(Ottawa ) La chaîne d’approvisionnement des transports au pays a été tellement malmenée depuis deux ans par la pandémie de COVID-19, des désastres naturels causés par les changements climatiques et la guerre en Ukraine qu’elle approche de son point de rupture.

Un important redressement s’impose de la part de tous les acteurs – le gouvernement fédéral, les provinces et les entreprises du secteur privé – pour éviter que la réputation du Canada comme partenaire commercial fiable soit encore plus ternie auprès des investisseurs, des clients et des pays comme les États-Unis.

C’est le constat brutal que fait le groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement qui a remis son rapport final au ministre des Transports Omar Alghabra jeudi. Ce groupe, qui a été mis sur pied en janvier, propose un train de mesures qui doivent être mises en œuvre rapidement pour que la chaîne d’approvisionnement « puisse résister aux chocs et s’adapter aux fluctuations de la demande et de la dynamique du commerce international ».

Pour les membres de ce groupe de travail, coprésidé par Jean Gattuso, l’ancien PDG des Industries Lassonde, et Louise Yako, ancien PDG de la BC Trucking Association, il en va de la prospérité du pays. D’autant que les perturbations surviennent au moment où les ressources naturelles du Canada, notamment les minéraux critiques, sont en forte demande à l’échelle mondiale.

La chaîne d’approvisionnement des transports du Canada est une pierre angulaire de notre économie qui a une incidence directe et indirecte sur notre prospérité et notre qualité de vie.

Le groupe de travail national sur la chaîne d’approvisionnement

« Le niveau de vie du Canada est directement lié à notre succès en matière de commerce international et, par conséquent, au rendement de notre système de transport. »

Les secteurs public et privé devront d’ailleurs effectuer des investissements colossaux dans les actifs de transport maritime, routier, ferroviaire et aérien d’ici 2070. Selon une étude menée par Deloitte pour le groupe du travail, les investissements requis au cours des 50 prochaines années devront friser les 4400 milliards de dollars, soit l’équivalent de 88 milliards par année.

Mesures immédiates

Dans l’immédiat, des mesures peuvent être mises en œuvre pour consolider la chaîne. Entre autres choses, Ottawa doit prendre les moyens pour réduire la congestion des conteneurs dans les ports, quitte à subventionner le coût de leur transport jusqu’à ce que les terminaux de conteneurs puissent reprendre leurs activités normales.

La congestion actuelle, qui pourrait entraîner des fermetures, s’explique par le volume très élevé de conteneurs d’importation dans les ports canadiens qui n’ont pas l’espace d’entreposage suffisant. Le groupe recommande aussi d’étendre la distance d’interconnexion de 30 km à l’échelle du pays afin de donner aux expéditeurs plus d’options ferroviaires.

La pénurie de main-d’œuvre frappe aussi ce secteur de l’économie. La solution repose en partie sur l’immigration. Ottawa devrait ainsi accélérer le traitement des demandes de statut de réfugié et d’immigration des personnes ayant de l’expérience dans les entreprises liées à la chaîne d’approvisionnement.

Le secteur des transports souffre d’une grave pénurie de main-d’œuvre, surtout dans les secteurs ferroviaire et routier.

Extrait du rapport

Un nombre record de 25 560 postes de conducteurs de camion étaient vacants entre janvier et mars 2022, selon le Trucking HR Canada.

Le groupe recommande aussi de numériser la chaîne d’approvisionnement de sorte qu’un client puisse savoir à tout moment où se trouve la marchandise. Le Canada accuse un retard dans l’utilisation de la technologie pour améliorer le transport des marchandises. « Il est urgent de mettre l’accent sur la numérisation pour être concurrentiel à l’échelle internationale et devenir un chef de file mondial ».

De son côté, le gouvernement fédéral devrait créer et financer un Bureau de la chaîne d’approvisionnement qui veillerait à surveiller les progrès réalisés dans la mise en œuvre des changements nécessaires.

On recommande aussi de terminer le plus rapidement possible l’élargissement à quatre voies de la route 185 reliant les provinces de Québec et du Nouveau-Brunswick. Le projet est en cours, mais sa réalisation permettra de créer un lien entre deux parties de la route qui sont ouvertes aux longs véhicules combinés.

Dans une entrevue accordée à La Presse, le ministre des Transports Omar Alghabra a affirmé que ce dossier était la priorité absolue des prochains mois. Il a indiqué qu’il déposerait notamment cet automne un projet de loi pour moderniser la gouvernance des ports au pays et mettra l’accent sur la numérisation de la chaîne d’approvisionnement à brève échéance.