Greenpeace augmente la pression sur les cinq plus grandes banques canadiennes pour qu’elles prennent des engagements « clairs » en ce qui concerne l’élimination progressive des combustibles fossiles, et pour qu’elles refusent de financer tout nouveau projet d’extraction de pétrole, de gaz ou de charbon.

L’organisme de protection de l’environnement doit publier mercredi un rapport intitulé Alignés sur l’objectif zéro ? Les prétendus engagements net zéro des banques canadiennes.

Les grandes banques canadiennes se sont jointes l’année dernière à l’alliance bancaire Net Zéro, une initiative mondiale soutenant les efforts des banques pour lutter contre les changements climatiques afin d’atteindre l’objectif zéro émission nette d’ici 2050 des Nations unies.

En rejoignant cette alliance, les banques acceptaient d’harmoniser leurs activités de financement avec l’objectif de l’ONU.

Greenpeace souligne que l’ONU donne aux banques jusqu’au 15 juin prochain pour s’engager « sérieusement » dans l’élimination progressive des combustibles fossiles, sous peine d’être exclues du club « net zéro ».

Les banques canadiennes n’ont pas vraiment compris ce que net zéro veut dire.

Keith Stewart, stratège chez Greenpeace Canada

« Elles auront un dur réveil si elles se font expulser du club net zéro. C’est fascinant de voir qu’elles ont rejoint ce club, mais qu’elles sont maintenant sur le point de se faire expulser parce qu’elles ne répondent pas aux exigences », dit-il.

« Elles pensent qu’elles peuvent continuer d’être parmi les plus importants bailleurs de fonds des combustibles fossiles au monde tout en augmentant leur financement de projets écologiques », dit-il.

Les banques ne peuvent pas faire les deux, selon lui.

« L’ONU dit très clairement que les banques doivent réduire progressivement le financement des combustibles fossiles. Et c’est quelque chose que les banques canadiennes ont jusqu’ici été incapables de reconnaître », dit-il.

Respecter l’échéance

Greenpeace appelle notamment les banques à respecter l’échéance fixée par les Nations unies pour la publication d’un plan d’élimination progressive des combustibles fossiles et à hausser leur objectif de réduction pour 2030 à au moins 50 %.

Les banques ont fixé des cibles de 24 % et 35 % de réductions en intensité, alors que l’ONU demande à ce que la cible soit d’au moins 50 % d’ici 2030, dit-il.

Beaucoup d’entreprises souhaitent obtenir une couverture médiatique favorable en disant qu’elles se préoccupent des changements climatiques, mais ne veulent pas vraiment changer leurs façons de faire.

Keith Stewart, stratège chez Greenpeace Canada

Greenpeace note qu’après une baisse marquée en 2020 des prêts au secteur des combustibles fossiles due à la pandémie, le soutien des grandes banques canadiennes à l’industrie fossile a augmenté de 70 % en 2021 et a représenté la plus forte augmentation des émissions financées au niveau mondial.

Les banques soutiennent qu’elles doivent continuer de financer ces entreprises de combustibles fossiles afin de leur permettre d’orchestrer une transition, dit Keith Stewart, « mais aucune de ces entreprises qu’elles financent n’a de plan de transition, alors que l’ONU dit qu’il est insuffisant de réduire les émissions. Il faut un plan pour y mettre un terme ».

Keith Stewart affirme que la plupart des Canadiens ne réalisent pas que les banques canadiennes comptent parmi les plus importants bailleurs de fonds du secteur des combustibles fossiles au monde. « Elles constituent une grande partie du problème, mais ça veut dire qu’elles peuvent jouer un grand rôle dans la solution. »

Investissements clés

La Presse a invité les cinq grandes banques canadiennes à réagir au rapport de Greenpeace. La Banque de Montréal a dirigé La Presse vers l’Association des banquiers canadiens (ABC), où l’on nous indique que les banques canadiennes tiennent à participer à la solution.

« Les banques savent que des engagements fermes sont nécessaires pour stimuler une croissance économique propre et pour atteindre l’objectif ambitieux d’une économie canadienne à zéro émission nette d’ici 2050 », indique l’ABC par courriel.

L’ABC ajoute que plusieurs banques mettent déjà en œuvre des plans d’action climatique qui fixent des objectifs précis en vue de répondre aux exigences de ce défi mondial, notamment la communication d’informations financières sur le climat, la modification de leurs cadres de gestion des risques et l’alignement de leurs prêts sur des projets à faible émission de carbone.

« Les banques continueront à travailler avec leurs clients de l’industrie pétrolière et gazière dans l’objectif de faciliter la transition vers un avenir plus viable, notamment en offrant des investissements clés dans les technologies de transformation. Le financement d’initiatives axées sur la durabilité permet aux banques de soutenir la réduction progressive des émissions au Canada tout en contribuant à répondre à la demande d’énergie dans un contexte mondial volatil », est-il précisé.

La Banque Royale souligne de son côté que le plus grand impact qu’elle peut avoir est d’appuyer la transition effectuée par ses clients et qu’elle entend publier cet automne des cibles provisoires d’émissions financées pour sa clientèle de secteurs à émissions élevées.

La Scotia rappelle pour sa part qu’elle s’engage à atteindre la carboneutralité pour ses émissions financées d’ici 2050 et pour les émissions générées par ses activités d’ici 2030.

Si la CIBC dit « intensifier ses efforts » et avoir commencé à établir des cibles « claires » et « mesurables », la TD indique qu’elle a dévoilé en mars des cibles provisoires d’émissions financées devant contribuer à favoriser la décarbonation au sein de sa clientèle et de l’économie en général afin de l’aider à mieux atteindre l’objectif d’émissions nettes nulles d’ici 2050.