Bonne nouvelle pour les Québécois, leur santé financière serait meilleure que celle des autres Canadiens, conclut l’indice d’accessibilité financière de BDO publié jeudi. Alors que l’ambiance socioéconomique n’est pas à son plus haut point de joie ces temps-ci, comment est-on arrivé à ce constat ? Réponses en trois points clés.

L’ensemble des données montre une détérioration des finances personnelles

D’abord, il ne faut pas porter de lunettes roses : « l’accessibilité et la santé financières des Canadiens n’ont jamais été aussi mauvaises depuis le début de l’indice », annonce au départ le cabinet de service-conseil BDO, qui livrait jeudi son cinquième indice d’accessibilité financière. C’est la deuxième année que le constat est sombre : l’année dernière, on mesurait l’impact de la pandémie, explique Ronald Gagnon, syndic autorisé en insolvabilité chez BDO Montréal. Cette fois, c’est vraiment l’inflation qui plombe le moral des Canadiens et qui n’oublie personne.

L’épargne est donc plus ardue et, pour l’ensemble du pays, 42 % des participants au sondage affirment que leur dette est « devenue écrasante », près du double des niveaux observés en 2021.

Au Québec, pratiquement les trois quarts (74 %) des participants avouent que l’inflation a détérioré l’état de leurs finances personnelles.

Les Québécois résisteraient mieux dans ce contexte inflationniste que les autres Canadiens puisque l’augmentation de certaines dépenses, comme l’épicerie, le transport et le loyer, réduirait moins leur capacité d’épargne qu’ailleurs au pays. Dans les provinces atlantiques, neuf personnes sur dix indiquent que ces dépenses courantes sont le frein principal à l’épargne.

« Le coût des besoins de base est plus bas au Québec », nuance Ronald Gagnon, pour expliquer cet écart. Le panier d’épicerie a augmenté, oui, mais il demeure moins cher au Québec qu’ailleurs au pays.

La cuisine sauve les Québécois !

La marge entre les Québécois et la moyenne nationale s’accroît au supermarché : oui, les Québécois sont soucieux d’arriver à bien nourrir leur famille avec la flambée du coût des aliments, mais ils sont nettement moins inquiets que les résidants des autres provinces.

Alors que plus d’un Canadien sur trois (35 %) dit qu’il est maintenant difficile de se nourrir et de nourrir la famille, la moyenne québécoise est de 28 %.

Pourquoi ?

L’économiste et agronome Pascal Thériault croit que notre comportement alimentaire diffère parfois de celui des autres Canadiens.

Les dépenses alimentaires totales des ménages sont plus élevées au Canada, à 10 311 $ par année. Au Québec, on est à 9847 $ (selon les dernières données de Statistique Canada).

Pascal Thériault, économiste et agronome

Une bonne partie de l’explication vient des aliments achetés au restaurant, pour consommation sur place ou à l’extérieur. La hausse des prix au restaurant affecte inévitablement moins les Québécois qui les fréquentent moins, conclut Pascal Thériault, directeur du programme de gestion et technologies d’entreprise agricole à l’Université McGill.

Autre donnée intéressante : si la proportion de nourriture achetée au restaurant est moins importante, en moyenne, au Québec, on cuisine donc davantage. Et qui dit cuisine dit meilleur potentiel de contrôle, explique le professeur Thériault.

Le syndic Ronald Gagnon croit que l’on doit désormais faire preuve de souplesse à l’épicerie. « Avant, on conseillait de faire une liste et de s’y tenir. On écrivait « flétan », on achetait du flétan, dit-il. Maintenant, c’est peut-être mieux d’inscrire « poisson » et de choisir ce qui est [à prix réduit]. »

Reste que cuisine ou pas, la possibilité d’épargner est sous pression au Québec, comme dans l’ensemble du pays. Cette hausse des prix des produits essentiels vient compresser le budget.

L’idée d’épargner n’est néanmoins pas morte et ceux qui réussissent à le faire ou envisagent de le faire ont trois principaux objectifs : créer un fonds d’urgence, épargner pour la retraite, épargner pour un projet spécial.

L’accès à la propriété devient-il un mirage ?

Déjà que Statistique Canada nous apprenait la semaine dernière que le taux de propriété recule au pays, et particulièrement au Québec, ce nouvel indice d’accessibilité financière vient lui aussi mettre en lumière un phénomène déjà largement documenté : le rêve d’acheter un jour une propriété semble désormais inaccessible pour beaucoup. Au Québec, 73 % des non-propriétaires estiment qu’il est peu probable qu’ils puissent posséder une maison au cours des trois prochaines années. Pratiquement une personne sur deux (46 %) n’arrive pas à mettre de côté la mise de fonds nécessaire à l’achat d’une propriété.

« C’est certain que la mise de fonds est plus élevée, rappelle Ronald Gagnon, parce que le prix des propriétés est plus élevé. […] En contexte inflationniste, le rêve immobilier est certainement moins accessible. »

Les données analysées pour construire cet indice ont été recueillies en ligne via un sondage mené par le groupe Angus Reid auprès de plus de 2000 Canadiens.