Les voyageurs ne se sont pas rués sur les billets à 500 $ pour s’envoler aux quatre coins du Québec depuis le début de la saison estivale. Près de deux mois après son entrée en vigueur, le programme du gouvernement Legault était à mi-chemin de ce qui est considéré comme la moyenne mensuelle des ventes d’allers-retours.

« Je pense qu’au chapitre de l’impact, c’est moins que ce que l’on espérait, observe John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill. Le gouvernement devait sûrement s’attendre à ce que le programme soit davantage sollicité. »

Les allers-retours à 500 $ sont la mesure phare du Programme d’appui aux actions régionales (PAAR), présenté en grande pompe par Québec en avril dernier. Entre le 1er juin et le 25 juillet derniers – une période de 55 jours –, l’équivalent de 7628 allers-retours subventionnés ont été achetés, selon les données fournies par le ministère des Transports.

Annuellement, Québec prévoit offrir 98 800 allers-retours. Pour les écouler, il faudrait vendre environ 8235 allers-retours par mois. Avec une moyenne de 4160 ventes par mois, le PAAR est loin d’avoir atteint sa vitesse de croisière.

« Nous sommes encore dans les débuts du programme, tempère Isabelle Dostaler, doyenne de la faculté d’administration des affaires de l’Université Memorial, à Terre-Neuve. On a vu les problèmes dans les aéroports. Peut-être que ça pèse dans la balance. »

INFOGRAPHIE LA PRESSE

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Il n’a pas été possible de parler au ministre des Transports, François Bonnardel. Dans une déclaration, son cabinet s’est toutefois dit « heureux de l’accueil qu’obtient le programme jusqu’à maintenant », lequel en est à sa « première phase ».

D’après les intervenants consultés par La Presse, plusieurs éléments peuvent expliquer les lents débuts du PAAR.

Pour des destinations prisées par les touristes, comme la Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine, bon nombre de voyageurs avaient probablement acheté leurs billets bien avant le début du programme. De plus, même si des tarifs aériens subventionnés sont offerts, encore faut-il se loger sur place.

Prenez la Gaspésie et les Île-de-la-Madeleine. Il n’y avait pas beaucoup de chambres d’hôtel disponibles parce que les gens avaient déjà planifié leurs voyages en janvier et en février. Ce n’est pas seulement l’avion, mais aussi une question d’infrastructures touristiques.

John Gradek, expert en aviation et chargé de cours à l’Université McGill

De 2019 à 2021, le taux d’occupation des établissements d’hébergement (hôtels, motels et autres résidences enregistrées) atteignait en moyenne 83 % du côté de la Gaspésie, selon Tourisme Gaspésie. Les places étaient déjà limitées avant l’annonce du PAAR. La capacité d’accueil pour davantage de touristes est donc limitée.

Se déplacer sur place

Si on se rend à l’extérieur des grands centres par la voie des airs, trouver une voiture de location risque d’entraîner des maux de tête. L’offre est limitée et les prix ont bondi en raison de l’inflation ayant gagné le créneau de la location de véhicules.

« Le transport de surface est un problème, souligne Mme Dostaler. Si on a un programme comme celui-là [le PAAR], on doit s’assurer que l’infrastructure touristique l’accompagne. »

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DE L’UNIVERSITÉ MEMORIAL

Isabelle Dostaler, doyenne de la faculté d’administration des affaires de l’Université Memorial, à Terre-Neuve

Tourisme Gaspésie est bien au fait de la situation.

« On constate des défis importants une fois à destination, que ce soit par la précarité du parc de location de voitures, de l’industrie du taxi ou du transport en commun », souligne la directrice générale de Tourisme Gaspésie, Joëlle Ross.

Les transporteurs aériens avaient accueilli favorablement le plan du gouvernement Legault. Après deux années de perturbations pandémiques, il est encore difficile de quantifier l’impact des billets à 500 $ sur l’achalandage, selon le directeur du développement des affaires chez PAL Airlines, Tommy Desfossés.

À son avis, on verra si le programme porte ses fruits lorsque la saison estivale sera derrière nous.

Peut-être que la pointe touristique sera allongée. Mais pour que cela se produise, les services doivent continuer à être offerts. Par exemple, les restaurants vont-ils continuer à offrir le même service ? Il y a une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur. Il y a plusieurs éléments à considérer.

Tommy Desfossés, directeur du développement des affaires chez PAL Airlines

Maire de Gaspé et président de l’Union des municipalités du Québec, Daniel Côté croit que les billets à 500 $ ont séduit des voyageurs depuis le début de l’été même si le retour à la situation prépandémique n’est pas pour demain.

L’élu, qui a salué le plan de Québec, croit toutefois qu’on peut faire mieux en matière de promotion.

« On en a parlé beaucoup aux nouvelles, mais pas tellement par la suite, souligne M. Côté. On me pose beaucoup de questions comme “est-ce que je suis admissible ?”. C’est un signe qu’il manque de promotion. »

Qui peut obtenir des billets à 500 $ ?

L’aéroport Montréal-Trudeau, l’aéroport Jean-Lesage de Québec ou l’aéroport de Saint-Hubert doivent être le point de départ ou d’arrivée. Un voyageur qui voudrait effectuer la liaison de Val-d’Or à Sept-Îles, par exemple, ne serait pas admissible. Le plan du gouvernement Legault élargit aussi le programme de réduction des tarifs aériens pour les régions éloignées.

En savoir plus
  • 6
    Nombre de transporteurs admissibles au programme : Air Canada, Pascan, Air Liaison, PAL Airlines, Air Creebec et Air Inuit.
    Source : gouvernement du Québec
  • 261 millions
    Enveloppe du Programme d’appui aux actions régionales au cours des cinq prochaines années
    Source : gouvernement du Québec