptobanque à ne pas reprendre leurs billes. Il fallait ignorer la « peur, l’incertitude et le doute », plaidait-il. Celui-ci a démissionné de son poste de chef de la direction en septembre dernier.

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Des vœux sans changements

Lorsque la CDPQ et WestCap – la société d’investissement fondée par l’ex-chef des finances d’Airbnb Laurence Tosi – ont injecté 400 millions US dans Celsius Network, en octobre 2021, la cryptobanque était déjà sous la loupe des autorités américaines. Plusieurs États estimaient que les paiements effectués par Celsius Network et sa propre monnaie virtuelle constituaient une offre de titres non enregistrés.

Au moment de l’investissement, la Caisse faisait miroiter des avancées au chapitre de la conformité au sein de la cryptobanque. Le contenu de la plainte suggère que cela ne s’est pas produit. Dans une entrevue diffusée sur YouTube en 2021, M. Mashinsky affirmait que les gendarmes boursiers des États qui s’étaient penchés sur le cas de Celsius Network n’avaient rien découvert, souligne le document.

Selon la procureure générale de New York, il s’agissait d’un exemple parmi bien d’autres où l’entrepreneur a caché des choses.

« Le Bureau du procureur général n’a jamais offert de “pouce en l’air” [thumb up] ou a indiqué qu’il n’y avait “aucun problème” », affirme-t-elle.

Contrairement à la déclaration du 3 décembre 2021, de nombreux régulateurs enquêtaient activement – et continuent d’enquêter – sur la conduite de Celsius.

Letitia James, procureure générale de New York

Jeudi, la CDPQ n’a pas voulu commenter le contenu de la plainte visant M. Mashinsky. Après avoir admis son erreur en août dernier, le bas de laine des Québécois n’est plus revenu publiquement sur la question. Son processus de vérification au préalable fait toujours l’objet de questions sans réponses. La Caisse tente de récupérer de l’argent advenant la liquidation de certains actifs de Celsius Network.

Le gestionnaire québécois de régimes de retraite n’est pas le seul à avoir vu son incursion dans le secteur des cryptomonnaies se terminer en queue de poisson. En raison de l’effondrement de FTX, le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l’Ontario (Teachers) a radié son investissement de 95 millions US dans la plateforme.

En savoir plus
  • 9 milliards US
    C’était le passif de Celsius Network à la fin novembre. Les dépôts des clients représentent environ la moitié de cette somme.
    source : tribunaux de l’État de New York