L’augmentation des taux d’intérêt inspire certaines personnes, plus ou moins malintentionnées, à falsifier leurs documents lorsqu’ils font des demandes de prêt hypothécaire. Mauvaise idée, car ce phénomène, en hausse, est une fraude réelle.

« Le marché du logement s’est refroidi à la suite de la hausse des taux d’intérêt et il devient de plus en plus difficile d’être admissible à un prêt hypothécaire, ce qui peut inciter certaines personnes à présenter des renseignements financiers inexacts », estime Carl Davies, chef, fraude et identité, chez Equifax Canada. L’agence de notation de crédit dévoilait mardi un rapport où l’on aborde la fraude hypothécaire.

La bonne nouvelle : il y a eu une diminution de la fraude hypothécaire en 2022 – une baisse de 13 % durant la période observée par rapport à l’année dernière –, où l’on avait atteint des sommets. Selon Equifax, au plus fort de la flambée du prix des maisons, lorsque de potentiels acheteurs faisaient la course pour obtenir rapidement un prêt, la tentation était encore plus grande de falsifier les informations personnelles.

La mauvaise nouvelle : ces taux de fraude plus bas restent néanmoins au-delà de ce qui était observé en 2019, avant la pandémie, et de beaucoup – pratiquement 30 % plus élevés.

Qu’est-ce que la fraude hypothécaire ?

Il y a plusieurs types de fraude hypothécaire, notamment s’il y a utilisation de prête-noms.

Lorsqu’une personne demande un prêt et falsifie des informations, que ça soit à propos de ses revenus ou d’autres données financières, il s’agit aussi d’un crime.

« C’est un phénomène bien connu. Les gens qui n’ont pas les moyens de s’acheter des maisons vont trafiquer leurs avis de cotisation », explique Sylvain Paquette, qui a fondé l'Académie de formation et de prévention de la fraude et qui donne des formations pour que les personnes qui doivent faire des vérifications puissent reconnaître les fausses déclarations.

Dans son rapport, Equifax demande aussi aux prêteurs de redoubler de vigilance, puisque le contexte pourrait favoriser une hausse de tous les types de fraude en cette fin de 2022.

« La détection de ce genre de fraude peut être effectuée à différents niveaux dans le cadre du processus d’octroi hypothécaire, explique Chantal Corbeil, porte-parole du Mouvement Desjardins. Certains cas sont détectés par le réseau des Caisses et d’autres par les assureurs (SCHL). »

Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les documents trafiqués ne sont pas évidents à reconnaître. Quiconque s’est tourné vers des ressources efficaces pour les produire parvient à bâtir un dossier crédible, dit Sylvain Paquette, qui décourage néanmoins ceux et celles qui pourraient être tentés par le larron. Selon lui, les gens sont naïfs et croient que le fait de trafiquer un dossier est plutôt inoffensif.

Le Code criminel le dit clairement, c’est de la fraude. Les gens ne sont pas conscients de ça.

Sylvain Paquette, fondateur de l'Académie de formation et de prévention de la fraude

Si les institutions financières portent peu plainte dans ces cas, elles refusent des dossiers douteux ou contenant de fausses déclarations. Les faussaires sont donc perdants sur toute la ligne, affirme Sylvain Paquette.

Chez Desjardins, quelqu’un qui donne intentionnellement des informations falsifiées pourrait être exclu de la clientèle, précise Chantal Corbeil.

Tomber dans le piège

Le professeur Philippe D’Astous, du département de finances de HEC Montréal, envisage très bien que des consommateurs puissent vouloir embellir leur situation auprès d’une institution lorsque les conditions de financement se resserrent, mais assure également qu’une fausse déclaration est une fausse bonne idée.

Car si la fraude n’était pas décelée et que le prêt était accordé, inévitablement, l’emprunteur devrait rembourser avec les taux d’intérêt courants.

« Avec l’inflation en plus, c’est un très mauvais cocktail pour les gens qui seraient tentés de faire ça, dit Philippe D’Astous. Ils se retrouveraient avec des paiements hypothécaires élevés pour une maison qui, en plus, perdrait de la valeur. »

Ce qui pourrait mener à une dette difficile à acquitter.

« Il s’agit d’une pente glissante puisque les acheteurs de propriétés qui présentent de faux renseignements financiers se retrouvent potentiellement avec des dettes qu’ils ne peuvent pas gérer, en plus d’avoir enfreint la loi en commettant une fraude hypothécaire », affirme aussi Carl Davies dans le communiqué publié mardi par Equifax.