Deux ans plus tard, nous prenons des nouvelles des entrepreneurs qui ont témoigné de leurs difficultés pendant que la pandémie paralysait l’économie. Aujourd’hui : la Résidence Varennes.

Le 12 février 2020, Martine Tellier avait racheté la petite résidence pour aînés dont elle était la directrice générale depuis une dizaine d’années à Varennes.

Le synchronisme ne pouvait pas être plus mauvais. La pandémie a frappé trois semaines plus tard.

Infirmière clinicienne de formation, elle a immédiatement instauré de très strictes mesures sanitaires pour ses 10 employées et la quarantaine de résidants autonomes et semi-autonomes.

Quand elle nous avait raconté ses avatars, en octobre 2020, Martine Tellier reprenait son souffle durant une accalmie. Elle avait réussi à traverser les deux premières vagues, malgré la tension, l’insomnie, les pleurs nocturnes quelquefois.

Extrait de l’article du 19 octobre 2020

« Il y a des journées plus difficiles. Mais j’ai appris à me parler, j’ai appris à contrôler mon stress. »

Elle reconnaît qu’au printemps, elle a douté d’avoir pris une bonne décision en achetant la petite résidence. […]

La Résidence Varennes n’a connu aucun cas d’infection au coronavirus.

« Je touche du bois, je n’en ai pas encore ! »

Nous la rencontrons pour la première fois en juin 2022. Le regard est vif, le sourire, franc, la voix, vibrante de dynamisme.

L’emplacement de son bureau montre déjà l’importance qu’elle accorde à ses résidants. Plutôt que de monopoliser une lumineuse pièce du rez-de-chaussée, il est installé dans un local du sous-sol, éclairé par une minuscule fenêtre qui tient davantage du soupirail.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Martine Tellier, propriétaire de la Résidence Varennes, discute avec Michel Jutras et d’autres résidants.

Tient-elle toujours le coup ?

« Ça a tenu le coup pendant cinq vagues, répond-elle. Durant les cinq premières vagues, on n’a eu aucun cas. »

Sur une bonne partie de la Montérégie, je pense que j’étais le seul endroit où il n’y en avait pas eu encore.

Martine Tellier, propriétaire de la Résidence Varennes

« Je dis : merci, merci, merci [en levant les yeux au ciel et en joignant les mains], mais on a travaillé pour. »

Le 2 janvier 2022, c’est l’insidieuse sixième vague, celle d’Omicron, qui a percé les murailles de la résidence.

« D’où ça vient, d’où ça part, on ne le sait pas. Mais on s’en doute. Il y a beaucoup de gens qui sont en attente de relocalisation pour aller en CHSLD. Pour s’en occuper, on n’a pas le choix de faire affaire avec des agences privées, parce que ce sont des soins un pour un. Le préposé circule dans plein de milieux. La porte est plus grande ouverte à la contamination. »

Cette porte a été aussitôt refermée. Les résidants ont été placés en confinement complet pendant 14 jours.

Chaque fois que Martine et ses employées allaient déposer un plateau-repas dans une chambre, elles devaient enfiler un nouveau masque et une nouvelle jaquette et se laver les mains. Autant pour retourner chercher le plateau. À tous les repas. Pour chacune des 41 chambres.

« On s’habillait 260 fois par jour. La première semaine, je vous dis, j’en rêvais ! »

Pendant 30 jours, elle a travaillé 7 jours sur 7, de 5 h du matin à 19 h du soir, entourée de son équipe dévouée. « Ça nous a soudées ensemble », dit-elle.

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Deux précieuses employées, Hélène Blais et Christiane Rivest, Martine Tellier, propriétaire de la Résidence Varennes, et la mère de cette dernière, Louise Tellier, cuisinière de la résidence depuis 36 ans.

Histoire de famille

Pendant le mois qu’a duré la contagion, la résidence a été encadrée de très près par le CIUSSS.

« Peut-être un peu trop ! », ajoute-t-elle en souriant.

La consigne de confinement ne connaissait aucune exception, pas même pour une pauvre femme en perte cognitive, qui n’entendait rien à la situation et errait dans la résidence.

« On ne pouvait pas l’embarrer dans sa chambre, ça ne se fait pas ! »

Son mari Rodrigue Cécyre a trouvé la solution : pendant la journée, pourquoi ne pas installer cette dame dans le vaste salon déserté ?

« C’est lui qui m’aidait à prendre des décisions. C’était mon meilleur conseiller. »

Car « c’est une histoire de famille », dit-elle. Son père s’occupe de la maintenance. Son mari s’attaque aux gros travaux. Sa mère est la cuisinière de la résidence depuis 36 ans.

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Le potager de la résidence, dans la cour

Durant le confinement de janvier, celle-ci « ne comptait pas ses heures. Elle arrivait le matin avant » sa fille.

Elle a pourtant 68 ans.

« Mais c’est extra travaillant ! On est des personnes comme ça dans la vie. Elle ne voulait pas m’abandonner là-dedans. »

Ce sont maintenant ses enfants qui viennent donner un coup de main. Son fils Charles a 13 ans, sa fille Ariel, 12 ans. « Ma fille aime beaucoup servir les repas à la salle à manger », prononce-t-elle, un éclat de fierté dans l’œil.

« On n’habite pas loin, ils viennent en vélo. L’école finit bientôt pour l’été, on va leur donner des petites tâches. »