Les problèmes informatiques survenus vendredi dernier chez Empire, qui gère les supermarchés IGA, causent des maux de tête à certains fournisseurs. Leurs produits s’accumulent dans les entrepôts de l’entreprise au lieu d’atterrir dans les congélateurs ou sur les tablettes. Ils peinent également à se faire payer.

Dans les circonstances, IGA aurait demandé à certains d’entre eux de livrer directement leurs produits dans les supermarchés, s’ils en avaient la capacité. Dans les cas où l’entrepôt est incapable d’approvisionner les épiceries, il est normal de demander aux fournisseurs qui le peuvent de livrer directement leur marchandise dans les magasins, selon Pascal Leduc, président de Leduc Stratégie et Conseil en gestion commerciale. Ce nouveau modus operandi est toutefois difficile à mettre en place pour des manufacturiers habitués à expédier leurs produits à l’entrepôt, souligne-t-il.

« Pour ceux qui sont en livraison directe, on retourne temporairement à la belle époque des courriels et des appels pour remplir les commandes et planifier les livraisons. De se retourner sur un dix sous et de revenir à la méthode des années 80, ça ne se fait pas en criant ciseau, mentionne-t-il. Et le problème informatique dépasse fort probablement le secteur de l’approvisionnement, pensons aux fonctions financières comme la paie, par exemple. »

Au moment où ces lignes étaient écrites, la société ne s’était toujours pas prononcée sur la véracité de la thèse de l’attaque informatique au rançongiciel qui circule depuis plusieurs jours. Aucun communiqué de presse n’a été publié depuis lundi.

Toutefois, la Commission d’accès à l’information a confirmé par courriel à La Presse avoir reçu une déclaration d’incident de confidentialité de la part de l’entreprise. Depuis le 22 septembre, en vertu de la loi 25, les entreprises ont l’obligation d’aviser la Commission « en cas d’incident de confidentialité impliquant un renseignement personnel ». « Un incident de confidentialité peut donc se produire notamment lorsqu’un membre du personnel consulte un renseignement personnel sans autorisation, [lorsqu’]un membre du personnel communique des renseignements personnels au mauvais destinataire ou [dans des cas où] l’organisation est victime d’une cyberattaque : hameçonnage, rançongiciel », a écrit Emmanuelle Giraud, conseillère en communication de la Commission.

Incertitude

Pendant ce temps, les problèmes d’approvisionnement en magasin créent un climat d’incertitude pour certains fournisseurs. « On n’a pas de commande, pas de paiement, on ne sait pas ce qui se passe ni combien de temps ça va prendre », lance sans détour Nathan Kaiser, copropriétaire de la Laiterie Chagnon, située à Waterloo. M. Kaiser est d’autant plus inquiet que son entreprise vend son beurre, son yogourt et sa crème glacée en exclusivité chez IGA.

Si on n’a pas de commande de leur part, on ne peut pas produire grand-chose. Ce sont nos partenaires d’affaires, on n’en veut à personne.

Nathan Kaiser, copropriétaire de la Laiterie Chagnon

Du côté de St-Hubert, dont les sauces, croquettes de poulet, pâtés et autres salades de chou sont vendus en épicerie, les livraisons se font, « mais les palettes restent prises à l’entrepôt » d’IGA, mentionne Josée Vaillancourt, directrice des communications de St-Hubert.

« Dans certaines catégories de produits frais, on commence à ralentir l’approvisionnement afin d’éviter qu’il y ait des pertes si les produits ne sont pas distribués rapidement », souligne-t-elle.

« Il y a un de mes collègues dans l’industrie qui me disait que c’était comme s’il y avait une grève à l’entrepôt, mais c’est pire qu’une grève parce qu’on ne peut pas envoyer les gestionnaires en renfort pour aider à l’expédition des commandes », ajoute pour sa part Pascal Leduc.

Commandes en ligne

En plus de devoir composer avec l’absence de certains produits dans les allées et les réfrigérateurs, les consommateurs qui magasinent normalement sur IGA.net ne peuvent plus y faire leurs emplettes. « L’épicerie en ligne est présentement hors service. Veuillez nous excuser pour les inconvénients occasionnés », peut-on lire sur le site internet de l’enseigne. Par contre, les consommateurs habitant dans les régions où le service Voilà par IGA est offerte peuvent continuer à faire leurs achats en ligne.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Les produits des fournisseur de IGA s’accumulent dans les entrepôts de l’entreprise et il est impossible pour les client de passer des commandes en passant par le site Internet.

L’enseigne prévient également les consommateurs que « certains prix affichés » sur son site peuvent être « inexacts ou erronés ». « Veuillez consulter notre circulaire pour connaître les prix promotionnels exacts », indique-t-on.

À noter que les problèmes informatiques ne touchent pas seulement IGA, Rachelle Béry, Les Marchés Tradition et Marché Bonichoix, les enseignes d’Empire au Québec, mais également l’ensemble des supermarchés et des pharmacies détenus par la société à travers le pays comme Thrifty Foods, FreshCo, Sobeys, Needs, Safeway et Lawtons Drugs. « À l’heure actuelle, nous nous concentrons sur la résolution de ce problème et nous fournirons d’autres mises à jour au fur et à mesure que des informations pertinentes seront disponibles », déclarait Pierre St-Laurent, chef de l’exploitation d’Empire, dans un communiqué de presse diffusé lundi. Il a été impossible d’en savoir davantage sur l’évolution de la situation. Les marchands contactés par La Presse ont tous refusé de parler, nous invitant à contacter le siège social.

« Je suis certain que Sobeys travaille à une résolution de crise pour la semaine prochaine, soutient Pascal Leduc. Si ça avait à perdurer plus longtemps que ça, ça pourrait devenir problématique. Il est trop tôt pour dire qu’on se retrouve dans une ambiance soviétique dans les magasins IGA. »