Si vous êtes amateurs de vin québécois, préparez-vous à payer plus cher vos cuvées 2022, l’année ayant donné des rendements faibles au vignoble, alors que les coûts de production, eux, ont augmenté.

« C’était la tempête parfaite », confirme Éric Blouin, copropriétaire du Clos Sainte-Thècle, en Mauricie.

Les intrants, engrais et pesticides, coûtent plus cher et les salaires de la main-d’œuvre ont été bonifiés. Le vin demande du temps et des efforts pour être élaboré, de la vigne à la bouteille.

Justement, le prix des bouteilles (vides) a aussi augmenté.

Le vigneron de la Mauricie paie cette année autour de 18 $ la caisse de 12 bouteilles bourguignonnes. C’était un peu plus de 10 $ l’année dernière.

« L’Ukraine était un grand fabricant de bouteilles », précise Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes, à Hemmingford, et trésorier du Conseil des vins du Québec.

Si on a des fournisseurs mondiaux qui ne sont plus disponibles à cause des évènements que l’on connaît, ça veut dire que nos bouteilles seront plus chères. Les bouchons sont plus chers aussi, pour des raisons de transport. Tout est plus cher, dont notre coût de financement.

Sébastien Daoust, propriétaire du vignoble Les Bacchantes

Les vignerons étant des entrepreneurs, ils doivent eux aussi composer avec la hausse des taux d’intérêt, entre autres.

Aux Bacchantes, Sébastien Daoust va ralentir ses projets d’investissement l’année prochaine, justement pour ne pas trop augmenter les dépenses.

Le vigneron veut plutôt mettre des efforts pour optimiser les façons de faire, autant dans le champ que dans le chai, afin de gagner en efficacité.

Moins de bouteilles

D’autant que les années en agriculture sont très imprévisibles et 2022 n’a manifestement pas été la meilleure, pour les vignerons d’ici.

Au Clos Sainte-Thècle, on a produit 7000 bouteilles en 2021 et il devrait y en avoir autour de 4000-4500 pour les cuvées de 2022, à part la piquette, qui est un nouveau produit. L’année prochaine, Éric Blouin estime que ses vins vont coûter environ 20 % plus cher.

« La qualité est là, mais pas la quantité », dit-il.

Le Clos Sainte-Thècle a la chance d’être l’un de ces vignobles dont on s’arrache les vins. Toutes ses cuvées 2021 sont épuisées pour la vente directement au vignoble. Il faut avoir de la chance pour en trouver en boutique.

Au Québec, les vins locaux se retrouvent au restaurant, au vignoble, mais aussi dans des boutiques spécialisées qui mettent de l’avant les alcools du terroir, les épiceries généralistes et, de plus en plus, dans les SAQ.

Cette pression sur le prix n’est pas le lot que des plus petits et plus jeunes vignobles du Québec.

« On vit tous les mêmes augmentations, que l’on achète 100 bouteilles ou 100 000 ! », lance Daniel Lalande, propriétaire du Vignoble de la Rivière du Chêne, qui aura 25 ans l’année prochaine.

« Notre bouteille est passée de 0,58 $ avant la COVID à 1,15 $, en moyenne. On produit plus de 400 000 bouteilles, faites le calcul. C’est 200 000 $ [supplémentaires] juste en bouteilles. Je ne compte pas les capsules, je ne compte pas les étiquettes. »

« On va se le dire, la COVID a le dos large. Tout d’un coup, tout coûte plus cher », poursuit M. Lalande

Un marché en développement

Selon Sébastien Daoust, il faut être prudent dans la hausse du prix des vins d’ici.

« J’anticipe un ralentissement économique, explique ce vigneron, fils de banquier. Le vin est considéré comme un produit luxueux, donc il va falloir ajuster les prix en conséquence. On a vécu une pandémie où le dollar discrétionnaire du consommateur allait très rapidement vers le vin et les petits plaisirs de la vie, puisqu’on ne pouvait pas s’offrir les grands plaisirs de voyage. Je pense qu’on va avoir une contrepartie de ça. »

Le prix des vins des Bacchantes a augmenté de 10 % cette année. « Je ne suis pas certain d’augmenter l’année prochaine », dit Sébastien Daoust, qui joue de prudence.

Daniel Lalande a aussi décidé d’absorber en partie la hausse des coûts d’exploitation sur ses marges bénéficiaires. Le prix des vins de ses deux vignobles va avoir une hausse moyenne de 4 %. « C’est minime, dit le vigneron. Bien en bas de ce que l’on aurait dû augmenter. Mais on veut avoir de bons rapports qualité-prix plutôt que des vins trop chers. »

Du côté du détail, la hausse du prix du vin québécois n’est pas simple à gérer non plus.

« On a vraiment bénéficié de l’engouement pour l’achat local et les vins du Québec durant la pandémie », confirme Pascale Rémond, cofondatrice de la boutique Les Minettes, qui a pignon sur rue dans le Vieux-Sainte-Rose. Maintenant, la crédibilité de ces vins est établie et le lien est bien fait avec une partie de la clientèle. Le hic : l’inflation.

Le prix du vin continue à augmenter et maintenant, les gens font beaucoup plus attention, comparé aux deux dernières années. Que ce soit pour le vin ou les autres produits locaux.

Pascale Rémond

Dans le cas des vins, Pascale Rémond explique que les marges de profit sont déjà minces pour les produits de petits vignobles.

Les augmentations de prix, dans le contexte actuel, paraissent. Aussi petites soient-elles.

« Les clients achètent moins, concède Pascale Rémond. C’était très fréquent de voir des clients sortir avec des caisses de douze. Maintenant, ils sont plus sélectifs. »

À la SAQ aussi, les clients sont sélectifs, selon Sébastien Daoust. Et le prix peut être déterminant.

« Les vins du Québec représentent entre 1 % et 1,5 % de la consommation de vin au Québec, rappelle l’entrepreneur. Et le prochain 1 % [à aller chercher] est plus sensible au prix, plus sensible à la disponibilité. Il va passer par une SAQ pour aller chercher son vin, pas nécessairement par une boutique spécialisée, et il faut le prendre en considération dans un plan de croissance. »

En savoir plus
  • 35 %
    Les vins du Québec sont surtout vendus en épicerie (35 %), puis à la SAQ (30 %), au vignoble (27 %) et finalement au restaurant (6 %).
    SOURCE : Conseil des vins du Québec
    2,4 %
    La SAQ a augmenté de 2,4 %, en moyenne, le prix de 1458 produits (toutes origines confondues) au début du mois.
    SOURCE : SAQ