Tout « tourne autour des déposants » dans les procédures de faillite de Celsius Network, s’inquiètent ses actionnaires, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ). Même si les dépôts d’environ 1,7 million de petits épargnants sont à risque, les propriétaires de la cryptobanque veulent leur part du gâteau s’il y a de l’argent à récupérer.

Dans une requête récemment déposée auprès d’un tribunal new-yorkais des faillites, les représentants des actionnaires de l’entreprise réclament une voix au sein du comité qui participe aux procédures. L’objectif est de récupérer une partie de leurs investissements advenant la vente de certains actifs.

« Non seulement le comité des créanciers non garantis se concentre sur la maximisation de valeur pour les déposants, sans tenir compte des actionnaires, mais les débiteurs [Celsius] ont nettement indiqué que le comité est son partenaire et que tout tourne autour des clients », écrivent les plaignants.

Le document est notamment signé par les représentants d’actionnaires. Joshua Mester est identifié comme conseiller du bas de laine des Québécois. L’institution a radié son investissement de 200 millions dans Celsius Network annoncé il y a un an à peine.

Cette démarche de la Caisse survient dans la foulée des signaux envoyés en août dernier par son président et chef de la direction, Charles Émond. Après avoir reconnu l’échec de l’investissement, celui-ci avait affirmé que des « options juridiques » étaient étudiées, sans aller plus loin.

« Celle-ci en est une », a indiqué une porte-parole de la Caisse, Kate Monfette, dans une déclaration.

Notre analyse se poursuit. La CDPQ se doit de protéger le capital de ses déposants, les Québécois.

Kate Monfette, porte-parole de la CDPQ

Mme Monfette n’a pas commenté davantage.

À l’instar des autres cryptobanques, le partenaire Celsius Network mettait en commun des dépôts de cryptomonnaies. Il offrait des prêts et des intérêts, qui pouvaient parfois atteindre jusqu’à 17 %, aux déposants. Cela est bien plus élevé que ce que proposent les banques traditionnelles.

L’entreprise s’est tournée vers la loi américaine sur les faillites en juillet dernier après avoir été plongée dans une crise de liquidités provoquée par l’effondrement du cours des cryptomonnaies qui s’est amorcé en début d’année. Elle a gelé les dépôts de ses 1,7 million de clients un mois plus tôt. Ceux-ci n’ont aucune garantie de récupérer leurs actifs.

Déposants en détresse

Depuis la débâcle de la cryptobanque, les témoignages de déposants en détresse se sont multipliés. Plusieurs avaient été séduits par les promesses du chef de la direction de Celsius Network, Alex Mashinsky. Des dizaines de lettres témoignant de leur détresse ont été envoyées au juge responsable du dossier.

« J’avais des économies de toute une vie chez Celsius Network que j’espérais pouvoir utiliser dans un avenir pas si lointain comme mise de fonds pour une maison », écrivait par exemple Ali Jaz, dans une missive datée du 22 juillet dernier. « Tout cela semble maintenant un rêve lointain. »

Des déposants québécois sont aussi dans le noir, même si les sommes en jeu sont généralement bien moins élevées par rapport à ce qui s’est vu au sud de la frontière.

Lisez l’article « Des déposants dans le noir et la Caisse toujours muette »

Le modèle de la cryptobanque a soulevé des questions et les pratiques de ses dirigeants ont été montrées du doigt à plus d’une reprise depuis que l’entreprise s’est placée à l’abri de ses créanciers. Le 7 septembre dernier, le rapport d’une agence gouvernementale américaine concluait que Celsius Network s’approchait de l’insolvabilité dès 2019, en plus de décrire son modèle d’affaires comme quelque chose qui s’apparentait à une arnaque à la Ponzi.

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Yan Cimon, professeur titulaire au département de management à l’Université Laval, n’est pas étonné de la requête des actionnaires de Celsius Network. Il convient toutefois que « cela paraît mal » d’un « point de vue des relations publiques ».

« Toutes les parties prenantes veulent faire valoir leurs intérêts, dit l’expert. L’enjeu, c’est de trouver l’équilibre avec les déposants. Autrement, cela peut avoir des impacts négatifs sur le plan de la réputation pour les actionnaires. Mais il va y avoir de la tension entre les déposants et les actionnaires. »

Les tribunaux new-yorkais se pencheront sur la question le 6 octobre, date prévue de la prochaine audience.

En savoir plus
  • 1,9 milliard US
    Taille du trou dans les finances de Celsius Network en juillet au moment de déposer le bilan
    Source : tribunaux new-yorkais