Les Québécois, contraints de faire des choix tant au supermarché que chez le concessionnaire automobile, n’ont jamais été aussi stressés… financièrement. Les risques économiques constituent l’une des deux principales sources de préoccupations de près de la moitié des consommateurs, détrônant la santé pour la première fois depuis 2011, selon une étude.

Près de 49 % des Québécois – une hausse de 10 points par rapport à l’an dernier – ont indiqué que les risques économiques et financiers reliés au coût de la vie, au prix de l’essence, aux taux d’intérêt et au chômage se classaient parmi leurs deux préoccupations personnelles principales, selon le Baromètre CIRANO 2022 sur la perception des risques, dont les résultats sont révélés ce mardi. Les risques concernant le système de santé suivent à 47 %. L’environnement et les ressources énergétiques se classent au troisième rang.

« On est à l’épicerie, il faut faire des choix. On est chez le concessionnaire, il faut vraiment faire des choix. Au restaurant, on fait le saut quand on voit la facture », illustre David Dupuis, responsable du programme de premier cycle en économique à l’Université de Sherbrooke, pour expliquer cette anxiété.

On va acheter du vin au verre, au lieu de prendre la bouteille. On se rend compte qu’on ne peut pas tout se permettre comme avant.

David Dupuis, responsable du programme de premier cycle en économique à l’Université de Sherbrooke

« Avant, on ne regardait pas le prix de la maison, donne-t-il également en exemple. On regardait la mensualité et on se disait que les taux étaient bas, que la mensualité nous convenait même si le prix de la maison nous semblait un peu élevé. Et là, on se réveille. La nature des dix dernières années n’a rien à voir avec l’histoire économique au sens moderne du terme. C’était vraiment exceptionnel en termes de taux d’intérêt. »

Résultat surprenant

Face à cette nouvelle réalité, Nathalie de Marcellis-Warin, coauteure de l’étude, estime qu’il y a une certaine « logique » dans les résultats obtenus qui indiquent clairement que l’économie et les finances préoccupent davantage les Québécois.

Elle admet toutefois avoir été surprise de constater une hausse de la proportion de gens soucieux par rapport à l’an dernier, alors que 39 % des répondants affirmaient que cet enjeu constituait leur inquiétude numéro un. Et elle n’aurait pu prédire que les finances surclasseraient la santé avec ses problèmes d’engorgement dans les urgences, ses listes d’attente et ses cas d’infection dans les hôpitaux.

Ç’a toujours été la santé en premier. Là, ça montre que les gens sont préoccupés par tout ce qui touche personnellement leur porte-monnaie, ils le voient à la pompe, ils le voient au magasin, dans toutes leurs activités quotidiennes.

Nathalie de Marcellis-Warin, coauteure de l’étude Baromètre CIRANO 2022

« Tout le système les préoccupe », ajoute celle qui est également professeure titulaire à Polytechnique Montréal et présidente-directrice générale du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). « C’était la première fois que les gens voyaient qu’il manquait des choses dans les magasins. Ce sont des indicateurs qui vont les chercher personnellement. »

Ainsi, le rapport indique que « ces transferts de préoccupations vers les risques économiques et financiers pourraient […] s’expliquer en partie par une perception des risques plus élevée qu’en 2021 pour certains enjeux tels que la hausse du coût de la vie/des taux d’intérêt (85 % de la population perçoit des risques grands ou très grands associés à cet enjeu, en hausse de 21 points par rapport à 2021), le prix de l’énergie (essence) (82 %, une hausse de 23 points) ou encore l’accès à un logement abordable (78 %, une hausse de 10 points) ou la montée des prix de l’immobilier (75 %, en hausse de 9 points) ».

Les jeunes et les mieux nantis

Si jeunesse rime pour plusieurs avec insouciance, Nathalie de Marcellis-Warin souligne que les répondants âgés de moins de 35 ans sont les plus préoccupés par les questions financières, une première selon elle. Les Québécois gagnant un revenu de 80 000 $ et plus sont également plus soucieux de ces questions (54 %) que ceux dont le salaire annuel est de 40 000 $ ou moins (42 %).

En ce qui concerne l’âge, ce sont 58 % des gens âgés de 18 à 34 ans qui ont placé les risques économiques et financiers parmi leurs deux principales préoccupations, contre 49 % pour les 35-54 ans, 44 % pour les 55-74 ans et 42 % du côté des répondants de 75 ans et plus. La difficulté à dénicher un logement abordable et la hausse du prix des maisons expliquent notamment pourquoi les plus jeunes ressentent un stress financier, selon l’auteure.

Cette réalité semble même se refléter dans les salles de cours de David Dupuis, à l’Université de Sherbrooke. « Avant, les étudiants bâillaient quand on parlait de l’inflation. Là, ils ne bâillent plus, ils se demandent ce que ça mange en hiver, d’où ça vient et comment ils peuvent faire pour la contourner. »

Faits saillants de l’étude Baromètre CIRANO 2022

49 %

C’est la proportion de Québécois qui placent les risques économiques et financiers parmi les deux catégories de risques les plus préoccupantes pour eux-mêmes. Cette proportion s’élevait à 39 % l’an dernier.

47 %

Proportion de Québécois qui placent la santé parmi les deux catégories de risques les plus préoccupantes pour eux-mêmes.

29 %

Proportion de Québécois qui placent l’environnement et les risques reliés aux ressources énergétiques comme l’une de leurs deux principales préoccupations.

51 %

C’est la proportion de femmes principalement préoccupées par la santé, contre 42 % pour les hommes.

85 %

Proportion de Québécois qui perçoivent la hausse du coût de la vie comme un très grand risque, contre 82 % pour le prix de l’énergie.

Source : Baromètre CIRANO sur la perception des risques au Québec 2022