(Ottawa) Le régime russe a bombardé des infrastructures aéroportuaires en Ukraine, fait main basse sur des avions de ligne appartenant à des loueurs étrangers et pulvérisé le plus gros avion-cargo au monde, l’Antonov AN-225, qui avait servi au transport de tonnes d’équipement de protection contre la COVID-19.

Pour ces raisons et d’autres encore, les membres de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) qui sont réunis en sommet à Montréal ces jours-ci doivent refuser à Moscou le nouveau mandat qu’il sollicite au Conseil de l’agence onusienne, plaide le gouvernement ukrainien.

« On ne peut avoir comme membre de l’organe décisionnel de l’OACI une nation qui élabore des politiques contrevenant à la convention internationale », résume dans un entretien Danylo Davydov, responsable de la division de la coopération internationale au sein de l’Administration nationale de l’aviation d’Ukraine.

Dans ses valises, il a apporté un modèle réduit de l’Antonov AN-225, ce mastodonte qui s’était posé à l’aéroport de Mirabel avec dans ses entrailles de l’équipement de protection individuelle, en mai 2020.

Le Kremlin l’a pris pour cible dès les premiers jours de l’invasion ; il a été détruit par des tirs de l’armée russe à la fin de février 2022.

« C’est un élément majeur de notre stratégie. C’était un aéronef unique qui a été utile pour plusieurs pays pendant la pandémie. Il faut que les générations futures sachent ce qui est arrivé à cet avion, et que les actions ont des conséquences », note le responsable débarqué de Kyiv dans la nuit de lundi à mardi.

L’ambassadrice d’Ukraine à Ottawa, Yulia Kovaliv, s’adressera jeudi aux participants du sommet dans l’espoir de persuader un maximum des 193 pays membres qui éliront les 36 membres du Conseil à compter du 1er octobre prochain que la Russie n’a pas sa place à la table.

Ottawa ne votera pas pour Moscou

Elle n’aura pas à remuer ciel et terre pour en convaincre le gouvernement Trudeau.

« Le Canada n’appuiera pas la Russie », a tranché dans un courriel le cabinet du ministre des Transports, Omar Alghabra, au sujet de ce vote qui, selon les règles, est secret.

Et « comme toutes les réunions de l’ONU, le Canada profitera de toutes les occasions pour contrer les tentatives du régime russe de justifier son invasion » de l’Ukraine, « y compris sa violation de la Convention de Chicago sur l’aviation », a-t-on ajouté.

Les partis de l’opposition logent tous à la même enseigne.

Car « tout pays qui enfreint les règles comme l’a fait la Russie ne mérite pas de siéger à un organisme de gouvernance internationale », signale le conservateur Michael Chong. Par conséquent, le gouvernement devrait « tout mettre en œuvre afin de bloquer cet éventuel renouvellement du mandat russe », renchérit le bloquiste Stéphane Bergeron.

Du côté de l’OACI, on s’en remet à la volonté des États membres.

L’administrateur des communications, William Raillant-Clark, a tenu à souligner « la neutralité » dont doivent faire preuve les effectifs du Secrétariat. Il a tout de même indiqué que le Conseil avait « entendu certaines plaintes relatives à la Fédération russe » au cours des derniers mois.

Délinquances russes

La première condamnation du Conseil a été formulée le 25 février dernier, au lendemain de l’invasion, et elle concerne la violation de l’intégrité territoriale et de l’espace aérien de l’Ukraine.

Dans le deuxième cas, le 28 juin dernier, l’organe décisionnel de l’OACI a émis des préoccupations quant à la double immatriculation d’aéronefs – Moscou est accusé d’avoir « volé » des avions de ligne loués à l’étranger pour les réimmatriculer en Russie.

Il s’agit là de violations à la Convention relative à l’aviation civile internationale, aussi appelée Convention de Chicago.

« Il y a un volet politique évident à notre démarche, mais il y a surtout l’aspect juridique : la Russie a violé des articles fondamentaux de la Convention », martèle Danylo Davydov à l’autre bout du Zoom.

Le premier article du document ?

« Les États contractants reconnaissent que chaque État a la souveraineté complète de et exclusive sur l’espace aérien au-dessus de son territoire. »

Le représentant ukrainien refuse de trop ouvrir son jeu et de chiffrer le nombre de pays qui appuient la tentative de blocage de Kyiv. Tout au plus confie-t-il son sentiment « que les chances sont très bonnes » que la Russie n’obtienne pas un second mandat.

Plus de 2500 délégués d’États membres et représentants d’organisations internationales se trouvent à Montréal pour la rencontre de l’OACI.

Le Canada a sur son radar nombre d’enjeux, dont la relance du secteur aérien, les suites de la destruction par l’Iran du vol PS752 ainsi que la réduction de l’empreinte climatique de l’industrie.

Neutralité carbone pour l’aérien : « Nous comptons sur l’OACI »

Une absence d’accord en vue d’une aviation ne contribuant plus aux changements climatiques en 2050, lors de l’assemblée générale de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), serait un « échec », a mis en garde la principale organisation mondiale de compagnies aériennes. Toute absence d’accord à l’issue des 15 jours de débats ferait que « cette assemblée générale sera perçue comme un échec », a estimé Willie Walsh, directeur général de l’Association internationale du transport aérien (IATA) lors d’une visioconférence. Cette organisation, qui rassemble 290 compagnies représentant 83 % du trafic mondial, s’est elle-même engagée à atteindre « zéro émission nette » de CO2 en 2050, pour respecter l’accord de Paris censé limiter le réchauffement à 1,5 °C. « Nous comptons sur l’OACI pour que les gouvernements et les régulateurs du monde entier s’alignent également et se mettent d’accord sur leur objectif à long terme de zéro émission nette en 2050 », a ajouté M. Walsh. Alors que le transport aérien est montré du doigt pour son rôle dans la crise climatique, une absence de consensus au sein des 193 États de l’OACI serait une « énorme déception », selon lui.

Agence France-Presse