Le Québec a une performance enviable sur le plan économique et nous devons en être fiers. Mais qu’en est-il au chapitre de la générosité ? La réalité est que nous sommes en retard au niveau canadien, même si nous sommes généreux quand nous sommes sollicités.

L’enjeu est simplement que nous n’avons pas une culture de sollicitation digne de ce nom ! Une culture de sollicitation repose sur trois piliers, soit d’oser aborder la question de « combien donner ? », d’avoir une réponse convaincante à « pourquoi donner ? » et d’amener des donateurs à devenir solliciteurs.

Parlons d’abord de l’éléphant dans la pièce, le principe de faire des dons alors que les Québécois sont très taxés et croient que c’est le rôle de l’État de couvrir l’ensemble des besoins sociaux.

La réponse se trouve dans les déterminants d’une société responsable. Dans une société responsable, le système économique crée la richesse, le système politique crée la justice et le système social assure la qualité de vie de ses citoyens. Le système social permet aux immigrants d’être mieux accueillis, permet aux jeunes des milieux défavorisés d’être mieux soutenus, permet de briser l’exclusion, l’isolement, permet de garder la violence à distance, bref, permet au plus mal loti d’améliorer son sort.

Ce système est financé à 50 % par l’État par l'entremise des déductions d’impôt sur les dons et est géré par des milliers d’OBNL autonomes à faire rêver tout ministre en quête de décentralisation, de reddition de comptes et de responsabilisation. Certains sceptiques de la nécessité d’un système social fort ont souvent porté un jugement sans savoir ou sans vouloir savoir, et il faut prendre le temps de les informer.

D’autres sceptiques croient à la supériorité du modèle « chacun pour soi » ou « quand on veut, on peut », sans avoir vraiment réfléchi aux quatre chances qu’ils ont possiblement rencontrées dans leur ascension professionnelle.

Dans mon cas, j’ai rencontré les quatre chances, soit la chance de la biologie, la chance d’être né au Québec (vivre dans une démocratie et avoir eu accès à une éducation supérieure sans trop m’endetter), la chance de l’entourage (avoir eu du soutien dans des moments difficiles. Une jeune fille moins chanceuse a déjà dit qu’elle se sentait dans un escalier roulant, mais qui ne faisait que descendre…), et finalement la chance de l’époque (les écarts salariaux entre les différents métiers ont été relativement modestes entre 1930 et 1970 et ne font que s’agrandir depuis… et mon métier fait partie des chanceux).

Les chanceux ont une obligation envers les moins chanceux de la société. Parlons maintenant du « combien donner ? ». Les grandes entreprises du Canada ont réglé cette question en se donnant une définition précise d’une entreprise généreuse, soit de faire des dons à la hauteur de 1 % de ses profits avant impôt. Plusieurs citoyens veulent être généreux, mais ont besoin de critères pour se situer. En 2012, je suis allé à la découverte des citoyens les plus généreux en analysant les rapports de Statistique Canada pour découvrir que ces perles rares font partie du cinquième et dernier quintile de revenus. Les gens de ce groupe qui font des dons y consacrent 2,4 % de leurs revenus.

J’ai donc conclu que toute personne ayant un revenu décent pourrait faire des dons totalisant 3 % de ses revenus et que les plus fortunés pourraient se donner une cible de 5 %. Le meilleur garde-fou pour toute personne voulant être généreuse est de déterminer un pourcentage de ses revenus à consacrer aux dons.

Parlons finalement de l’idée qu’un donateur devienne aussi un solliciteur. Je sais que cela paraît exigeant, mais nous avons besoin de tous pour interpeller les non-donateurs et les non-sollicités. Un mécène m’avait dit un jour : « Tu n’es pas venu me voir parce que j’ai de l’argent, mais parce que tu sais que j’en donne. »

Il est vrai qu’un solliciteur, par souci d’efficacité, va prioriser les gens ayant un bon historique de dons et qu’à la longue, on en vient à cesser de solliciter certaines personnes. Chaque nouveau solliciteur, par l'entremise de son réseau de proximité, peut agrandir le cercle de donateurs et c’est ce qui explique, à mon avis, le meilleur bilan philanthropique au Canada anglais.

À la veille d’une nouvelle année, l’occasion est belle de se donner une résolution de type philanthropique pour 2023.