Il existe une solution moins coûteuse et moins polluante que l’entente sur la biénergie conclue entre Hydro-Québec et Énergir pour gérer la demande de pointe en hiver, et cette solution est bien connue des deux entreprises : une thermopompe et un accumulateur de chaleur.

Cet équipement permet de réduire de 17 % en moyenne les coûts de chauffage d’une maison moyenne comparativement à la biénergie électricité-gaz naturel, conclut une étude très détaillée réalisée par Écohabitation à la demande de plusieurs groupes sociaux et environnementaux, dont Équiterre, Nature Québec, Greenpeace et le Regroupement des organismes environnementaux en énergie (ROEE).

Ces groupes s’opposent à l’entente conclue par Hydro-Québec et Énergir qui fait en sorte que les clients d’Hydro-Québec subventionneront ceux d’Énergir qui remplaceront leur système de chauffage au gaz naturel par un système biénergie électricité-gaz naturel.

Cette entente coûtera 2,4 milliards d’ici 2050, une somme qui prendra la forme de tarifs d’électricité plus élevés pour les clients d’Hydro-Québec. Avec la bénédiction du gouvernement du Québec. Et la Régie de l’énergie a approuvé cette entente. La décision a été portée en appel.

Lisez l’article « Entente avec Énergir : la facture atteindrait 2,4 milliards pour Hydro-Québec »

Les analystes d’Écohabitation ont comparé les coûts de chauffage à la biénergie électricité-gaz naturel de trois types de maisons les plus courantes (1700 pi⁠2) avec ceux d’un système de chauffage entièrement électrique avec une thermopompe et un accumulateur de chaleur.

Les accumulateurs de chaleur sont des briques réfractaires couplées à un système de chauffage central qui accumulent la chaleur et peuvent prendre le relais pendant les périodes de pointe du matin et du soir, quand le réseau électrique est très sollicité. Il s’agit d’une technologie ancienne et éprouvée, dont l’installation est même subventionnée par Hydro-Québec à hauteur de 10 000 $. Avec l’aide financière existante, le coût d’un tel système est équivalent à celui du système biénergie.

La combinaison thermopompe-accumulateur de chaleur permet de chauffer une maison à moindre coût, soit jusqu’à 32 % de moins que le système biénergie électricité-gaz naturel qu’Hydro-Québec et Énergir veulent promouvoir pour remplacer les systèmes de chauffage au gaz seulement. Elle n’émet pas de gaz à effet de serre et répond aux objectifs d’Hydro-Québec de réduire la demande pendant les périodes de froid intense.

Énergir et Hydro-Québec ont plaidé que leur entente est la façon la moins coûteuse de réduire les émissions de gaz à effet de serre associées à la consommation de gaz naturel.

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Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec

C’est ce qu’on pouvait faire de mieux pour gérer la demande de pointe. Si on avait pu faire ça à moindre coût, on l’aurait fait.

Sophie Brochu, PDG d’Hydro-Québec

L’analyse d’Écohabitation démontre que la biénergie électricité-gaz naturel coûte plus cher que la solution thermopompe-accumulateur de chaleur, au prix du gaz naturel en 2021. Si le prix du gaz naturel devait continuer d’augmenter, la solution d’Hydro-Québec et d’Énergir deviendrait donc comparativement encore plus coûteuse, en plus d’être plus polluante.

« Les compensations de plusieurs milliards versées au distributeur de gaz seraient mieux investies dans un programme de conversion des systèmes au gaz vers des systèmes tout à l’électricité avec thermopompes et accumulateurs thermiques », conclut l’étude.

Interrogée sur les conclusions de l’étude, Hydro-Québec a répondu que les deux solutions ne s’opposent pas. « On a besoin des deux pour réduire à la fois la demande de pointe et les émissions du chauffage au gaz naturel », commente son porte-parole Maxence Huard-Levebvre. Au sujet de coûts plus élevés de la solution biénergie retenue par Hydro-Québec et Énergir, la société ne veut pas faire de commentaires avant de connaître tous les paramètres de l’étude.

« Ce qu’il en coûtera en chauffage pour un ménage dépend de multiples facteurs. Nous pourrons réagir de manière plus complète à l’étude d’Écohabitation lorsqu’elle nous sera partagée. »

Sauver Énergir

« L’argument principal d’Hydro-Québec selon lequel il n’y a pas d’alternative ne tient clairement plus la route », selon la section québécoise du Syndicat canadien de la fonction publique, un des commanditaires de l’étude. « Si le but réel est de décarboner tout en prenant soin de la gestion de pointe, il y a une meilleure solution. »

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Les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre au Québec sont un frein à la vitalité d’Énergir.

L’analyste du Regroupement des organismes environnementaux en énergie, qui est aussi au nombre des commanditaires, croit que l’entente conclue entre Hydro-Québec et Énergir a un autre objectif, celui de sauver Énergir de la faillite.

Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du Québec, il faudrait éliminer le chauffage au gaz naturel comme on l’a fait avec le mazout, ce qui signifierait la fin pour Énergir, explique Jean-Pierre Finet.

Énergir n’a plus la cote auprès des investisseurs. L’entreprise a perdu récemment des actionnaires importants, soit la société Enbridge et deux fonds de retraite, qui ont vendu leurs participations à la Caisse de dépôt et placement. Le distributeur gazier n’a plus que deux actionnaires : la Caisse de dépôt (80,9 %) et le Fonds de solidarité FTQ (19,1 %).

Selon Jean-Pierre Finet, la décision de racheter la part d’Enbridge dans Énergir est une des pires décisions d’investissement de la Caisse de dépôt.

Consultez le rapport d’Écohabitation

Rectificatif
Une version antérieure de ce texte indiquait que le coût de chauffage d’une maison moyenne à la biénergie électricité-gaz naturel était 32 % supérieur à celui d’un système couplant une thermopompe et des accumulateurs de chaleur. Les auteurs de l’étude ont revisé leurs calculs et affirment que le surcoût est plutôt de 17 % pour une maison certifiée Novoclimat et de 5,5 % à 8 % pour un client existant d’Énergir.