Si elles se concrétisent, les visées de l’aéroport Montréal–Saint-Hubert créeront une « situation intenable » qui ne rendra service « à personne », plaide Aéroports de Montréal (ADM), qui doute de l’opportunité du plan d’affaires envisagé par les gestionnaires du site situé en banlieue sud de la métropole.

L’exploitant de l’aéroport Montréal-Trudeau était jusqu’ici demeuré discret dans ce dossier. Un résumé du fond de sa pensée figure dans un volumineux rapport émanant d’une consultation publique menée au printemps dernier par le député bloquiste de Longueuil–Saint-Hubert, Denis Trudel, sur le développement de l’aéroport de Saint-Hubert.

« Permettre une plus grande dilution, c’est risquer de recréer l’histoire de Dorval et de Mirabel qui a mené Montréal à sa marginalisation comme destination ; elle, la capitale mondiale de l’aviation civile », peut-on lire dans le document ainsi que dans le mémoire déposé plus tôt cette année par ADM, que La Presse a pu consulter.

Les ambitions de Développement de l’aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L), l’organisme à but non lucratif exploitant et propriétaire de l’aéroport, soulèvent entre autres des préoccupations sur les répercussions potentielles sur le bruit pour le voisinage.

Le site souhaite asseoir son développement en attirant des compagnies aériennes à bas coût comme Flair et Swoop afin d’offrir des vols régionaux, nationaux et vers les destinations soleil.

Pour que ce scénario se concrétise, Transports Canada doit accepter de modifier un vieux règlement. Le bail d’ADM lui confère une clause d’exclusivité pour les vols internationaux. Le gestionnaire de Montréal-Trudeau et de Mirabel n’a pas envie que les choses changent, surtout après deux années où le trafic passager a été perturbé par la pandémie. En 2019, Montréal-Trudeau avait accueilli 20 millions de passagers. Il faudra attendre 2024 pour tourner définitivement la page sur la crise sanitaire, selon ADM.

Utile quand même

En désaccord avec la stratégie de développement, ADM reconnaît que l’aéroport de Saint-Hubert peut « jouer un rôle dans le réseau aéroportuaire québécois ». Il devrait cependant se limiter à l’aviation régionale, au transport privé et aux écoles de pilotage. En matière de vols internationaux, il n’y a pas de place pour un acteur qui viendrait s’ajouter à Montréal-Trudeau et à l’aéroport Jean-Lesage (Québec).

Y aura-t-il un moment où il y aura suffisamment de demandes pour un autre aéroport pour desservir le Grand Montréal ? Pas dans un avenir prévisible, écrit ADM. Un changement de vocation de Saint-Hubert l’amènerait à empiéter sur le rôle de [Montréal-Trudeau] plutôt que de contribuer à son plein potentiel dans son rôle actuel de l’écosystème aérospatial.

De plus, ajoute ADM, à l’exception de Flair Airlines, présente à Montréal-Trudeau, les autres transporteurs à bas coût comme Swoop, Lynx et Canada Jetlines sont absents du Québec. « Éventuellement », Saint-Hubert pourrait jouer un rôle, mais seulement dans le marché intérieur, croit ADM.

Invité à répliquer à l’analyse d’ADM, le directeur des communications de l’aéroport de Saint-Hubert, Bernard Gervais, n’a pas voulu faire de commentaires. DASH-L n’a d’ailleurs pas participé aux consultations publiques et est en train d’analyser le contenu du rapport.

Le député bloquiste de Longueuil–Saint-Hubert avait déjà manifesté son opposition à la concrétisation des ambitions de l’aéroport. Les conclusions du rapport invitent DASH-L à « revoir son modèle d’affaires » en tenant compte des « préoccupations mentionnées » dans le document.

Des points d’interrogation

Il n’y a pas que l’exploitant de Montréal-Trudeau qui s’interroge sur la vision des responsables de l’aéroport de Saint-Hubert. Utilisateur depuis environ deux décennies, Pascan Aviation s’étonne du manque de détails sur la stratégie des gestionnaires de l’endroit.

Pascan dit avoir pris connaissance d’un plan de développement de « 100 millions en infrastructures aéroportuaires » en novembre 2021. Le transporteur aérien québécois se dit favorable à « tout projet structurant », mais trouve que les points d’interrogation sont nombreux.

Nous avons été étonnés que cette présentation soit aussi mince et aussi peu étoffée et que le plan d’affaires ne se résume qu’à attirer des transporteurs à bas coût pour opérer des vols interprovinciaux et transfrontaliers.

Extrait du mémoire déposé par la compagnie aérienne régionale Pascan Aviation

L’entreprise demande que le développement s’effectue « en toute transparence » avec les utilisateurs. Ces remarques se retrouvent également dans le rapport des responsables de la consultation publique.

La Ville de Longueuil n’a pas commenté. Elle attend le rapport de son Office de participation publique, qui se penche également sur le dossier de l’aéroport de Saint-Hubert, dans les prochaines semaines.

En savoir plus
  • 2004
    Année où Transports Canada a transféré les actifs de l’aéroport de Saint-Hubert à DASH-L
    Source : TRANSPORTS CANADA