La Presse est allée à la rencontre de gens pour connaître les conséquences de l’inflation sur leur vie.

Gabrielle, Samuel, Francis et Olivier

« On avait fait nos devoirs et on s’était renseignés », disent en chœur Gabrielle Bolduc et Samuel Giarrusso, qui ont acheté leur première propriété il y a quelques mois, en pleine folie de la surenchère. Au départ, ils pensaient acquérir une maison à Laval, mais le marché les a plutôt guidés vers un condo. Ils ont aussi opté pour une hypothèque à taux variable. Alors les nouvelles économiques et le taux d’inflation, ils les connaissent. Si bien que Samuel se limite à un seul texte de nouvelles économiques par semaine afin de ne pas trop s’en faire ou de devenir cynique, ce qui lui est néanmoins arrivé, reconnaît-il. À ses côtés, Gabrielle est plus positive : « C’est une vague et elle va finir par casser », dit-elle, concédant que certaines bonnes habitudes acquises par obligation vont demeurer. Comme faire bien attention à ce qui entre dans le panier d’épicerie, choisir les commerces pour les prix plutôt que l’expérience client et couper sur la viande pour devenir de plus en plus végé. « On ne va plus au resto, dit-elle, mais on visite des amis à la maison et c’est aussi agréable. »

PHOTO PHILIPPE BOIVIN, LA PRESSE

Francis Pinet

Ou au parc, car c’est là que nous les avons rencontrés, mardi, sous un soleil de plomb, avec leurs copains Francis Pinet et Olivier Bellerive-Désormeaux. Tout le groupe travaille dans le milieu de l’éducation. Francis tient son budget dans un fichier Excel. Il sait ainsi où vont ses dépenses : dans ses sorties. Oui, il a noté la hausse des prix dans les bars et les restos. « Pour le moment, j’en ai assez pour subvenir à mes besoins, dit-il, mais pas assez pour économiser. »

Stéphan Gallant

« Je suis très inquiet pour ma fille, lance Stéphan Gallant. Ça n’a aucun sens, les jeunes n’auront jamais accès à la propriété ! »

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Stéphan Gallant

Ce commis comptable de Rosemont, père d’une grande fille de 17 ans, n’y va pas par quatre chemins : avec l’inflation, il n’arrive carrément plus. « Les loyers sont rendus tellement chers », dit celui qui devra subir une hausse prochainement. Cela fera passer la part de son revenu brut consacrée à l’habitation au-delà de 50 %, ce qui est nettement trop pour assumer le reste de ses dépenses. Devant ce cul-de-sac financier annoncé, Stéphan Gallant a décidé de passer à l’action. Il vient de créer un groupe de partage sur Facebook qui compte déjà 154 membres, « Partage et soutien face à l’augmentation du panier d’épicerie-Rosemont ». Le but : échanger des informations sur les meilleures aubaines, effectuer des achats de groupe et peut-être cuisiner entre membres. « Ce qui est beau, dit-il, c’est qu’avec cette inflation, les gens se mobilisent plus, finalement ! »

Manon Robert

« Faut se dire que ça va passer », lance Manon Robert, lorsqu’on aborde l’inflation avec elle. Et effectivement, cette entrepreneure de Saint-Hyacinthe en a vu d’autres. « J’ai ouvert ici en 2008, alors je sais de quoi je parle. » Ici, c’est Les Passions de Manon, boutique-épicerie qui se spécialise en produits haut de gamme locaux et importés. Justement, la part de produits importés a permis à Manon et à son fils Anthony, qui est son partenaire d’affaires, de baisser certains prix, grâce à la valeur de l’euro à leur avantage.

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Manon Robert et son fils Anthony Gagnon

Résultat : pas de diminution des ventes dans un contexte économique où les consommateurs surveillent davantage leur portefeuille. « Ici, c’est un peu un refuge », estime Manon Robert, en balayant son commerce du regard. Et effectivement, on ne sent pas l’austérité chez Manon. « Les gens viennent ici parce qu’ils ont besoin de se faire plaisir quand même, dit la commerçante. Ils prennent leur temps, ils flânent et ça leur fait du bien. »

Anouar Ramli

« Mes employés me disent qu’ils n’arrivent plus », lance Anouar Ramli, dans son commerce de meubles neufs et d’électroménagers d’occasion de Montréal. « Ils me demandent des augmentations de salaire, car leurs loyers augmentent et leur épicerie coûte plus cher. Je n’ai pas le choix si je veux les garder. Et je sais qu’ils ne veulent pas profiter de la situation. Ils veulent simplement survivre. »

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Anouar Ramli

Si Anouar Ramli concède que l’inflation ne porte pas atteinte à sa vie personnelle, dans sa vie professionnelle, elle est partout. D’abord, l’augmentation du prix de l’essence change la donne pour ses livraisons. Ensuite, les frais de transport ont fait exploser le prix de détail de ses meubles neufs, ce qui n’est pas une bonne chose. Mais les délais de livraison dans les électroménagers neufs poussent certaines personnes à se tourner vers les produits d’occasion, ce qui est une meilleure chose pour ses affaires. Avec ce casse-tête causé par l’inflation et le climat sociopolitique mondial (qui nuit aussi à ses affaires), Anouar se demande : « Est-ce que les choses vont revenir comme avant ? Je ne suis plus certain que j’y crois. »