Les acteurs québécois de la filière batterie ainsi que les secteurs des minéraux critiques et des énergies renouvelables ont de bonnes raisons de s’intéresser à la politique américaine : ils sont en bonne posture pour profiter des milliards du plus important plan jamais adopté aux États-Unis en matière de lutte contre les changements climatiques.

Parmi les multiples mesures financées par l’enveloppe de 370 milliards US destinée à la protection de l’environnement, deux crédits d’impôt totalisant 7500 $ US pour l’achat d’une voiture électrique risquent d’avoir des retombées de ce côté-ci de la frontière.

La raison ? Pour qu’un véhicule soit admissible aux incitatifs, sa batterie doit respecter deux exigences en matière de contenu minimal de minéraux critiques (40 %) et de composants (50 %). L’objectif est de réduire la dépendance envers la Chine en matière de minéraux critiques comme le lithium et le graphite, qui entrent dans la fabrication des batteries lithium-ion.

« On ne construit pas d’autos au Québec, mais on est dans la chaîne d’approvisionnement », souligne Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York, en visioconférence avec La Presse. « Cela envoie le message aux acheteurs et aux investisseurs que nous sommes un partenaire fiable. »

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Martine Hébert, déléguée générale du Québec à New York

Des questions et de l’optimisme

À Washington, mardi, le président Joe Biden a officiellement promulgué la loi baptisée Inflation Reduction Act (IRA). Le diable est toujours dans les détails, souligne Mme Hébert, puisqu’on ignore toujours exactement comment l’argent sera attribué. De plus, les pressions protectionnistes ne sont jamais bien loin au sud de la frontière. La déléguée générale du Québec à New York estime toutefois que les signaux initiaux sont encourageants.

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Le 16 août, le président des États-Unis, Joe Biden, a signé l'Inflation Reduction Act

Chez Nouveau Monde Graphite, qui souhaite transformer le graphite de sa future mine de Saint-Michel-des-Saints en un produit utilisé par les fabricants d’anodes — un composant de la batterie –, le plan démocrate arrive à point.

« Nous sommes justement en train de négocier avec de potentiels clients américains pour financer notre projet, explique le président et chef de la direction de l’entreprise, Eric Desaulniers. Le rabais de 7500 $ US par véhicule, il faut le mériter avec du contenu local. Pour nous, c’est un bon rabais. En ce moment, 100 % du graphite utilisé dans les batteries lithium-ion vient de la Chine. »

L’exigence de Washington en matière de contenu local limitera le nombre de véhicules admissibles, ce qui a été critiqué par les représentants des constructeurs automobiles aux États-Unis, mais elle stimulera les projets de composants de batteries ainsi que le créneau des minéraux critiques.

Quelques faits saillants de l’Inflation Reduction Act

  • 30 milliards US en crédits d’impôt pour accélérer le traitement de minéraux critiques ainsi que la production d’éoliennes et de panneaux solaires
  • 10 milliards US en crédits d’impôt pour la construction d’usines de véhicules électriques, d’éoliennes et de panneaux solaires
  • 27 milliards US pour les technologies de production d’énergie propre

« J’ai des rencontres avec des investisseurs internationaux et je peux vous dire que j’ai ajouté à notre présentation corporative une diapositive concernant ce rabais-là [le crédit d’impôt de 7500 $ US] pour les véhicules électriques », lance M. Desaulniers.

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L’Inflation Reduction Act, signé par le président des États-Unis, pourrait être bénéfique à des entreprises du Québec. Sur la photo, la mine North American Lithium, à La Corne.

Le Québec et le Canada ont, de manière distincte, déployé des stratégies visant les minéraux critiques. Un rapport d’un groupe de travail canado-américain publié en juin dernier sur le site de la Maison-Blanche concluait que la collaboration entre les pays était inévitable pour réduire la dépendance à la Chine.

« Le Canada et les États-Unis devront accélérer leurs efforts conjoints au moyen d’un plan d’action conjoint », souligne le document de 13 pages.

À l’Association minière du Québec, jeudi, personne n’était disponible pour commenter le plan de Washington.

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Patrick Decostre, PDG de Boralex, estime que l’IRA constitue une « excellente nouvelle » pour le secteur de la production d’énergie renouvelable québécoise.

À suivre

Le créneau des technologies vertes a aussi des raisons d’être optimiste. Plusieurs dizaines de milliards de dollars sont mis de côté pour la construction d’éoliennes et de panneaux solaires. Mme Hébert y voit des occasions pour des entreprises comme Boralex et Innergex, présentes aux États-Unis.

Mais s’il voit des percées potentielles en ce qui a trait aux véhicules électriques, Richard Ouellet, spécialiste du droit international économique et professeur à l’Université Laval, suggère la prudence sur les questions d’énergie.

En matière d’approvisionnement énergétique, la question des marchés publics entre en ligne de compte, ce qui peut compliquer les choses, souligne l’expert.

« Parfois, on voit une ouverture, mais il faut se méfier un peu plus, dit M. Ouellet. Dans les marchés publics, l’administration Biden a effectué plusieurs resserrements. Parfois, une loi laisse miroiter d’importants gains, mais dans la pratique, il faut être un peu plus prudent. »

Chez Boralex, le président et chef de la direction, Patrick Decostre, estime que l’IRA constitue une « excellente nouvelle » pour le secteur de la production d’énergie renouvelable qui viendra bonifier l’empreinte de l’entreprise québécoise sur le marché américain.

Dans une déclaration, il a affirmé que l’entreprise souhaitait augmenter sa puissance de 290 mégawatts (MW), à 5400 MW, d’ici 2030, une cible qui devrait être plus facile à atteindre grâce à l’IRA.

En savoir plus
  • 434 milliards US
    C’est l’enveloppe totale de l’Inflation Reduction Act, qui prévoit aussi 64 milliards US pour le secteur de la santé.
    Source : Bureau de la Maison-Blanche