(Ottawa) Un important litige commercial qui opposait le Canada et les États-Unis pourrait être en voie de se régler.

L’enjeu avait été au cœur des discussions lors du voyage de Justin Trudeau à Washington, en novembre dernier.

Avec les ministres qui l’accompagnaient, il avait multiplié les rencontres pour convaincre les membres du Congrès et l’administration Biden de laisser tomber un projet de crédit d’impôt allant jusqu’à 12 500 $ pour les véhicules verts « made in USA ».

Car la mesure, qui excluait les pièces fabriquées au Canada, contrevenait « absolument  » au nouvel accord de libre-échange nord-américain, et cette question avait « le potentiel de devenir l’enjeu dominant de notre relation », avertissait la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

Huit mois plus tard, à Washington, on signale un changement de direction : le texte du projet de loi litigieux a été modifié, et on y lit désormais le terme « nord-américain » plutôt qu’« américain ».

La proposition vient des sénateurs démocrates Chuck Schumer (État de New York) et Joe Manchin (Virginie-Occidentale).

Dans le camp canadien, sans crier victoire prématurément, la ministre du Commerce international, Mary Ng, est encouragée par les amendements. « Il s’agit d’une bonne nouvelle pour les travailleurs canadiens, les emplois et notre industrie manufacturière », a-t-elle déclaré dans un communiqué, jeudi.

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Mary Ng, ministre du Commerce international

« Nous sommes encouragés par la reconnaissance de la relation commerciale unique qui existe entre les pays d’Amérique du Nord et de l’importance des chaînes d’approvisionnement étroitement intégrées entre le Canada et les États-Unis », a-t-elle ajouté.

Le gouvernement Trudeau ne s’attendait pas à ce rebondissement, qui est survenu tard mercredi soir, d’après ce que des sources gouvernementales canadiennes ont chuchoté jeudi à La Presse Canadienne – même leurs homologues à la Maison-Blanche auraient été surpris, toujours selon l’agence.

« Une excellente nouvelle »

Ce développement favorable a été applaudi par Doug Ford, le premier ministre de l’Ontario – province où l’industrie automobile est un secteur crucial de l’économie. « C’est une excellente nouvelle pour l’Ontario et les travailleurs qui contribuent au succès de notre secteur automobile », a-t-il réagi sur Twitter.

Le président de l’Automotive Parts Manufacturers’ Association, Flavio Volpe, s’est tourné vers le même réseau social pour exprimer sa satisfaction. « Le mérite pour le renversement de la politique fiscale […] sur les véhicules électriques qui aurait paralysé l’industrie canadienne de l’automobile revient à Justin Trudeau », a-t-il écrit.

Une chance pour Biden

Le projet de loi amendé doit maintenant cheminer au Congrès.

La mesure est encore loin d’être adoptée ; elle ne manquera pas d’exaspérer les républicains du Sénat, qui hésiteront à donner aux démocrates une victoire législative avant les élections de mi-mandat, en novembre prochain.

Ça donne une chance à Joe Biden d’aller chercher une grande victoire au Congrès. Il a tout intérêt à faire un deal avec Joe Manchin, d’abord pour lutter contre l’inflation, mais aussi pour arriver aux élections de mi-mandat avec des réalisations.

John Parisella, ancien délégué du Québec à New York

Si le vote du sénateur Manchin est crucial au Sénat, également divisé, le projet de loi, qui devrait atteindre le parquet du Sénat la semaine prochaine, aura encore besoin de 60 voix pour éviter les tactiques d’obstruction républicaines.

Quoi qu’il advienne, il s’agit d’« un pas dans la bonne direction » qui vient démontrer l’importance, pour le Canada, de « rester persistant » en matière de relations commerciales avec les États-Unis, ce qui se fait par l’intermédiaire des neuf bureaux du Québec et de l’ambassade du Canada au sud de la frontière, relève John Parisella.

« C’est la seule façon de réussir avec les Américains. Se disputer en public, ce n’est pas gagnant », conclut-il.

L’ambassadrice du Canada dans la capitale américaine, Kirsten Hillman, s’est dite « très heureuse » de voir que le message du Canada « a été entendu et se reflète dans le projet de loi », dont la première mouture « brisait l’intégration très réussie de notre secteur de l’automobile ».

Avec La Presse Canadienne