Votre salaire est peut-être sur le point d’être bonifié : selon la 12e Enquête sur les augmentations salariales menée par la firme Normandin Beaudry, une hausse globale de 3,8 % est prévue pour 2023 par les organisations canadiennes. Explications, en cinq points clés.

Contexte économique : ceci explique cela

« Les résultats globaux de cette récente enquête ne sont pas surprenants compte tenu du contexte économique actuel et du marché de l’emploi ultra compétitif », précise Anna Potvin, associée et chef de la pratique de rémunération chez Normandin Beaudry.

En fait, 3,8 %, c’est exactement la hausse calculée par la firme pour cette année, ce qui dépasse même les prévisions initiales.

Rappelons aussi qu’en juillet dernier, Statistique Canada évaluait que la rémunération hebdomadaire moyenne était en hausse de 2,5 % sur un an pour atteindre 1159 $. C’est un petit ralentissement puisqu’en avril, cette même augmentation était de 3,2 %.

Bref, les salaires sont assurément à la hausse.

« La tendance à l’accélération de la croissance des salaires n’est pas étonnante considérant le marché du travail serré dans lequel on se retrouve actuellement [nombre de travailleurs disponibles faible par rapport au nombre de postes à pourvoir dans les entreprises], et également parce qu’on évolue depuis quelques mois avec de l’inflation élevée », note Simon Savard, économiste principal à l’Institut du Québec.

Il faut comprendre que les entreprises, dans un contexte où le marché est très serré, dit-il, doivent répondre aux demandes de leurs employés.

« Ça offre beaucoup d’opportunités aux travailleurs », précise Simon Savard.

Fait à noter : les données dévoilées jeudi par la firme Normandin Beaudry s’intéressent aux salaires des postes déjà occupés au sein des entreprises, et excluent donc les mouvements de main-d’œuvre.

Si vous changez d’emploi et allez vers une autre organisation qui vous offre un meilleur salaire, il ne s’agit pas d’une augmentation, mais d’un nouveau salaire.

À noter également, ces hausses demeurent bien en deçà du taux d’inflation de 7,6 % en juillet dernier.

Des hausses à taux variable

De l’avis de Stephen Gordon, directeur du département d’économique de l’Université Laval, les hausses prévues ne sont pas assez généreuses.

« C’est excessivement modeste », lance le professeur Gordon, qui estime que les organisations, quelles qu’elles soient, devraient songer à bonifier les salaires à des taux avoisinant celui de l’inflation. « Dans une situation de pénurie de main-d’œuvre, je ne comprends pas cette logique, dit-il, surtout dans un contexte où les gens ont déjà perdu beaucoup de leur pouvoir d’achat. Il faudrait offrir [des augmentations] de 7 % ou 8 % juste pour permettre un rattrapage. Pour revenir à un pouvoir d’achat comparable à ce qu’il était il y a un an. »

Les projections concernent les budgets prévus pour des hausses salariales et varient selon le type d’organisation.

Le Québec plus généreux

Les employés québécois risquent de voir leurs salaires faire un bond un peu plus important, en proportion, puisque les budgets moyens d’augmentation atteignent ici 4,1 % pour 2023.

« La tendance à la hausse se confirme une fois de plus. La pénurie de main-d’œuvre, les effets de la guerre en Ukraine et la fragilité des chaînes d’approvisionnement créent une conjoncture parfaite pour de telles augmentations salariales, note Norma Kozhaya, économiste en chef du Conseil du patronat du Québec. Dans un marché aussi serré, les employeurs n’hésitent pas à se servir de la rémunération comme levier pour retenir et attirer les talents. Par contre, leur marge de manœuvre sur le plan salarial connaît des limites. Il ne faudrait pas que cette surenchère mine leur croissance et leur compétitivité à terme. »

Parmi les organisations qui songent à augmenter les salaires de leurs employés, certaines comptent y aller plus généreusement. C’est le cas notamment du secteur des technologies de l’information, où la rareté du personnel fait monter ces moyennes plutôt entre 4,2 % et 5,8 %, excluant les gels.

Plus chez les petits !

Selon l’étude publiée jeudi, les petites entreprises réagissent avec plus d’agilité au contexte économique actuel en offrant de plus grandes hausses, en projection. Les organisations de moins de 50 employés prévoient un budget moyen de 4,5 %. Celles de 50 à 99 employés de 4,1 %, et celles de 100 à 199 employés, de 4,0 %, toujours excluant les gels.

« Les petites organisations de façon générale ont des salaires moins élevés à la base, nuance l’économiste Simon Savard. Elles sont donc contraintes d’offrir des hausses salariales plus élevées. »

Par ailleurs, il s’agit d’une situation conjoncturelle, précise Simon Savard. Petites ou grandes, les organisations n’offriront pas des hausses de salaire de cette ampleur encore très longtemps, dit l’économiste.

Moins de risque de gel

À peine 1 % des entreprises ont gelé les salaires de leurs employés cette année ou prévoient le faire pour 2023.

C’est une énorme différence, si on compare à il y a deux ans, alors que l’incertitude de la pandémie avait incité 10 % des entreprises à effectuer des gels salariaux. La norme prépandémique tournait plutôt autour de 3 % à 5 %.

L’enquête de Normandin Beaudry a été menée cet été auprès de 750 organisations représentant 1,8 million d’employés au Canada.